Un été lyrique

Bonnes pioches cet été pour les amateurs d’airs bachiques lyriques, avec La belle Hélène d’Offenbach montée à Bruniquel, et la Dame Blanche de Boieldieu à Saint-Céré. Et bien sûr Pomme d’api au festival d’ Avignon, dont nous avons déjà parlé

Frank T’Hézan et sa bande réunie chaque année à Bruniquel ne risquaient pas grand chose à monter cette Belle Hélène, joyau de la couronne des oeuvres du Maître, loufoquerie d’une grande finesse toujours actuelle, dans le cadre splendide du château et avec le concours de la population locale.

Emmanuelle Zoldan dans le rôle d’Hélène, ça tombait sous le sens, Dominique Desmons en Ménélas, ça promettait, mais Christophe Crapez en Achille, Jeanne-Marie Lévy en Ajax 2, Aude Fabre en Oreste, voila qui était inattendu… et réussi !

On ne peut pas hélas citer tous les participants de la troupe, qui eurent l’occasion comme d’habitude de prolonger le spectacle, au cours des fameuses tables d’hôte, de leurs facéties et morceaux de bravoure jusqu’à potron-minet.

Mais venons en au fait. La fatalité poursuit la belle Hélène de Sparte qui résiste tant bien que mal aux assauts du berger Paris, fils du roi Priam de Troie. Vénus furieuse de voir ses plans contrariés , met au coeur des femmes de Grèce un immense besoin de plaisir et d’amour… Les maris quittent leurs femmes, les femmes quittent leur s maris, c’est une débâcle générale.

(pour plus de détail voir le livret)

Nous sommes au début du 3ème acte, à Nauplie, au bord de la mer. Le choeur mené par Oreste chante

Dansons ! aimons ! 
Buvons ! chantons ! 
Et trémoussons-nous avec verve !… 
Gloire à Vénus ! 
Gloire à Bacchus ! 
Et foin de la chaste Minerve !..

En attendant le DVD, voici de quoi se faire une idée de cet air avec le choeur des musiciens du Louvre..

(A propos de DVD celui de la Vie Parisienne jouée l’an dernier (et qu’on a pu (re)voir au cinéma de Caussade) est sorti. On peut le commander là. On y retrouvera le baron, joué par Frank T’Hézan, dans la fameuse scène de la griserie.

le baron qui n’est pas encore tout à fait gris

Et comparer avec la version de 2013. (on pourra relire l’article publié à l’époque)

Montauban n’est qu’à quelques lieues de Bruniquel, et son musée Ingres Bourdelle mérite une visite. On peut y voir cette « enfance de Bacchus« , de Raymond Balze (1840)

et ce « Silène et les quatre saisons » de l’atelier de Jordaens (après 1640)

On peut admirer aussi ces « plaques Campana », céramiques antiques d’Italie centrale, du nom de leur collectionneur : des satyres vendangeurs et fouleurs. Un air de déjà-vu ?

Cette Bacchante au raisin d’Emile-antoine Bourdelle (1907)

Et ce « Nymphe et Faune » de Pierre-Paul-Léon Glaize (1861)

Filons maintenant vers le nord, pour retrouver le château de Castelnau-Bretenoux où se jouait la Dame Blanche de François Adrien Boieldieu, sur un livret de Scribe, d’après Walter Scott, créé en 1825 et qui connut un immense succès.

Nous ne détaillerons pas l’argument (le retour d’un héritier légitime aux yeux des paysans au moment de la mise aux enchères du château familial hanté par une mystérieuse Dame Blanche) et filerons à la grande scène de l’hospitalité qui voit le héros adoubé comme parrain d’un nouveau-né.

II faut rire, il faut boire à l’hospitalité. 
A l’amour, à la gloire,
Ainsi qu’à la beauté!

Une fois n’est pas coutume, le spectacle joué pendant la pandémie à Rennes a été mis en ligne, pour notre grand plaisir.

Merci !

Bordeaux en juin

Juin à Bordeaux, c’est tous les deux ans, depuis 1998, les fêtes du vin, du 23 au 26 juin cette année. Les quais, où de vieux gréements sont amarrés, sont investis par des stands où l’on peut déguster des vins de toute la « Nouvelle-Aquitaine ». Les Médoc, Graves-Sauternes, et Saint-Emilion-Pomerol sont bien sûr les plus courus ; il vaut mieux anticiper et venir dès le jeudi, muni d’une carte (et d’un verre de dégustation remis avec), donnant droit à onze « shots » de 6 cl.
Et ce sont aussi des expositions en ville, et à l’incontournable Cité du Vin avec Picasso et l’effervescence des formes (jusqu’au 28 août) .

Sur les quais, une grande carte du vignoble a été livrée au public, le résultat sera-t-il mis aux enchères ?

Pour déguster on n’a que l’embarras du choix…

Les discussions vont bon train entre dégustateurs/rices.

Entre deux dégustations on peut utiliser les jeux mis à la disposition du public

ou suivre des cours de dégustation

puis mettre son savoir à l’épreuve en répondant au Quiz

L’association pour l’information et la prévention de l’alcoolisation festive (APIPAF) prodigue ses conseils et propose un test à qui veut

Les grilles du Jardin Public présentent les gestes du vin

Et la Cité du Vin nous offre une exposition de photos de viticulteurs,

La famille Baudet et son château Monconseil-Gazin

où l’on découvre aussi la Connétablie de Guyenne, confrérie fondée en 1952, qui défend les vins « des Côtes et des Graves »dans leurs différentes appellations comme ici Blaye.

Venons-en à l’exposition l’Effervescence des formes,

que l’on parcourra sans pouvoir échapper aux accents obsédants et très olé-olé de la Matchiche, cette danse nouvelle de 1906.

Mais c’est une autre danse que cette scène (« répétition de jota« , aquarelle et encre, 1903) représente,

où l’on voit (en haut à droite) un « porro » catalan et comment s’en servir.

Mais il y aura plus tard d’autres pichets pour boire, comme ces pièces de céramiques produites dans les années 40-50…

Ce couple de buveurs devant une bouteille a été crayonné vers 1899-1900.

L’ami Juan Gris vivait en ce temps-là de dessins humoristiques publiés dans des gazettes comme l’Assiette au Beurre ou Frou-Frou (à laquelle collaborait aussi Picasso). En voici quelques uns.

le jour de l’an des cheminots révoqués (Charivari, 1911) (« Dire que Jaurès, lui, bouffe de la dinde et boit du champagne! ») paru aussi dans l’Indiscret en 1912 (« Sûr que ça ne vaut pas l’ordinaire de l’Elysée !« )

Sur cette eau-forte de 1934, on retrouve le trait magistral du Maître illustrant le thème antique de la fraternité des buveurs

C’est l’époque aussi oui Leonetto Cappiello (que les lecteurs du bon clos ont déjà rencontré) brille dans la publicité

Cette eau-forte de Picasso, un émouvant « repas frugal », date de 1904. « Le vin des pauvres, chez Picasso, n’est pas avilissement. Il est revanche sur l’existence », dit le commentaire.

Honneur au vin dans cette nature morte de 1923

Ce curieux bricolage en bois est intitulé « bouteille d’anis del Mono et compotier avec grappe de raisin ». Il date de 1915.

En 1914, le cubisme est bien loin avec ces verres et bouteilles pour la fête d’Avignon

En 1949, l’humanité progressiste fête les 70 ans du petit père des peuples. Picasso s’exécute à sa façon.

une des versions de cette carte de voeux, il en est bien d’autres…

Le poète catalan Jaime Sabartes fut à partir des années 30 le secrétaire du Maître , qui le charge ici pour son amour du vin.

feutre sur papier, 1959

En 1933 Picasso dessine ce Minotaure tenant une coupe et une amante. La vie est belle, semble-t-il nous dire.

Ce thème inspire le Maître. Voici une autre scène bachique (carrément orgiaque) de la même époque.

Celle-ci est un peu plus sage…

Minotaure buvant et femmes

Vingt ans après (décembre 1956), voici un carreau de céramique représentant Silène buvant (au porro ?) auprès d’un jeune homme qui tient une coupe. Le trait est fin. Du grand art !

Vers la fin de sa vie (années 1969-73), c’est la frénésie créatrice où revient le thème du couple, semblant « lever une coupe éternelle en direction du spectateur »…

Couple à la coupe, 1969

Boire avec les dieux

Que voici une belle exposition sur le vin dans l’Antiquité, proposée par la Cité du Vin !

Nous y avions suivi il y a quelques semaines une conférence en ligne du professeur François Lissarague sur « le banquet des grecs« , où l’on apprenait que les symposiums (boire ensemble) commençaient généralement par des libations aux dieux.

Cette exposition nous donne à voir les représentations de ces dieux, essentiellement Dionysos et son avatar romain Bacchus, sur des amphores, rhytons et autres jarres, mais aussi sur des reliefs, des sculptures et des objets décoratifs.

On est accueilli par ces mots d’Euripide :

Dionysos, fils de Sémélé, prince divin des Bienheureux, maître des gais banquets tout fleuris de couronnes, dont l’apanage est de conduire les choeurs au son des flûtes, de rire, et d’endormir nos soucis, quand le jus du raisin brille au festin sacré…

Le voyage commence en Egypte avec cette stèle calcaire(-VII à -IVème siècle) représentant des femmes vendangeant et foulant le raisin

à mettre en regard avec cette autre scène de vendange et foulage du raisin en musique par des satyres (Italie du sud, IVème siècle avant J.C.)

Le voyage se poursuit en Perse (au Louristan) avec cette situle (seau à vin) ornée d’une scène où deux époux font le geste de trinquer (vers -1000) devant un serviteur portant la jarre.

voir le déroulé di-dessous

Mais l’essentiel se passe en Grèce. Ce rhyton et cette jarre trouvés à Santorin datent de -1600…

Ce rhyton à tête de mulet, percé, permettait de boire à la régalade (IVème siècle av. J.C., Attique)

Le vin est un don de Dionysos aux hommes. Sur ce situle dit « Rothschild »(du nom du donateur d’une importante collection) venant d’ Italie du Sud (vers -350) et conservé à Genève, on voit le dieu entouré d’Aphrodite, Eros et Eirenè (la Paix), en offrir au roi de Thrace Maron convaincu par Peithô (la Persuasion).

Il faut donc remercier les dieux ce qu’on fait à chaque libation en versant quelques gouttes de vin sur le sol, avant de le boire mélangé à de l’eau.

Dionysos, dieu errant, offrait la vigne et le vin à ceux qui l’accueillaient, comme sur cette amphore trouvée en Attique (-550 -530) où on le voit apportant du vin à des jeunes hommes porteurs de présents.

Voici aussi un vase (pelikè) représentant Dionysos sur un char (Attique, vers -380)

Sur ce pied de table en marbre, Dionysos est représenté la main sur la tête en signe d’extase.

Ce cratère à volutes représente Héraclès et Dionysos (Italie du Sud, -350). Tous deux ont acquis l’immortalité en récompense de leur oeuvre civilisatrice.

Ce psykter (vase à rafraichir le vin) représente les deux compères (Héraclès est reconnaissable à sa peau de lion) avant un concours de boisson…

Voici encore Dionysos sur une « nestoris » (Italie du sud, vers -350) avec Eros (le vin passait pour être aphrodisiaque) : Dionysos est étendu sur un lit, face à un satyre, tandis qu’au dessus Eros tient dans ses mains un cerceau (filtre d’amour ?).

Le dieu caprin Pan se joint volontiers à Dionysos-Bacchus. Celui-ci en bronze vient de Suisse (à g. 150-200 ap.J.C.). Voici aussi Silène, vieux satyre, précepteur de Dionysos, pressant contre lui une outre à vin (Grèce, marbre, 1er siècle).

Voici maintenant deux masques représentant Dionysos sous deux formes très différentes : jeune homme pressant le raisin dans ses mains( Botrys -la grappe, à gauche) et vieillard barbu à cornes de taureau (Tauros). Asie Mineure, IIème-Ier siècle avant JC)

Cette applique de lit en bronze représente un autre Dionysos Tauros (Alexandrie IIème siècle av.JC)

Le thème de la mort est là évidemment, avec cette hydrie funéraire en bronze dorée (Grèce, fin du 4ème siècle avant JC) qui représente Dionysos et son amant Ampélos, « dont la mort prématurée causée par un taureau laissa le dieu inconsolable », et qui se serait métamorphosé en vigne.

Plus monumental encore est ce cratère découvert à Vix dans la tombe d’une princesse celte (fin du VIème siècle av. J.C.), qui témoigne des échanges existant alors entre Bourgogne et Italie. C’est le plus grand vase que l’Antiquité nous ait légué, il pouvait contenir 1100 litres.

Ci-dessous deux vases provenant d’un sanctuaire des Cabires, à Thèbes représentant ces divinités proches de Dionysos donnant du vin au cours d’un banquet à un serpent et à un cygne, deux animaux « symboliquement en lien avec la mort ». (Vème siècle av. JC). Le vin et le banquet seraient donc ici associés à l’idée de vie sublimée après la mort.

Cette mosaïque ornait la salle de banquet d’une riche villa, semblant inviter à jouir de la vie… : carpe diem

Un proverbe latin ne dit-il pas :

Les bains, les vins, Vénus nous ruinent la santé. Mais la vie, c’est les bains, les vins, Vénus…

Et pour finir, voici la stèle d’un cabaretier de Bordeaux tenant la cruche d’une main et le gobelet de l’autre semblant inviter le passant à boire.(II-IIIème siècle)

Bien d’autres oeuvres valent le déplacement, notamment des modernes, on a jusqu’au 30 août 2021 pour les voir Avant qu’elles ne joignent les collections du Louvre, du Musée Archéologique d’Athènes, de la Fondation Gandur et autres musées genevois et collections privées dont elles proviennent. Avis aux amateurs !

Lanzarote : au musée Tanit

Voici un lieu à mettre en tête de liste de toute visite de Lanzarote, pourvu qu’on s’intéresse à la culture et à l’histoire de la vigne et de vin.

Outre une collection d’outils anciens, il présente une collection impressionnante de carreaux de céramique « édifiants », et quelques belles oeuvres comme ce tableau des vendanges

ou ces autres détaillant les travaux de la vigne et du vin, rappelant la chanson « de cep en terre »

L’extérieur ne paye pas de mine, mais ce paravent de bois sculpté attire l’attention avec ces personnages debout en équilibre sur des tonneaux.

Le musée fut créé en 1995  par Don Jose Ferrer Perdomo et son épouse Doña Remedios Quintana Reyes (qui signerait « Remy » certaines oeuvres présentées ci-dessous) dans une maison de maître traditionnelle du 18ème siècle.

C’est un gigantesque capharnaüm, dédié aux traditions culturelles, agricoles et viticoles de l’île. Ici des outils de taille,

un sac « pressoir » de capacité cent litres en peau de biqueet un pressoir à vis bien sûr

là une cuve ancienne où l’on a placé un alambic

ici encore un engin d’embouteillageVoici quelques belles oeuvres exposées

Sur cet almanach agri-viticole des mois  de l’année noter la taille de mars et la vendange en septembreCette fresque représentant un visage christique pressant une grappe sur un homoncule à cornes captif dans un verre laisse pensif

Passons aux nombreux proverbes et autres dictons illustrés sur des carreaux de céramique.

on peut lire ci-dessous :
« le vin vieux est le lait du vieillard », « vin a gogo et tout ira bien », « bonne santé sans boire, impossible », et « l’eau pour le moulin, le vin pour l’estomac »

On retrouve la même antienne peu ou prou dans les suivants

le vin et le jambon soignent les maux à l’instant

Les prêtres sont mis à contribution :

« le conseil du bon capucin : avec tout ce que tu manges, bois du vin » et
« pour le père Prieur il n’y a que deux sortes de vin, le bon et le meilleur »

On se réfère aussi au roi de Castille Alphonse X « le sage »  (1221-1284)

brûlez de vieilles bûches, buvez du vin vieux, lisez des vieux livres, ayez de vieux amis

Le message peut se faire grave

buvons et chantons car demain nous mourronsprofite et bois car la vie est courte

philosophique

Comme pour le vin, les amours, plus elles durent meilleures sont

didactique

le vin a trois propriétés : il fait rire, dormir, et ressortir les couleurs du visage

mais le plus souvent prosaïque

du pain , qu’il y en ait trop, de la viande, qu’il y en ait assez, et du vin, qu’il n’en manque pas

Dépense en bringue et vins ce que tu laisserais sinon à tes neveux

l’humour n’est jamais loin                mieux vaut mourir dans le vin que vivre dans l’eau, dit le moustique à la grenouille

ne plante pas ta vigne près d’un chemin afin que la vendange ne se fasse pas sans qu’on sache comment

Certes le vin rend joyeux

le vin et le soleil rendent le coeur joyeux

mais gare aux effets collatéraux

quand vient le vin fuite le secret

Tout est résumé dans les commandements de la loi du vin

on note le savoureux 7ème commandement : ne jamais voler une bouteille vide ou cassée

On peut conclure avec ce qu’on peut appeler cette apologie du vin

…il conforte la vieillesse et donne ce sentiment d’euphorie qui rend la vie douce et tranquille…

Déambulant de vitrines en vitrines,aux cadres bachiques

citation fameuse de Shakespeare mentionnant les vins de Canary

croisant des personnages d’un autre temps

on finira bien par atterrir au caveau souterrain, lieu de détente et de dégustation.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

la collection Campana

Pour ceux qui n’auraient pu visiter l’exposition Rêves d’Italie proposée par le Musée du Louvre en collaboration avec celui de l’Ermitage, voici quelques oeuvres qui ont toute leur place dans les collections du Bon Clos.Issu d’une lignée de directeurs du mont-de-piété à Rome,  le marquis Giampietro Campana fut au milieu du 19ème siècle un collectionneur particulièrement actif, mais indélicat, aussi, une fois  ses malversations financières découvertes, dut-il céder ses collections qui furent rachetées en grande partie par les empereurs de Russie et de France.

La collection couvre deux millénaires et nous commençons par ces « plaques Campana » en terre cuite qui date du début de notre ère.

Voici Dionysos enfant entre deux satyres

des satyres vendangeurs

et un cortège bachique

auquel participait peut-être Antinoüs, favori d’Hadrien

Dans cette sculpture, il n’y aurait que la tête d’antique, Campana pratiquant à merveille dans ses ateliers l’art du faussaire.

Voici aussi deux oenochoe (carafes à vin)

Survolons le temps et ous voici en pleine Renaissance avec ces panneaux de bois d’un peintre anonyme représentant vers 1510  Thésée, Phèdre, Ariane,  et Bacchus…

 

 

 

 

 

 

 

Le vin & la musique à la Cité du Vin

Vin et Musique, l’un ne va pas sans l’autre, le vin pousse à chanter, et chanter donne soif ! (A vrai dire c’est un ménage à trois, car il y a un troisième larron, l’Amour, qui n’est jamais loin !)

nature morte aux instruments de musique et verres de vin, Eugène Appert 1848

Voila pour légitimer la très belle exposition que nous sommes allés voir à Bordeaux, dans cet étonnant carafon dont nous avons déjà parlé.

Dès l’abord on voit des signes prémonitoires comme ces grandes bouteilles trônant sur les terrasses d’un édifice voisin.

Tableaux, objets décoratifs, instruments de musique, livrets et partitions… sont rassemblés là en nombre pour cette exposition. Et l’on peut  aussi écouter de la musique de diverses époques, allant des airs à boire de la Renaissance aux grands airs d’opéra et aux goguettes du  19ème siècle.

Commençons par quelques tableaux. Nombre honorent Bacchus comme ce Triomphe de Bacchus de Nicolaes Moeyaert (1624) qui s’est amusé à représenter des types contemporains de paysan, soldat, ou vieillard réputés bons buveurs…

et ces Bacchanales de Michel-Ange Houasse (1719)

et de Jacques Blanchard (1636)

On aura remarqué les tambourins, omniprésents sur ces tableaux.

On voit aussi des scènes d’auberges où l’on boit au son du violon

scène d’auberge, attribuée à Jan Steen

buveurs devant une auberge italienne, Johannes Lingelbach 1650-5

des poètes attablés (ci-dessous Piron, de Jacques Autreau, début 18ème),

(NB : le verre en haut à gauche ne fait pas de la lévitation, il est suspendu à un patère)

des buveurs jouant de la musique

joyeuse compagnie de Dirck van Baburen, 1623

et des musiciens buvant !

Eau forte de Jean 1er Leblond d’après Gerrit van Honthorst (17ème siècle), qui préfère le vin à la musique semble-t-il.

Quoique l’harmonie soit belle
Des instruments dont je me sers
Je quitte les plus beaux concerts
Pour boire une liqueur pareille
Car quoique l’on dise j’aie mieux
Un vin qu’un accord curieux
réunion de buveurs de Nicolas Tournier vers 1615-20
(voir le contraste entre l’élégance des buveurs du premier plan et la gloutonnerie de ceux de l’arrière-plan)

On porte des coupes en escortant le boeuf gras

le cortège du boeuf gras, dit la fête du vin, vers 1640
(remarquer le mini-violon, appelé pochette, joué par le personnage le plus à gauche)
et le cortège du bélier, lors du Carnaval de la Courtille par exempleCurieuse scène d’intérieur que cette chambre de rhétorique (anonyme, vers 1659).

Populaires en Flandres aux 17ème siècle, on s’y retrouvait pour composer poèmes et chants, débattre et philosopher, boire et faire la fête. On nous y fait remarquer Calvin, Luther qui joue du luth, des représentants de diverses confessions reconnaissables à leur costume.

Passons à la 3ème dimension avec cet autre Triomphe de Bacchus (terre cuite en ronde bosse) que l’on doit à Louis-Simon Boizot (vers 1772)

Cette cruche à vin représentant une noce paysanne vient de Wallonie (1600-10). Elle est en grès gris et étain.

Voici une bouteille de vin en faïence de Nevers représentant une bacchanale (vers 1680)Le cavalier juché sur ce tonnelet de faïence nous dit en vers : « Je veux boire jusqu’à demain/ puisque je suis le dieu du vin/ et tant que mon tonneau durera/ monsieur Rivin en boira »Ce superbe instrument peint de toutes parts est un virginal double (il y a un deuxième clavier au-dessus du premier). Il date de 1580 et a été fait à Anvers par Martinus van der Biest.

Et voici une tête de Bacchus ornant une basse de viole (Michel Collichon, 1689)

Venons en maintenant à l’autre dominante de l’exposition, la musique écrite.

Cette assiette (Roue 1740) fera la transition. On y lit

pour passer doucement ma vie
avec mon petit revenu
amis je fonde une abbaye
et je la consacre à Bacchus

On trouve cette chanson dans ce recueil d’ariettes et chansonnettes de table et à danser (18ème siècle)

Nous aimons bien le 3ème couplet :

je veux qu’en ce lieu chaque moine
qui viendra pour prendre l’habit
apporte pour tout patrimoine
longue soif et bon appétit

Voici maintenant, dans un recueil d’airs sérieux et à boire imprimé en 1729, « Avec du vin endormez-nous« , le fameux canon de Rameau (qui sera repris dans le ballet Anacréon), qui montre que le maître de l’harmonie n’était pas dénué d’humour.

Le recueil suivant date de 1718

Divin sommeil par vos charmes puissants endormez tout le monde…
Mais à présent qu’avec ce vin nouveau je travaille à rougir ma trogne…
Gardez vous bien d’endormir un ivrogne occupé à vuider son tonneau

Dans un autre recueil nous lisons

verse verse verse
à longs traits ce nectar si doux
si bacchus nous jette à la renverse
verse verse verse
l’amour aura soin de nous…

Nous voici en 1713 avec ce recueil de chansons et vaudevilles de Dailichamps

Bacchus d’heureuse mémoire
Dit un jour à ses enfants
Croyez moi l’on ne peut boire
Assez tôt ni trop longtemps
Suivons suivons tour à tour
Bacchus et l’Amour

Voici encore une chanson joliment illustrée.

Le fameux Diogène philosophe d’Athènes…

vivait dans un tonneau
Cela nous signifie
Que la philosophie
Ne s’apprend point dans l’eau

Malheusement sans musique, voici le recueil général des chansons du capitaine Savoyard, par lui seul chantées dans Paris. C’était au 17ème siècle un fameux chanteur des rues, du nom de Philippot, aveugle de par son ivrognerie disait-il. On peut en trouver une édition  sur gallica.

Accourez filles et garçons/écoutez bien notre musique…

Il a composé de nombreuses chansons à boire. Que doit-on préférer, le vin ou la musique ? On retrouve ici le point de vue violoniste vu plus haut.

Ca buvons c’est assez chanté
Il faut penser à nos bouteilles
J’aime mieux boire une santé
Que laisser charmer mes oreilles
Plus près de nous voici un recueil de chansons de Vadé Jean-Joseph, chansonnier qui vivait au 18ème siècle,
Nous ne pouvons rien trouver sur la terre
qui soit si bon ni si beau que le verre…
et
que mon flacon
me semble bon
sans lui
l’ennui
me nuit
me suit
Plus près de nous encore, voici des chansons de Pierre Capelle (1775-1851), l’homme qui ressucita le Caveau, célèbre goguette, et publia des centaines d’airs notés dans la Clé du Caveau. Un petit air de ressemblance...
Buvons, amis, et buvons à plein verre ;
Enivrons-nous de ce jus divin !

Voici enfin musique et vin réunis avec cette joyeuse Rocambole, ou Baccanale au sujet de la paix (1679, fin de la guerre de Hollande qui aura duré 7 ans)

Enfin apres la Guerre et ses tristes allarmes
La Paix, l’aimable Paix, vient étaler ses charmes,
Et rétablir le Calme en ces paisibles lieux ;
On n’y voit que festins, tout respire la Joye
Dans le jus du Raisin le noir Chagrin noye,
Et chacqu’vn à trinquer s’excite à qui mieux mieux.
Ces Peuples ennemis que l’vnion rassemble
Quittant leurs differens
pour s’accorder ensemble,
Tous vnanimenent ont mis les armes bas ;
Et s’il y reste encor quelqu’image de Guerre
Leurs plus grans démeléz et leurs plus fiers combats
Se font entre les plats la bouteille, et le verre
    On n’a pas pu tout dire, ni tout montrer. Mais il reste encore quelques semaines pour voir cette belle expo qui se termine le 24 juin.             

 

En Toscane

Nous finissons notre voyage dans cette région mythique, aux innombrables collines, territoire de l’antique Etrurie. Sur 23 000 km2, entre mer et monts, elle concentre vignes (le célèbre chianti)

et villes fameuses.

Bolgheri est un village connu pour ses domaines réputés comme la tenuta San Guido, où l’on vinifie à la bordelaise un vin rouge « super toscan », le sassicaia

Un peu moins cher, le guado al tasso

Le blanc vermentino (aussi appellé Rolle ou Malvoisie) est plus abordable

Une « enoteca » à BolgheriCe tableau orne l’excellent restaurant el faro, sur la plage de Marina di Cecina.

A Florence, nous avons rencontré Régine Bittermann, française qui y pratique la céramique (Lorenzaccio, via dei Fossi, 29)

A Volterra sur ce vase étrusque un centaure boit au tonneau

tableau vu dans une enoteca

A Lucques, foire aux vins de la côte toscane, bientôt. Dommage, c’est la semaine prochaine !

On se console au museo villa Guinigi, avec cette frise en terre cuite du 1er siècle av. J.C.

et ces fragments de pilastre des 7-8ème siècles

Au museo Palazzo Mansi (Pinacothèque nationale) les jardins recèlent cette haute vigne

et voici encore Bacchus !

Voici le destin promis aux noceurs tel que promis dans la cathédrale de San Gimignano!

Superbe seau à vin vu chez un antiquaire.

A Sienne, voici l’allégorie du mois d’octobre par Cristofano Rusticci

Voici d’autres images rapportées de modestes villages.

Rampe d’escalier et tableau à Terriciola

De l’usage des bouteilles vides (plat et lampe, au restaurant la sorgente, à Capannoli)

Terminons avec ces quelques collages à la gloire du vin italien chez Da Carlo, un restaurant à Capannoli également

où folâtrent aussi ces putti.

 

 

 

Entre Nièvre et Cher…

…coule la Loire. Les vins d’ici sont fameux, qu’ils soient, côté Cher, de Sancerre, ou côté Nièvre, de Pouilly.

Jadis  dans ce relais au bord du canal latéral de la Loire, on se ravitaillait en foin, son, avoine, et vins en gros.

vinengroscanalCet empilage improbable de fûts

futssancerretrône à l’entrée de Sancerre dont les armes sculptées peuvent se voir sous la grande place.

symbolessancerreAu pied de la butte de Sancerre, Saint-Satur s’enorgueillit d’être  la porte du Sancerrois

fresquesaintsaturCe tableau vu dans un restaurant de Saint-Satur est signé Jean-Louis Boncoeur, une figure du pays berrichon (peintre, écrivain, comédien…)

bouteillesancerreboncoeurNon loin de là, dans un gîte, ce tableau est de Gérard Puvis, un artiste qui a travaillé notamment avec des collerettes métalliques de bouteilles de grands vins.

gerardpuvis2Le coin est vallonné (parole de cycliste de plaine). Mais la butte de Sancerre, comme celle de Chavignol, ou de Verdigny se fait aussi bien en voiture.

chaudouxVoici une boîte à lettres à l’entrée de Chaudoux.

BALchaudouxUn peu plus au Nord, à Léré, il n’y a plus de vignes, mais on honore quand même Saint-Vincent (à la Collégiale Saint-Martin)

stvincentcollegialelere2Côté Nièvre, les vins de Pouilly n’ont rien à envier à ceux de Sancerre.

camionnettepouillyCes fresques (signées E.Goujon semble-t-il) à la devanture d’une ancienne auberge ont été vues à Suilly-la-Tour

lesclientsbienvenuesuilly piconsuillylatourPlus au Sud est Nevers, la ville de maître Adam,

maisonadamle menuisier poète dont les airs bachiques courent encore les rues.

plaqueadamNous le retrouverons.

Nevers a été aux 17-18èmes siècles un centre important de production de faïence d’art.

Ce vase bachique

vase bachiqueet ce Saint-Vincentstvincent ont été aperçus dans une vitrine de l’ex maison Montagnon.

montagnon1648 faienceriemontagnon    Il reste trois maisons de faïence à Nevers.

Céramique coréenne

On peut admirer en ce moment les merveilles de la céramique coréenne, moins connue en ce pays que celle de ses grands voisins Chine et Japon. C’est au Grand Palais jusqu’au 20 juin. Nous en rapportons quelques aiguières, bouteilles et tonnelets.

aiguierealenfant2Les plus anciens sont en  céladon vert à décor incrusté, comme ces aiguières aux grappes de raisins et enfants (12-13ème siècle), témoins des échanges entre les civilisations occidentales, où l’enfant Bacchus est fréquemment représenté raisins en main) et orientales.

aigieresoucoupealenfant2Ce tonnelet date de la dynastie Joseon ( 15-16ème siècle). C’est un buncheong (sorte de grès) à « décor peint en brun de fer sous couverte »

tonneletLes plus récents sont en porcelaine blanche, comme ce vase à motif de raisins et de singes (dynastie Joseon, 17-18ème siècle), également à « décor peint en brun de fer sous couverte »

vaseraisinsingeMême motif pour ce vase à décor peint en bleu de cobalt et brun de fer sous couverte

vaseraisinsinge2Cette dernière bouteille date du 18ème siècle (dynastie Joseon) et est peinte en rouge de cuivre sous couvertebouteilleraisin     Bref, tout celà est superbe et mérite une visite.

Et pour conclure, voici une peinture d’archive représentant des grappes de raisin et dont l’origine s’est perdue..r_COREE_CAL_05_RAISINS

 

 

 

les contes d’Hoffmann

Quelque milliers de festivaliers ont pu voir cet été à Avignon cet opéra d’Offenbach, chef d’oeuvre que le maître, mort en 1880, ne vit jamais en scène.

C’est l’envolée lyrique (compagnie  a pour but de perpétuer le théâtre populaire à l’opéra) qui s’en est chargé, avec délice, dans le petit théâtre du Petit Louvre. Et ce n’est pas fini (voir sur ce site les dates et lieu de leur prochaine tournée).

envoleelyrique

Il y a là, dans le prologue, deux airs à boire qui se doivent de figurer dans la collection du bon clos. (les paroles sont issues du livret publié par stanford.edu)

Glouglou ! je suis le vin !

Glou glou glou glou
glou glou glou.

Je suis la bière!

Glou glou glou glou
glou glou glou.

Je suis le vin!

Mon écume argente le verre!

Ah!

Je le dore d’un flot divin!

 Ah! Ah! Ah! Ah! Ah!

Glou glou! Glou glou! Glou glou! Glou!
Ah!

Glou glou glou, nous sommes
Les amis des hommes;
nous chassons d’ici
Langueur et souci,
Langueur et souci,

en voici une version par The Opera Chorus

 Drig Drig

Drig, drig, drig, drig, drig, drig,
maître Luther!
Tison d’enfer!
à nous ta bière, à nous ton vin,
à nous ton vin,
| Drig, drig, drig, drig,

 Jusqu’au matin

Remplis, remplis mon verre!
Jusqu’au matin remplis les pots d’étain!

 Jusqu’au matin remplis,
remplis mon verre!
À nous ta bière, à nous ton vin!
Du vin! du vin! du vin! du vin!

Sa femme est fille d’Eve,

Tire lan laire,
Tire lan laire,
C’est demain qu’on l’enlève!
Tire lan la!

En voici un extrait video dans la version de robert Carsen (bastille 2002)