Oncle du chanteur folk Pete Seeger, Alan était un poète américain qui s’engagea en 14 dans la Légion Etrangère et périt sur le front de la Somme.
« Qu’il soit bien compris que je n’ai pas pris les armes par haine des Allemands ou de l’Allemagne, mais par amour pour la France. »
Il avait rendez-vous avec la mort, avait-il écrit dans un poème fameux.
Il nous a laissé un hommage au Champagne, écrit en 1914-15, dont l’édition originale vient de faire parler d’elle après son acquisition par Pierre-Emmanuel Taittinger de la maison du même nom.
(Voila qui rappelle certaines paroles de Winston Churchill (« nous ne nous battons pas seulement pour la France, mais pour le champagne!))
I Dans les joyeuses fêtes, dans les réunions heureuses,
Quand les joues sont colorées et les verres dorés et perlés
Avec le doux vin de France qui concentre
Les rayons du soleil et la beauté du monde,
II Buvez quelquefois, vous dont les pas peuvent encore fouler
Les calmes, délicieux chemins de la Terre,
À ceux dont le sang, versé dans un pieux devoir,
Sanctifie le sol où ce même vin est né.
En voici une autre, en prose, trouvée sur le site Médecins de la Grande Guerre du Dr Patrick Loodts (traduction Bernard Léguiller)
Biographie, carnets de guerre et poèmes. Alan Seeger, traduit de l’anglais par Bernard Léguiller. Editions la Vague Verte, 80430 Inval-Boiron
Dans les joyeux banquets, dans les heureuses fêtes, quand les joues seront empourprées et que les verres seront pleins des perles dorées du doux vin de France, où se concentrent les rayons du soleil et la splendeur du monde,
Buvez quelquefois, vous dont les pas pourront encore fouler les sombres et délicieux sentiers de la terre, buvez à la mémoire de ceux qui, pour un pieux devoir, ont versé leur sang, sanctifiant le sol où ce même vin naquit.
Là, étendus par de dévoués camarades, ils sommeillent le long de nos lignes, à l’endroit où ils sont tombés, à côté du cratère de la Ferme d’Alger et en haut des coteaux sanglants de la Pompelle,
Et autour de la vine et de la cathédrale dont les ennemis de la Beauté osèrent profaner les tours, dans le tapis de fleurs multicolores qui revêt les champs crayeux et ensoleillés de la Champagne.
Sous chacune des petites croix érigées, repose le soldat.
Obscurément sacrifié, sa tombe sans nom, nue, sans sculpture, sans dédicace poétique, sera empourprée par l’Eté de coquelicots en fleurs et l’automne la jaunira de vignes mûrissantes.
Là, les vendangeurs en faisant la récolte, marcheront plus légèrement, et en chargeant leurs plateaux d’osier, ils béniront sa mémoire tandis qu’ils chanteront en accomplissant leur dur labeur … sous les rayons obliques du soleil d’octobre …
Combien j’aime à penser que si mon sang est assez privilégié pour imprégner cette terre où le sien pénétra, je ne disparaîtrai point entièrement, mais quand les banquets s’animeront aux bruits des voix, quand on boira en portant des toasts,
Et que les faces illuminées par la joie de vivre seront rendues plus radieuses par les rires et la bonne chère, des coupes étincelantes un atome de mon être s’élancera vers les lèvres que j’ai tant aimées.
Ainsi, un être qui n’aura pas convoité l’idéal plus haut que celui incarné, coloré, vivifié par la nature. même, de la tombe s’élèvera pour atteindre les rêves chéris de sa jeunesse, ces rêves qu’il ne réalisa pas et qu’il aurait pu vivre.
Hélas ! combien périrent ici, à qui la vie réservait de délicieux présents ; combien, dans toute la vigueur et le charme de leur jeunesse couronnée de tous les dons qui conquièrent et séduisent !
Honorez-les non pas tellement avec des larmes et des fleurs ! Mais vous, avec qui est restée la douce réalisation de leurs rêves, vous vers qui, dans l’angoisse des heures atroces se tournèrent leurs dernières pensées quand leurs yeux mourants se fermaient,
Rappelez-cous quels hommes ils furent ; et quand vous êtes sous le tendre charme de la musique ou parmi une brillante assistance animée de la joie la plus vive, levez vos verres à leur mémoire dans un toast silencieux.
Buvez à eux, – pleins d’amour pour la Terre chérie ! Ils ne demandent pas de plus éloquent témoignage de tendresse, et, dans le jus de la vigne qui a mûri à l’endroit même où ils tombèrent, oh ! trempez vos lèvres comme si vous leur donniez un baiser.
Alan Seeger
Volontaire américain, mort pour la France
Baptiste W.Hamon chante « la ballade d’Alan Seeger », chanson qu’on peut écouter par exemple sur Spotify.