Le vin & la musique à la Cité du Vin

Vin et Musique, l’un ne va pas sans l’autre, le vin pousse à chanter, et chanter donne soif ! (A vrai dire c’est un ménage à trois, car il y a un troisième larron, l’Amour, qui n’est jamais loin !)

nature morte aux instruments de musique et verres de vin, Eugène Appert 1848

Voila pour légitimer la très belle exposition que nous sommes allés voir à Bordeaux, dans cet étonnant carafon dont nous avons déjà parlé.

Dès l’abord on voit des signes prémonitoires comme ces grandes bouteilles trônant sur les terrasses d’un édifice voisin.

Tableaux, objets décoratifs, instruments de musique, livrets et partitions… sont rassemblés là en nombre pour cette exposition. Et l’on peut  aussi écouter de la musique de diverses époques, allant des airs à boire de la Renaissance aux grands airs d’opéra et aux goguettes du  19ème siècle.

Commençons par quelques tableaux. Nombre honorent Bacchus comme ce Triomphe de Bacchus de Nicolaes Moeyaert (1624) qui s’est amusé à représenter des types contemporains de paysan, soldat, ou vieillard réputés bons buveurs…

et ces Bacchanales de Michel-Ange Houasse (1719)

et de Jacques Blanchard (1636)

On aura remarqué les tambourins, omniprésents sur ces tableaux.

On voit aussi des scènes d’auberges où l’on boit au son du violon

scène d’auberge, attribuée à Jan Steen

buveurs devant une auberge italienne, Johannes Lingelbach 1650-5

des poètes attablés (ci-dessous Piron, de Jacques Autreau, début 18ème),

(NB : le verre en haut à gauche ne fait pas de la lévitation, il est suspendu à un patère)

des buveurs jouant de la musique

joyeuse compagnie de Dirck van Baburen, 1623

et des musiciens buvant !

Eau forte de Jean 1er Leblond d’après Gerrit van Honthorst (17ème siècle), qui préfère le vin à la musique semble-t-il.

Quoique l’harmonie soit belle
Des instruments dont je me sers
Je quitte les plus beaux concerts
Pour boire une liqueur pareille
Car quoique l’on dise j’aie mieux
Un vin qu’un accord curieux
réunion de buveurs de Nicolas Tournier vers 1615-20
(voir le contraste entre l’élégance des buveurs du premier plan et la gloutonnerie de ceux de l’arrière-plan)

On porte des coupes en escortant le boeuf gras

le cortège du boeuf gras, dit la fête du vin, vers 1640
(remarquer le mini-violon, appelé pochette, joué par le personnage le plus à gauche)
et le cortège du bélier, lors du Carnaval de la Courtille par exempleCurieuse scène d’intérieur que cette chambre de rhétorique (anonyme, vers 1659).

Populaires en Flandres aux 17ème siècle, on s’y retrouvait pour composer poèmes et chants, débattre et philosopher, boire et faire la fête. On nous y fait remarquer Calvin, Luther qui joue du luth, des représentants de diverses confessions reconnaissables à leur costume.

Passons à la 3ème dimension avec cet autre Triomphe de Bacchus (terre cuite en ronde bosse) que l’on doit à Louis-Simon Boizot (vers 1772)

Cette cruche à vin représentant une noce paysanne vient de Wallonie (1600-10). Elle est en grès gris et étain.

Voici une bouteille de vin en faïence de Nevers représentant une bacchanale (vers 1680)Le cavalier juché sur ce tonnelet de faïence nous dit en vers : « Je veux boire jusqu’à demain/ puisque je suis le dieu du vin/ et tant que mon tonneau durera/ monsieur Rivin en boira »Ce superbe instrument peint de toutes parts est un virginal double (il y a un deuxième clavier au-dessus du premier). Il date de 1580 et a été fait à Anvers par Martinus van der Biest.

Et voici une tête de Bacchus ornant une basse de viole (Michel Collichon, 1689)

Venons en maintenant à l’autre dominante de l’exposition, la musique écrite.

Cette assiette (Roue 1740) fera la transition. On y lit

pour passer doucement ma vie
avec mon petit revenu
amis je fonde une abbaye
et je la consacre à Bacchus

On trouve cette chanson dans ce recueil d’ariettes et chansonnettes de table et à danser (18ème siècle)

Nous aimons bien le 3ème couplet :

je veux qu’en ce lieu chaque moine
qui viendra pour prendre l’habit
apporte pour tout patrimoine
longue soif et bon appétit

Voici maintenant, dans un recueil d’airs sérieux et à boire imprimé en 1729, « Avec du vin endormez-nous« , le fameux canon de Rameau (qui sera repris dans le ballet Anacréon), qui montre que le maître de l’harmonie n’était pas dénué d’humour.

Le recueil suivant date de 1718

Divin sommeil par vos charmes puissants endormez tout le monde…
Mais à présent qu’avec ce vin nouveau je travaille à rougir ma trogne…
Gardez vous bien d’endormir un ivrogne occupé à vuider son tonneau

Dans un autre recueil nous lisons

verse verse verse
à longs traits ce nectar si doux
si bacchus nous jette à la renverse
verse verse verse
l’amour aura soin de nous…

Nous voici en 1713 avec ce recueil de chansons et vaudevilles de Dailichamps

Bacchus d’heureuse mémoire
Dit un jour à ses enfants
Croyez moi l’on ne peut boire
Assez tôt ni trop longtemps
Suivons suivons tour à tour
Bacchus et l’Amour

Voici encore une chanson joliment illustrée.

Le fameux Diogène philosophe d’Athènes…

vivait dans un tonneau
Cela nous signifie
Que la philosophie
Ne s’apprend point dans l’eau

Malheusement sans musique, voici le recueil général des chansons du capitaine Savoyard, par lui seul chantées dans Paris. C’était au 17ème siècle un fameux chanteur des rues, du nom de Philippot, aveugle de par son ivrognerie disait-il. On peut en trouver une édition  sur gallica.

Accourez filles et garçons/écoutez bien notre musique…

Il a composé de nombreuses chansons à boire. Que doit-on préférer, le vin ou la musique ? On retrouve ici le point de vue violoniste vu plus haut.

Ca buvons c’est assez chanté
Il faut penser à nos bouteilles
J’aime mieux boire une santé
Que laisser charmer mes oreilles
Plus près de nous voici un recueil de chansons de Vadé Jean-Joseph, chansonnier qui vivait au 18ème siècle,
Nous ne pouvons rien trouver sur la terre
qui soit si bon ni si beau que le verre…
et
que mon flacon
me semble bon
sans lui
l’ennui
me nuit
me suit
Plus près de nous encore, voici des chansons de Pierre Capelle (1775-1851), l’homme qui ressucita le Caveau, célèbre goguette, et publia des centaines d’airs notés dans la Clé du Caveau. Un petit air de ressemblance...
Buvons, amis, et buvons à plein verre ;
Enivrons-nous de ce jus divin !

Voici enfin musique et vin réunis avec cette joyeuse Rocambole, ou Baccanale au sujet de la paix (1679, fin de la guerre de Hollande qui aura duré 7 ans)

Enfin apres la Guerre et ses tristes allarmes
La Paix, l’aimable Paix, vient étaler ses charmes,
Et rétablir le Calme en ces paisibles lieux ;
On n’y voit que festins, tout respire la Joye
Dans le jus du Raisin le noir Chagrin noye,
Et chacqu’vn à trinquer s’excite à qui mieux mieux.
Ces Peuples ennemis que l’vnion rassemble
Quittant leurs differens
pour s’accorder ensemble,
Tous vnanimenent ont mis les armes bas ;
Et s’il y reste encor quelqu’image de Guerre
Leurs plus grans démeléz et leurs plus fiers combats
Se font entre les plats la bouteille, et le verre
    On n’a pas pu tout dire, ni tout montrer. Mais il reste encore quelques semaines pour voir cette belle expo qui se termine le 24 juin.             

 

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