Li Bai

Il y a treize cents ans vivait en Chine un des plus grands poètes de ce pays. Li Bai, Li Po, Li Tai Pe ou Li Taibai, comme on voudra.  Si nous en parlons, c’est bien sûr que cet homme aimait le vin, ou plutôt l’alcool qui en tient lieu en Chine.Ses poésies ont été traduites par le Marquis d’Hervey-Saint-Denys, qui rapporte ainsi comment il fut présenté à l’Empereur :

“J’ai, dans ma maison, avait dit [son ministre] Ho-tchi-tchang à l’empereur chinois, le plus grand poète peut-être qui ait jamais existé : Je n’ai pas osé en parler encore à Votre Majesté, à cause d’un défaut dont il paraît difficile qu’il se corrige : il aime le vin, et en boit quelquefois avec excès. Mais que ses poésies sont belles ! Jugez-en vous-même, seigneur”, continua-t-il en lui mettant entre les mains quelques vers de Li-taï-pé.

« L’empereur lut ces vers et en fut enthousiasmé. “Je sais, dit-il, condescendre aux faiblesses de l’humanité. Amenez-moi l’auteur de ces poésies ; je veux qu’il demeure à ma Cour, dussé-je ne pas réussir dans les efforts que je tenterai pour le corriger.” 

Li Bai eut une vie mouvementée, une légende veut « qu’ayant essayé de se tenir debout sur l’un des côtés de sa barque, après avoir bu plus que de raison, il ne fut pas assez ferme sur ses pieds, tomba dans l’eau et se noya. »

On pourra lire la traduction du Marquis , et ci-dessous quelques extraits comme

en face du vin


La vie est comme un éclair fugitif ;
Son éclat dure à peine le temps d’être aperçu.
Si le ciel et la terre sont immuables,
Que le changement est rapide sur le visage de chacun de nous !
O vous, qui êtes en face du vin et qui hésitez à boire,
Pour prendre le plaisir, dites-moi, je vous prie, qui vous attendez ?

Un jour de printemps, le poète exprime ses sentiments au sortir de l’ivresse

Si la vie est comme un grand songe,
A quoi bon tourmenter son existence !
Pour moi je m’enivre tout le jour,
Et quand je viens à chanceler, je m’endors au pied des premières colonnes1.
A mon réveil je jette les yeux devant moi :
Un oiseau chante au milieu des fleurs ;
Je lui demande à quelle époque de l’année nous sommes.
Il me répond : A l’époque où le souffle du printemps fait chanter l’oiseau.
Je me sens ému et prêt à soupirer,
Mais je me verse encore à boire ;
Je chante à haute voix jusqu’à ce que la lune brille,
Et à l’heure où finissent mes chants, j’ai de nouveau perdu le sentiment de ce qui m’entoure.

Le poète descend du mont Tchong-nân et passe la nuit à boire avec un ami

Le soir étant venu, je descends de la montagne aux teintes bleuâtres ;
La lune de la montagne semble suivre et accompagner le promeneur,
Et s’il se retourne pour voir la distance qu’il a parcourue,
Son regard se perd dans les vapeurs de la nuit.
Nous arrivons en nous tenant par la main devant une rustique demeure,
Un jeune garçon nous ouvre la barrière formée de rameaux entrelacés ;
Nous passons par un étroit sentier dont les bambous touffus rendent l’entrée mystérieuse,
Et les grandes herbes verdoyantes frôlent gaiement la soie de nos vêtements.
Ma joie éclate de nous trouver ensemble dans cette retraite charmante,
Nous nous versons l’un à l’autre un vin d’une saveur exquise ;
Je chante, je chante la chanson du vent qui souffle à travers les pins,
Et ma verve ne s’épuise qu’à l’heure où s’efface la voie lactée.
J’ai perdu ma raison et cela excite encore votre gaieté, mon prince ;
Nous oublions tous deux, avec délices, les préoccupations de la vie réelle.

Chanson à boire

Seigneur, ne voyez-vous donc point les eaux du fleuve Jaune ?
Elles descendent du ciel et coulent vers la mer sans jamais revenir .
Seigneur, ne regardez-vous donc point dans les miroirs qui ornent votre noble demeure,
Et ne gémissez-vous pas en apercevant vos cheveux blancs ?
Ils étaient ce matin comme les fils de soie noire,
Et, ce soir, les voilà déjà mêlés de neige.
L’homme qui sait comprendre la vie doit se réjouir chaque fois qu’il le peut,
En ayant soin que jamais sa tasse ne reste vide en face de la lune.
Le ciel ne m’a rien donné sans vouloir que j’en fasse usage ;
Mille pièces d’or que l’on disperse pourront de nouveau se réunir.
Que l’on cuise donc un mouton, que l’on découpe un bœuf, et qu’on soit en joie ;
Il faut qu’ensemble aujourd’hui, nous buvions d’une seule fois trois cents tasses3.
Les clochettes et les tambours, la recherche dans les mets ne sont point choses nécessaires,
Ne désirons qu’une longue ivresse, mais si longue qu’on n’en puisse sortir.
Les savants et les sages de l’Antiquité n’ont eu que le silence et l’oubli pour partage ;
Il n’est vraiment que les buveurs dont le nom passe à la postérité.

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