c’est boire pauvrement, Boire à la Célestine C’est boire largement, Boire à la Jacobine, C’est chopine à chopine, Mais boire en cordelier, C’est vuider le cellier !
Cette chansonnette ancienne moque gentiment les façons des moines et religieux, grands buveurs au Treillis Vert de la rue Saint-Hyacinthe. Que est son sens, son histoire et sur quel air la chantait-on ?
Nous l’avons découverte dans Héloïse ouille !, déchirante histoire contée par Jean Teulé dont l’action se passe au 12ème siècle, ce qui semble assez anachronique, l’ordre des capucins ayant été créé au 16ème siècle.
Elles est citée par Charles Monselet, dans Gastronomie, récits de table (1874), et par le prince Pierre Dolgoroukow, dans ses Mémoires, à propos de Lestocq, un personnage étonnant rencontré à la cour de Russie… Elle figure dans la revue MELUSINE, recueil de mythologie, littérature populaire, traditions et usages, publié dans les années 1880 par H.Gaidoz et E.Rolland (tome 3 p 430), avec une variante pour le deuxième quatrain (boire à la Célestine/ c’est pinte sur chopine/ en carme et cordelier/c’est vider le cellier), impliquant les Carmes, que l’usage a oublié ; et une attestation en 1701 dans un cahier de collégien à Lyon.
L’air « boire à la capucine » est cité pour la recette des « fricandeaux en ragoût » dans « le Festin Joyeux ou la Cuisine en Musique« , de J. Le Bas, paru en 1739, qui invitait les dames de la Cour à cuisiner en chantant.
Et, bingo! l’air « boire à la capucine » se trouve en fin de volume :
La chanson daterait donc du 17 ème siècle ou de la fin du 16ème, comme sans doute la ronde enfantine « dansons la capucine » (que Jean Baptiste Clément connut enfant, avant d’en faire une chanson révolutionnaire).
Revenons aux capucins. Ces franciscains à capuche vivaient dans la pauvreté et ne buvaient donc guère. Ce n’était apparemment pas le cas des Célestins (bénédictins) et des Jacobins (dominicains).
Transportons nous cent quarante ans en arrière, au temps où l’électricité était une magnifique promesse pour l’humanité. C’est ce qu’ont fait Jean Echenoz et Philippe Hersant, auteurs de Les Eclairs, un opéra récemment créé à Paris à l’Opéra Comique qui met en scène l’aventure américaine d’un inventeur inspiré de Nikola Tesla.
On y boit souvent, et il s’y trouve un air à boire peu commun !
Buvons à la santé du courant électrique !, lance l’homme d’affaire Horace Parker (inspiré par George Westinghouse et incarné par le baryton Jérôme Boutillier). Puis..
Mais pourquoi ce silence, et que font tous ces gens assoiffés sans nul doute, à me considérer ?
Buvons messieurs, buvons ! Buvez mon cher Gregor ! (personnage inspiré de l’inventeur Nikola Tesla)
Quand Horace Parker boit, tout le monde boit ! (il offre une tournée générale de bière)
On lira avec profit l’article d’olyrix sur cette impressionnante production que l’on peut voir sur operavision.eu jusqu’au 3 juin 2022 12h CET
Voici un jeu de l’oie peu commun découvert par l’ami François.
De case en case, on apprend que le vin est une boisson saine et fortifiante,essentiellement française, qu’il donne la joie, l’agilité, qu’il préserve du cancer… et que l’esprit de la Race vient du vin …
Il fut publié sans doute vers 1935 par le « Comité de Propagande en faveur du vin ».
Cette organisation fut créée en 1931 par le ministère de l’Agriculture, sous l’impulsion notamment du « député du vin » Edouard Barthe.. Elle contribua début des années 50 à la rédaction d’ouvrages comme le Bréviaire de l’amateur de vins (par A.Mournetas et H.Pélissier), « le Vin de France dans l’histoire » de Roger Dion, et soutenait des organisations comme les « médecins amis du vin de France » (cf https://www.cairn.info/revue-actes-de-la-recherche-en-sciences-sociales-2005-1-page-52.htm)
C’était une toute autre époque ! Il fallait mener le combat contre l’alcoolisme, et en même temps soutenir la production viticole.
Le site pau.fr rapporte une réception tenue à Pau en 1933 par le Comité de propagande : en voici le conséquent menu proclamant les devises du vin, qui dissipe la tristesse, réjouit le coeur…
A bon vin, point d’enseigne ! Après bon vin, meilleur cheval !
Voici quelques autres productions du comité de propagande.
Etroitement associé au Comité National des Appellations d’Origine (CNAO, qui deviendra plus tard l’INAO), il conduit un nombre impressionnant de manifestations, notamment en 1937, année de l’Exposition Universelle.
Rallye Bacchus le 16 juin, réception du Congrès international du Pen-Club (regroupant des écrivains du monde entier) le 20 juin, réception de l’Association des Maires de France le 8 juillet, 3ème Congrès mondial de la publicité du 5 au 10 juillet, réception des congressistes « Santé Publique » le 9 juillet, dîner des Médecins amis des Vins de France le 22 juillet, réception des Inspecteurs et contrôleurs principaux de la viticulture le 21 juillet, des Cavaliers de Camargue le 23 août, du Congrès de l’Union interparlementaire le 3 septembre, de divers groupes folkloriques de France, des médecins Franco-Tchécoslovaques le 13 octobre, participation à la Fête des vendanges provençales le même jour, réception de l’Association de la Presse de l’Est le 19 octobre, des Conseillers du Commerce extérieur le 25 octobre, de l’Ordre du Tastevin le lendemain, ou encore du Président de la République Albert Lebrun le 29 octobre511. Le CNAO est par ailleurs à l’initiative de dégustations gratuites organisées à la Fontaine du vin. Le 29 novembre, il participe à la Soirée de gala du concours du Grand Prix de la Chanson Bacchique de 1937 *. Il organise enfin une série de concours de dégustations réservés à diverses professions : le 26 octobre, sous la direction du Directeur du Moniteur vinicole, des journalistes sont invités à goûter 10 vins et à déterminer leur origine ; le 3 novembre, avec l’aide du journal L’Auto, les sportifs sont à l’honneur ; le lendemain un concours est organisé entre les sommeliers des restaurants de Paris ; le 6 novembre, les artistes de théâtre et de cinéma doivent reconnaître 6 vins.
Qu’en est-il aujourd’hui de ce comité ? On relève qu’en 1967 (JO du 30 juin 1967, n° 151 p 6591), le ministère de l’Agriculture nommait encore pour 2 ans, M.Lalle vice président du CVPFV.
Le vin fut proscrit des écoles primaires en 1956, puis des lycées en 1981. En 1990, ce sera la loi Evin, interdisant toute publicité pour les vins et alcools. Gageons que le comité de propagande en faveur du vin disparut alors de l’organigramme.
Il s’est finalement tenu, ce Symposium tant attendu. Nulle nième vague ne l’a contrarié, et quelques vingt-cinq confréries et associations franciliennes s’y sont retrouvées, dans ce joli village d’Auvers/Oise, pour partager des connaissances, parader, admirer des oeuvres artistiques mais aussi trinquer, faire bonne chère et la fête.
Si l’on se replace en novembre 2020, date où le comité d’organisation s’est pour la première fois réuni, il fallait avoir un sacré optimisme pour investir dans ce projet. Saluons donc Michel Devot, président de Cocorico, la municipalité d’Auvers/Oise et le Pressoir Auversois, association invitante, pour s’être lancés dans l’aventure.
Une fois montrée patte blanche (on aura compris qu’il s’agissait du passe sanitaire) la journée commença par des conférences sur des thèmes viticulturel, oenologique, historique, artistique et gastronomique.
Denis Boireau, un scientifique bien connu des amis du bon clos, fit le point sur les cépages résistants aux maladies de la vigne comme l’oïdum et le mildiou, fruits de recherches ancienne et récente,
et incita vivement les cultivateurs de vignes patrimoniales à s’y intéresser. (Nous avons déjà visité son « arboretum » d’Epinay/Orge.)
Gabriel Lepousez, neurobiologiste, chercheur à l’institut Pasteur et concepteur d’une formation à l’Ecole du Nez de Jean Lenoir, fit sensation en décrivant précisément les fondements anatomiques et physiologiques de l’olfaction : 400 capteurs, situés dans l’épithélium olfactif, permettant d’identifier des milliers (potentiellement des milliards) de molécules, sont reliés aux neuronesde la zone nasale du cerveau.
Encore faut-il avoir les bons gènes pour que ces associations soient activées. D’un individu à l’autre, on observe des seuils de sensibilité extrêmement variés, dans un rapport de 1 à 1000 voir plus. Le plus beau nez du monde ne peut donner que ce qu’il a ! L’entrainement n’y remédiera pas, mais il permettra (ce qui n’est pas rien) de mettre des mots sur ce qui est ressenti. Il décrivit également le phénomène de rétro olfaction, qui opère lors de l’ingurgitation et échappe donc aux dégustateurs qui recrachent le vin. Et il fit valoir que les neurones de la zone nasale du cerveau ont la faculté de se régénérer.
Michel Miersman, de la Confrérie du Clos Saint-Vincent de Noisy-le -Grand, est venu faire part de la démarche qui lui a permis d’écrire un livre sur 1300 ans d’histoire de la vigne et des vignerons de Noisy-le-Grand,
sans quasiment sortir de son bureau, tant il y a d’informations et de documents (comme le « terrier ») disponibles en ligne.
Robin Bourcerie, jeune musicien et musicologue auteur d’une thèse sur les airs à boire du 17ème siècle en exprima la substantifique moëlle en les situant dans le contexte des moeurs de l’époque :
types de vins, circuits d’approvisionnement et lieux de consommation, en mettant l’accent sur l’explosion créatrice (des milliers d’airs publiés dont 2425 analysés dans sa thèse) et l’importance du cabaret.
Enfin Thierry Bitschené, de la confrérie du Brie de Meaux, a présenté son fromage d’élection au moyen d’un petit film,
et invité les participants à s’en faire une idée plus précise lors du déjeuner qui s’ensuivit.
Après le buffet campagnard, qui valait bien celui du temps béni des Galeries Barbès,
l’heure est venue de se mettre en tenue pour défiler dans les rues d’Auvers,
ci-dessus Jean-Claude Pantellini, président du pressoir Auversois, entre à gauche Isabelle Mézières, maire d’Auvers/Oise, et à droite Martine Rovira, maire adjointe
et, au son des corps de chasse du Rallye Vau-Vent
et des cabrettes, accordéons et vielles de la Bourrée Montagnarde,
rallier l’église, immortalisée jadis par Vincent Van Gogh,
où une bénédiction attendait les quelques vingt-cinq confréries présentes.
C’est un autre Vincent qui tenait fièrement la bannière de Clamart.
De l’église, en longeant les vignes où sont Saint-Vincent et Bacchus,
, on partit vers la mairie où les véhicules du Vexin Classic paradaient à l’arrêt. On y retrouva la conseillère régionale Babette de Rozières, déléguée à la gastronomie, heureuse de retrouver les confréries.
Quelques heureux trouvèrent là une alerte guide pour explorer en privé les ruelles du village,
On aura reconnue Edith Monti, artiste peintre anversoise dont les lecteurs du bon clos ont déjà fait la connaissance et que nous remercions pour son accueil
découvrir le musée et les vignes Daubigny et pousser jusqu’à l’atelier du maître en passant au pied de l’escalier de Van Gogh.
Le reste de la troupe put découvrir la médiathèque où le dessinateur humoriste Michel Roman
et les enfants des écoles exposaient leurs oeuvres artistiques et poétiques.
Enfin vint l’heure du diner servi par le traiteur Bernard Dieu et animé par Frank Dorès, Léna et leurs danseuses.
Après les salamalecs et remerciements de tous ordres,
On reconnaitra au centre Pierre Douglas, avec sa gauche Isabelle Mézières, maire d’Auvers, puis J.C.Pantellini, président de Pressoir Auversois, et Michel Devot, président de Cocorico ; et à sa droite, Michel Mella, Jean-Pierre Gimbert, Marc Lesk, J.P.Faury et Martine Rovira, maire-adjointe
vint l’heure de la proclamation des résultats du concours des vins d’ile de France et de la remise des diplômes par l’accorte Edith Monti.
Le jury était présidé par Philippe Faure-Brac, meilleur sommelier du monde… 1992 et président de l’Union Française des Sommeliers, assisté de Laetitia Trouillet Martin, de l’institut oenologique de Paris. Avec 4 autres dégustateurs chevronnés, ils avaient eu à juger 51 vins des années 2019 et 2020, principalement des blancs, présentés par 23 confréries et associations, et ont décerné 3 médailles d’or, 7 d’argent et 8 de bronze et quelques prix d’encouragement.
Comme les résultats étaient annoncés en commençant par les diplômes de moindre importance, l’on pouvait lire sur les visages des premiers nominés la déception d’être appelés si tôt, et sur ceux de ceux qui ne l’étaient pas encore l’espoir, de plus en plus ténu au fur et à mesure des appels, de l’être pour une plus haute récompense… Dura lex sed lex!
les lauréats du concours des vins
Ce n’est pas si facile de faire un bon vin, le Bon Clos adresse ses félicitations aux médaillés, et ses encouragements à tous les participants !
On pourra voir les résultats complets sur le site de Cocorico.
C’est l’exposition présentée ces temps-ci à l’abbaye de la Celle, près de Brignoles dans le Var.
Cette abbaye, construite à l’époque romane, est bâtie sur le site d’une villa romaine du 2ème siècle productrice de vin, dont on a retrouvé le pressoir et le fouloir dans la cuisine de l’abbaye. Elle ressemblait peut-être à celle-ci ?
maquette d’une villa romaine à Cavalaire
L’exposition retrace cette exploitation systématique des campagnes durant l’époque romaine.
Avec leur fond plat, les amphores « Gauloise 4 » emplies de vin gaulois sont exportées dans tout l’empire romain et même au delà.
col d’amphore au bouchon de liège, port antique de toulon, 1er-2ème siècle
Mais il y avait toutes sortes d’amphores
de gauche à droite : dressel2-4 de narbonnaise, G2, G5, G4
Cette cruche poissée, (à l’intérieur enduit de poix), était présente sur toutes les tables des buveurs romains
Voici d’autres récipients, en céramique, ou en verre soufflé (modiolus, Toulon, 1er siècle)
Cette coupe sigillée représente Bacchus ivre
Voici aussi une intéressante pipette à vin, et une patère en alliage cuivreux (1er siècle), utilisée comme une louche pour le service et les libations
Cette serpette en fer torsadé devait servir dans les vignes
serpette à manche torsadé (la Crau)
On voit aussi quelques beaux objets décoratifs comme cette colonne à décor de rinceaux de vigne peuplés d’oiseaux (marbre blanc, 1er siècle, près de vienne)
et cette mosaïque représentant une scène de vendanges
Mais le clou de l’expo est la mosaïque du Vème siècle « les trois Grâces et Bacchus chez Ikarios », découverte à Vinon sur Verdon dans le domaine de Pèbre, et maintenant domiciliée à Manosque.
Elle évoque la légende d’Ikarios, cultivateur ayant offert l’hospitalité à Bacchus, qui en retour l’initia à la vigne et au vin. A gauche Bacchus, reconnaissable à sa thyrse, est auprès d’Ikarios qui tient des grappes de raisin. Au centre, les trois Grâces, qui personnifient le don, la dette et la reconnaissance.. A droite, Ikarios indique à un serviteur le bouc qui se goinfre de raisins et doit être sacrifié.
On peut y lire les deux vers du poète Martial :
« toi qui fronce le sourcil et ne lis pas ces lignes de bonne grâce, puisses tu, horrible envieux, envier tout le monde et n’être envié par personne ».
Que voici une belle exposition sur le vin dans l’Antiquité, proposée par la Cité du Vin !
Nous y avions suivi il y a quelques semaines une conférence en ligne du professeur François Lissarague sur « le banquet des grecs« , où l’on apprenait que les symposiums (boire ensemble) commençaient généralement par des libations aux dieux.
Cette exposition nous donne à voir les représentations de ces dieux, essentiellement Dionysos et son avatar romain Bacchus, sur des amphores, rhytons et autres jarres, mais aussi sur des reliefs, des sculptures et des objets décoratifs.
On est accueilli par ces mots d’Euripide :
Dionysos, fils de Sémélé, prince divin des Bienheureux, maître des gais banquets tout fleuris de couronnes, dont l’apanage est de conduire les choeurs au son des flûtes, de rire, et d’endormir nos soucis, quand le jus du raisin brille au festin sacré…
Le voyage commence en Egypte avec cette stèle calcaire(-VII à -IVème siècle) représentant des femmes vendangeant et foulant le raisin
à mettre en regard avec cette autre scène de vendange et foulage du raisin en musique par des satyres (Italie du sud, IVème siècle avant J.C.)
Le voyage se poursuit en Perse (au Louristan) avec cette situle (seau à vin) ornée d’une scène où deux époux font le geste de trinquer (vers -1000) devant un serviteur portant la jarre.
voir le déroulé di-dessous
Mais l’essentiel se passe en Grèce. Ce rhyton et cette jarre trouvés à Santorin datent de -1600…
Ce rhyton à tête de mulet, percé, permettait de boire à la régalade (IVème siècle av. J.C., Attique)
Le vin est un don de Dionysos aux hommes. Sur ce situle dit « Rothschild »(du nom du donateur d’une importante collection) venant d’ Italie du Sud (vers -350) et conservé à Genève, on voit le dieu entouré d’Aphrodite, Eros et Eirenè (la Paix), en offrir au roi de Thrace Maron convaincu par Peithô (la Persuasion).
Il faut donc remercier les dieux ce qu’on fait à chaque libation en versant quelques gouttes de vin sur le sol, avant de le boire mélangé à de l’eau.
Dionysos, dieu errant, offrait la vigne et le vin à ceux qui l’accueillaient, comme sur cette amphore trouvée en Attique (-550 -530) où on le voit apportant du vin à des jeunes hommes porteurs de présents.
Voici aussi un vase (pelikè) représentant Dionysos sur un char (Attique, vers -380)
Sur ce pied de table en marbre, Dionysos est représenté la main sur la tête en signe d’extase.
Ce cratère à volutes représente Héraclès et Dionysos (Italie du Sud, -350). Tous deux ont acquis l’immortalité en récompense de leur oeuvre civilisatrice.
Ce psykter (vase à rafraichir le vin) représente les deux compères (Héraclès est reconnaissable à sa peau de lion) avant un concours de boisson…
Voici encore Dionysos sur une « nestoris » (Italie du sud, vers -350) avec Eros (le vin passait pour être aphrodisiaque) : Dionysos est étendu sur un lit, face à un satyre, tandis qu’au dessus Eros tient dans ses mains un cerceau (filtre d’amour ?).
Le dieu caprin Pan se joint volontiers à Dionysos-Bacchus. Celui-ci en bronze vient de Suisse (à g. 150-200 ap.J.C.). Voici aussi Silène, vieux satyre, précepteur de Dionysos, pressant contre lui une outre à vin (Grèce, marbre, 1er siècle).
Voici maintenant deux masques représentant Dionysos sous deux formes très différentes : jeune homme pressant le raisin dans ses mains( Botrys -la grappe, à gauche) et vieillard barbu à cornes de taureau (Tauros). Asie Mineure, IIème-Ier siècle avant JC)
Cette applique de lit en bronze représente un autre Dionysos Tauros (Alexandrie IIème siècle av.JC)
Le thème de la mort est là évidemment, avec cette hydrie funéraire en bronze dorée (Grèce, fin du 4ème siècle avant JC) qui représente Dionysos et son amant Ampélos, « dont la mort prématurée causée par un taureau laissa le dieu inconsolable », et qui se serait métamorphosé en vigne.
Plus monumental encore est ce cratère découvert à Vix dans la tombe d’une princesse celte (fin du VIème siècle av. J.C.), qui témoigne des échanges existant alors entre Bourgogne et Italie. C’est le plus grand vase que l’Antiquité nous ait légué, il pouvait contenir 1100 litres.
Ci-dessous deux vases provenant d’un sanctuaire des Cabires, à Thèbes représentant ces divinités proches de Dionysos donnant du vin au cours d’un banquet à un serpent et à un cygne, deux animaux « symboliquement en lien avec la mort ». (Vème siècle av. JC). Le vin et le banquet seraient donc ici associés à l’idée de vie sublimée après la mort.
Cette mosaïque ornait la salle de banquet d’une riche villa, semblant inviter à jouir de la vie… : carpe diem
Un proverbe latin ne dit-il pas :
Les bains, les vins, Vénus nous ruinent la santé. Mais la vie, c’est les bains, les vins, Vénus…
Et pour finir, voici la stèle d’un cabaretier de Bordeaux tenant la cruche d’une main et le gobelet de l’autre semblant inviter le passant à boire.(II-IIIème siècle)
Bien d’autres oeuvres valent le déplacement, notamment des modernes, on a jusqu’au 30 août 2021 pour les voir Avant qu’elles ne joignent les collections du Louvre, du Musée Archéologique d’Athènes, de la Fondation Gandur et autres musées genevois et collections privées dont elles proviennent. Avis aux amateurs !
Ce samedi 2 juillet se tenait à l’Oenothèque de Bandol le chapitre de juillet de l’Ordre Illustre des Chevaliers de Méduse.
Au cours de ce chapitre a été inauguré une exposition sur l’histoire des confréries bachiques dont on pourra lire une relation sur le site de la FICB.
Cette confrérie, dont l’histoire remonte aux temps anciens (elle fut fondée vers 1690), fut dissoute comme les autres à la Révolution. Elle renaquit en 1951, et depuis lors s’emploie à promouvoir les vins de Provence: Bandol, Cassis, Palette, Côtes de Provence, Côteaux varois en Provence, Bellet…
C’est une société « bachique, badine et facétieuse » ; mais aussi « solidaire, chantante et littéraire »…
Par convention locale, on n’y boit pas, on y lampe ; dans un verre ? non dans, une lampe ; du vin ? et non, de l’huile… Les membres sont des frères et soeurs et le tutoiement est de rigueur.
En effet, lamper, c’est éclairer son esprit ; l’huile versée dans la lampe fait rayonner la flamme sacrée, symbole de l’esprit, de la connaissance et du coeur.
Le Grand-Maître Jean-Pierre Boyer a ce jour-là intronisé trois impétrants, parrainés par le Grand Argentier Georges Romeo : M. Marc Bayle, conseiller municipal de Bandol, ancien préfet, féru d’histoire ; Mme Mary Kirk, franco-américaine, sommelière, organisatrice de voyages orientés vins en Champagne et Ile de France ; et Alan Bryden, le Président de la FICB.
C’est en lampant une huile rosée du domaine de Ray-Jane (Bandol 2020) apportée par le frère Alain Constant que les trois nouveaux Chevaliers ont scellé leur entrée dans l’Ordre Illustre. Le cérémonial suit la règle ordonnée par le Grand Cellérier :
Lampe en main
Lampe allumée
Portons la à hauteur de nos yeux
Et après avoir invoqué notre mère Méduse
Lampons !
et finit avec la formule latine Oleo et Lampade Medusa Gaudet, à laquelle on répond :
Laetificat ! Petrificando !
Alleluia ! Alleluia !
L’expo nous apprend que l’Ordre Illustre a été créé à Marseille par le Sieur Hurault, marquis de Vibraye, (il devrait s’agir d’Henri-Emmanuel 1638-1708 ?),
au sein d’un cercle d’officiers de la Marine Royale. Pourquoi Méduse ? le vin, tout comme Méduse, a la capacité de rendre ses trop fervents admirateurs aussi immobiles que la pierre…
Cette « Société de buveurs » a été ensuite développée par Jean-Louis Girardin de Vauvré, Intendant du port de Toulon de 1680 à 1716 qui l’implanta un peu partout en France, notamment dans les ports.
en collaboration avec des hommes de lettres (parmi lesquels il faut citer Jacques Vergier, poète reconnu par les grands de son temps, un temps chancelier de l’Ordre).
On peut y découvrir les curieux statuts et rituels de cette Société dont le principal objectif était de permettre à ses membres, dont de nombreux officiers de marine, qui devaient être « catholiques, de bonnes moeurs, point médisants, blasphémateurs ni ivrognes », de « profiter des douceurs de la vie au cours d’abondants festins bien arrosés, au sein d’une compagnie joyeuse, cultivée et agréable« , mais qui avait aussi pour but de porter assistance à ses membres, notamment pour payer les rançons de ceux « tombés en captivité aux mains des infidèles ».
On y trouvera aussi maintes chansons, épigrammes et épîtres composés par les « frères et soeurs » :
Heureux mortels que votre sort est beau !
Sans redouter les maux que cause l’Eau,
Lampez bonne huile au gré de votre envie
Et vous goûtez la véritable vie.
Voici quelques vers bien plaisants de Jacques Vergier (1699):
Cher voisin, que j’aime à voir ta face ! De Vénus, les beautés elle efface : On voit sur ton nez la carte d’un ivrogne Je parcours dans ta riante trogne Tous les cantons de Champagne et Bourgogne … Buvons pour célébrer ta gloire. Ah ! Quelqu’un peut-il te voir Sans en concevoir Un pressant désir de boire ?
Dans cette petite ville située au nord de Paris, sur une butte, se dresse ce château qui date de la Renaissance et qui héberge le Musée National de la Renaissance. Il fut construit dans les années 1540-50 par le connétable Anne de Montmorency, esthète, mécène et grand collectionneur.
On y trouve une collection respectable de tapisseries. Celle intitulée « le dîner du général« , en laine et soie, mesure plus de 4m sur 8m et date du milieu du 16ème siècle. Elle provient de l’atelier du bruxellois Jehan Baudouyn, d’après des dessins de Giulio Romano. Elle représente une belle tablée servie en plein air.
Il est plaisant d’y voir les serveurs remplissant les verres
et les convives les levant…
ou réclamant qu’on les remplît…
A propos de verres, le musée en présente toute une collection.
ces flûtes sont des flandres et des pays-bas
En voici d’autres, accompagnées de verres tout aussi splendides
La mémoire collective souvient de la révolte des viticulteurs du Midi, en 1907, victimes de la surproduction et de la baisse des cours, et immortalisée par les héroïques soldats du 17ème régiment d’infanterie qui refusèrent de tirer sur la foule.
Elle a moins retenu celle des « cossiers« , ces vignerons champenois qui reprochaient (les marnais) aux grandes maisons de champagne de s’approvisionner en raisin hors de la zone d’appellation, ou qui souhaitaient (les aubois) y avoir accès.
Gaston Couté a chanté ces luttes : Le beau geste du sous-préfet, Cantique à l’usage des vignerons champenois, Ces choses-là, Au Vigneron Champenois, le Nouveau crédo du paysan, parus dans le journal anarchiste La Guerre Sociale. On ne s’étonnera pas de la tonalité révolutionnaire de ces chansons !
Aujourd’hui, voilà c’ qui s’ pass’ dans la Marne D’après les dernièr’s nouvell’s des journaux : Au sac des celliers la foule s’acharne Brisant les bouteill’s, crevant les tonneaux ; Les ruisseaux débord’nt de flots de champagne Et les vign’s avec leurs grands échalas Sont comm’ des bûchers au cœur des campagnes…
On peut trouver les paroles de ces chansons sur le site de Mediapart.
Bon paysan dont la sueur féconde Les sillons clairs où se forment le vin Et le pain blanc qui doit nourrir le monde, En travaillant, je dois crever de faim ; Le doux soleil, de son or salutaire, Gonfle la grappe et les épis tremblants ; Par devant tous les trésors de la terre, Je dois crever de faim en travaillant !
Bien moins connues sont les émeutes qui étaient l’ordinaire d’un Ancien Régime où les « taillables et corvéables à merci » ne baissaient pas toujours la tête devant les « commis des fermes » et représentants de l’autorité. Des chercheurs ont eu la bonne idée de mettre en ligne une base de données des ces révoltes ordinaires, Hiscod (Historical Social Conflict Database). Le Bon Clos en a sélectionné quelques unes…
Ainsi à Clamart le 5 octobre 1749
« 7 ou 8 particuliers dans les bois s’enfuient à l’approche du garde de la Varenne du Louvre. Celui-ci dans le village est poursuivi par 60 individus menaçants. »
et à Auvers sur Oise le 22 janvier 1752
« Trois commis aux Aides qui surprennent un vigneron vendant à »Muchepot » sont assaillis par six »particuliers » et d’autres encore. Ils se sauvent dans la nuit, menacés par des groupes »ameutez », criant »tue, tue ces bougres là ». »
Sur 10 000 faits relatés, quelques 200 sont relatifs au vin, ce sont la plupart du temps des actes de résistance aux contrôles et à la levée des taxes. Les archers, commis des fermes et représentants de l’autorité se voient pourchassés, parfois même occis, par une « populace » furieuse.
Émeute à Lyon en avril 1669
« Soulèvement de femmes (500 à 600) de La Croix Rousse. Elles repoussent les archers placés aux portes par les fermiers des aides pour empêcher l’entrée du vin en bouteilles. L’une d’elles agite une feuille de papier blanc au bout d’un bâton en guise de drapeau. Tambour. Les archers ont tiré sur la foule qui les a poursuivis jusqu’au corps de garde. »
Émeute à Ancenis le 2 octobre 1724
« Vente clandestine de vin. Trois cordonniers transportant du vin sont appréhendés. Émeute. Dans cette »populace en furie », les commis reconnaissent un tailleur d’habits, un potier d’étain, un marchand. »
Émeute à Laval-Pradel le 15 août 1755
»Les commis [de l’équivalent] sont insultés dans toutes les villes et lieux de la province, à tel point que la plupart ne peuvent point faire leurs fonctions, à cause des émotions populaires qui se forment à la première venue des employés, ce qui est déjà arrivé plusieurs fois, en divers lieux de la province », dit le fermier général de l’équivalent à propos de la présente affaire. Le 15 août, jour de fête balladoire à Laval, deux commis d’Alais qui faisaient leur fonction passent, à l’Habitarelle, devant la maison d’Arbousset, fermier de Mr Delouze de Troilhas. Ils y trouvent un grand nombre de buveurs, devant la maison, dans la basse-cour et à l’intérieur (60 rien qu’à l’intérieur). Arbousset dit vendre du vin de son cru, mais refuse de montrer son bail de fermage. Les commis veulent saisir trois tonneaux dans sa cave. Dehors »rumeur séditieuse », signes et invectives contre les commis. Arbousset saute sur l’un des commis, à coups de poings, et excite les buveurs contre eux. Armés de barres et de bâtons, les buveurs désarment les commis et les frappent, après avoir fermé les portes de la basse-cour. Un des commis est blessé à la tête. Les violences continuent jusqu’à ce que les commis crient »mercy ». On les laisse alors partir. Le cabaretier d’occasion prétend qu’il n’y a eu aucune violence : seul le commis a tiré son épée. Pourtant le verbal du chirurgien décrit trois grosses plaies sur la tête… »
Mais il y aussi des fêtes sauvages, comme à Castellane le 18 août 1726
« Paroisse du diocèse de Senez. Selon Achard Dictionnaire de la Provence et du Comté-Venaissin. . , les habitants »aiment bien le vin et le jeu ». Dès le samedi soir 17 août, tapage de la jeunesse, en dépit des interdits : on danse avec éclat, même sous les fenêtres du curé autour de la chapelle. Le dimanche 18, coups de fusils, tambour, »hurlements folastres ». En dépit de l’intervention du curé et du consul, cela continue. L’après-midi, les jeunes gens se répandent autour de l’église. Vêpres pertubées par ces »libertins ». »Dans les divers tours et retours auprès de l’église, un des danseurs y entra en dansant et prenant l’aspersoir bien trempé dans l’eau sainte, en asperge avec bouffonerie tous les danseurs, comme faisaient autrefois les païens dans leurs fêtes baccanales ». Les habitants proclament que »ni curé ni évêque ne les empêcheroient jamais de danser ses jours-là… ». Selon la requête du procureur du roi de Castellane au lieutenant criminel, cet attroupement a été concerté par »un complot de révolte contre l’église ». Tapage dès le samedi à l’entrée de la nuit, puis le dimanche de grand matin et encore après vêpres. Tumulte. Insolences. »
ou encore à Franconville le 26 janvier 1777
« Cinq commis des aides entrent dans une maison où on chante et boit du vin rouge. Ils verbalisent. Se font insulter. Coups, violences. Les femmes appellent à la fenêtre : au feu ! Au voleur ! Rébellion ouverte, affluence, tocsin. Les commis s’enfuient. »
ou à Saint-Jean-sur-Reyssouze le 24 juin 1779, où manifestement il y avait de l’eau dans le gaz au sein des autorités.
« La bailli de justice de cette »terre » veut empêcher de danser et de donner à boire dans les cabarets. Il est bousculé par la foule, et les 4 cavaliers de maréchaussée présents sur les lieux refusent »avec dérisions » de lui prêter main forte. L’autorité mise en cause en celle de la seigneurie de Bagé (marquisat). Noter que l’on conteste ici l’autorité des gardes de la terre, dont on condamne les violences. Le dimanche 4 juillet 1779 à la sortie de la messe, il semble que 2 cavaliers de la maréchaussée auraient, après une enquête sommaire, verbalisé contre les gardes. Le 25 juillet [?] dans la paroisse de Bereziat, même marquisat, les cavaliers auraient toléré le débit de vin jour et nuit. »
Nantes et sa région semblent particulièrement remuants, les commis n’osent plus se risquer dans certains quartiers.
Émeute à Nantes le 27 mai 1728
« Visite de contrôle des commis chez une lingère du quartier du Marchix qui vendait clandestinement du vin. Intervention des gens du quartier : portefaix, garçon tailleur, jardinier. Les soldats appelés à la rescousse sont eux-mêmes agressés violemment. Les personnes arrêtées sont toutes de la même famille. L’émotion est telle que deux détachements de soldats doivent intervenir. Les commis estiment ne plus pouvoir aller au Marchix (faubourg de Nantes) »attendu les rébellions et attroupements continuels qui s’y commettent, sans risquer leur vie. »
Émeute à Nantes le 26 juin 1743
« Un homme portant des bouteilles de vin est appréhendé. Soulèvement du quartier de Biesse. La »populace » est encouragée par les bourgeois. Les commis assaillis cherchent refuge chez une marchande de toile qui les repousse les traitant de gueux, fripons, misérables et coquins de maltôtiers et criant à la populace : il faut assommer ces coquins là. »
La justice ne donne pas toujours raison aux commis…
Émeute à Nantes le 9 avril 1787
« Après l’émeute du 8 avril, les commis retourne à la [?] de la Madeleine. Là, ils remarquent que des gens dansent et boivent du vin. En réponse à leur interrogatoire, le quartier se rassemble et les agresse. Les commis réussissent à se sauver mais ils sont poursuivis. L’émeute devient générale, on va jusqu’à échanger des coups de feu. Les commis réfugiés dans leur bureau doivent être protégés par la maréchaussée. L’émeute a lieu le jour de Pâques. Il s’agit là de l’affaire la plus importante. À l’issue d’une longue procédure, les commis sont condamnés à payer de lourdes amendes aux blessé et aux médecins : au total près de 6000 £. D’autre part, il est enjoint aux commis de se »comporter à l’avenir avec sagesse et circonspection dans l’exercice de leur état, inhibition et défense leur est faite de porter des armes à feu, si ce n’est dans le seul cas de l’article 79 du bail des Devoirs comme aussi de causer et occasionner de quelque manière que ce soit des troubles et des émotions parmi les citoyens et de commettre aucun excès vis à vis d’eux ». »
L’ami Jean Edern avait-il eu vent de cette chasse aux gabelous au château de la Boixière le 9 juin 1675 à Briec ?
« 700 à 800 hommes des paroisses voisines se rendent à Briec et obligent 2 recteurs à marcher avec eux sur le châteaude la Boixière, à la recherche des gabeleurs. Ils recherchent aussi le Sr de Keranstret, seigneur du lieu et d’autres notables. Menaces de feu. Le soir, dans le bourg, nouvelles menaces contre les gabeleurs. Vin bu, écuries brûlées, idem grange, pillage. Tocsin à Quéménéven. »
A ce petit jeu, ce ne sont pas toujours les mêmes qui perdent et les peines pour les émeutiers peuvent être lourdes : amendes, prison, mise au carcan, fouet, bannissement, potence…