Au musée de la grande-guerre, à MEAUX

Ouvert le 11 novembre 2011 sur le territoire de la Première bataille de la Marne à Meaux, ce musée est le plus grand musée d’Europe consacré à la Première Guerre mondiale.

Le visiter, c’est goûter la chance inouïe de vivre dans un pays en paix. C’est appréhender les souffrances des générations suppliciées. C’est aussi fraterniser en pensée avec les soldats installés pendant des mois voire des années dans les tranchées, et partager leurs joies et leurs peines en les voyant s’activer entre deux combats.

Nous nous sommes comme d’habitude concentrés sur tout ce qui pouvait avoir un rapport avec le vin, et plus généralement l’alcool, sujet que nous avions déjà abordé il y a quelques années (voir  » le vin des poilus« )
Les mots pinard et gnôle sont sortis de l’incognito pendant cette guerre :

Le terme pinard existait, dit-on, en Bourgogne dès la fin 16ème siècle pour désigner le vin ; d’autres citent les déclarations du professeur Pinard, gynécologue célèbre à l’époque, qui, député, aurait fait voter un texte pour la fourniture quotidienne d’un quart de vin rouge aux soldats du front. Mais il ne sera député qu’en 1919. Toujours est-il que le mot devint populaire :

Le pinard c’est de la vinasse
Ça réchauff’ là oùsque ça passe
Vas-y, Bidasse, remplis mon quart
Viv’ le pinard, viv’ le pinard!
 
 (Louis Bousquet & Georges Picquet, Vive le Pinard, 1916)

Quant à la gnôle, il s’agirait d’un mot franco-provençal.

L’alcool, décrié avant-guerre,

était devenu le compagnon incontournable des poilus, comme en témoigne cette couverture du journal Le Front, exclusivement illustré par les poilus de l’avant;

Si dans le camp retranché de Paris la vente d ‘alcool aux militaires est proscrite,

A l’arrière on se mobilise pour les soldats du front

en claironnant des slogans d’un autre temps.

Au front, on s’arrange avec les moyens du bord

Cette ingénieux alambic de poche est fait avec une boite de conserve et une lampe à alcool !

Topettes et chopes font partie de l’équipement du soldat de part et d’autre de la ligne de front.

In the glad revels, in the happy fêtes,
When cheeks are flushed, and glasses gilt and pearled
With the sweet wine of France that concentrates
The sunshine and the beauty of the world,

Drink sometimes, you whose footsteps yet may tread
The undisturbed, delightful paths of Earth,
To those whose blood, in pious duty shed,
Hallows the soil where that same wine had birth.

Dans les joyeux banquets, dans les heureuses fêtes, Quand les joues sont empourprées et que les verres sont pleins
Des perles dorées du doux vin de France, où se concentrent
Les rayons du soleil et la beauté du monde,

Buvez quelquefois, vous dont les pas pourront encore fouler
Les sentiers tranquilles et délicieux de la terre,
A ceux dont le sang, versé par un pieux devoir,
Sanctifie le sol où ce même vin est né.

Retrouvez sur le bon clos l’entiereté de ce poème d’Alan Seeger, cet américain qui n’avait « pas pris les armes par haine des Allemands ou de l’Allemagne, mais par amour pour la France ». 

Boire à la capucine…

c’est boire pauvrement,
Boire à la Célestine
C’est boire largement,
Boire à la Jacobine,
C’est chopine à chopine,
Mais boire en cordelier,
C’est vuider le cellier !

Cette chansonnette ancienne moque gentiment les façons des moines et religieux, grands buveurs au Treillis Vert de la rue Saint-Hyacinthe. Que est son sens, son histoire et sur quel air la chantait-on ?

Nous l’avons découverte dans Héloïse ouille !, déchirante histoire contée par Jean Teulé dont l’action se passe au 12ème siècle, ce qui semble assez anachronique, l’ordre des capucins ayant été créé au 16ème siècle.

Elles est citée par Charles Monselet, dans Gastronomie, récits de table (1874), et par le prince Pierre Dolgoroukow, dans ses Mémoires, à propos de Lestocq, un personnage étonnant rencontré à la cour de Russie… Elle figure dans la revue MELUSINE, recueil de mythologie, littérature populaire, traditions et usages, publié dans les années 1880 par H.Gaidoz et E.Rolland (tome 3 p 430), avec une variante pour le deuxième quatrain (boire à la Célestine/ c’est pinte sur chopine/ en carme et cordelier/c’est vider le cellier), impliquant les Carmes, que l’usage a oublié ; et une attestation en 1701 dans un cahier de collégien à Lyon.

Sylvie Reboul la qualifie de menuet dans son article « de la plume au verre« , paru dans Territoires du vin en décembre 2021, avec une mention de publication (« Les menuets chantants sur tous les tons », recueillis par Christophe Ballard, imprimeur du Roy, Tome 2, Paris, 1725.)où nous ne l’avons pas retrouvée.

L’air « boire à la capucine » est cité pour la recette des « fricandeaux en ragoût » dans « le Festin Joyeux ou la Cuisine en Musique« , de J. Le Bas, paru en 1739, qui invitait les dames de la Cour à cuisiner en chantant.

Et, bingo! l’air « boire à la capucine » se trouve en fin de volume :

La chanson daterait donc du 17 ème siècle ou de la fin du 16ème, comme sans doute la ronde enfantine « dansons la capucine » (que Jean Baptiste Clément connut enfant, avant d’en faire une chanson révolutionnaire).

Revenons aux capucins. Ces franciscains à capuche vivaient dans la pauvreté et ne buvaient donc guère. Ce n’était apparemment pas le cas des Célestins (bénédictins) et des Jacobins (dominicains).

franciscain cordelier

Quant aux Cordeliers, autres franciscains, c’est peu dire qu’ils avaient mauvaise réputation. On s’en convaincra en lisant quelques nouvelles de l’Heptaméron de Marguerite de Navarre (vers 1545), comme la Juste punition d’un Cordelier pour l’étrange pénitence qu’il avait voulu faire faire à une jeune Demoiselle, ou encore Comment une batelière de Coulon, près de Niort, trouva moyen d’échapper aux entreprises de deux Cordeliers. (Et quant aux Carmes, n’en parlons pas – ne disait-on pas : bander comme un carme ?)

A la santé du courant électrique

Transportons nous cent quarante ans en arrière, au temps où l’électricité était une magnifique promesse pour l’humanité. C’est ce qu’ont fait Jean Echenoz et Philippe Hersant, auteurs de Les Eclairs, un opéra récemment créé à Paris à l’Opéra Comique qui met en scène l’aventure américaine d’un inventeur inspiré de Nikola Tesla.

On y boit souvent, et il s’y trouve un air à boire peu commun !

Buvons à la santé du courant électrique !, lance l’homme d’affaire Horace Parker (inspiré par George Westinghouse et incarné par le baryton Jérôme Boutillier). Puis..

Mais pourquoi ce silence, et que font tous ces gens assoiffés sans nul doute, à me considérer ?

Buvons messieurs, buvons ! Buvez mon cher Gregor ! (personnage inspiré de l’inventeur Nikola Tesla)

Quand Horace Parker boit, tout le monde boit ! (il offre une tournée générale de bière)

On lira avec profit l’article d’olyrix sur cette impressionnante production que l’on peut voir sur operavision.eu jusqu’au 3 juin 2022 12h CET

Le jeu de l’oie du vin

Voici un jeu de l’oie peu commun découvert par l’ami François.

De case en case, on apprend que le vin est une boisson saine et fortifiante,essentiellement française, qu’il donne la joie, l’agilité, qu’il préserve du cancer… et que l’esprit de la Race vient du vin …

Il fut publié sans doute vers 1935 par le « Comité de Propagande en faveur du vin ».

Cette organisation fut créée en 1931 par le ministère de l’Agriculture, sous l’impulsion notamment du « député du vin » Edouard Barthe.. Elle contribua début des années 50 à la rédaction d’ouvrages comme le Bréviaire de l’amateur de vins (par A.Mournetas et H.Pélissier), « le Vin de France dans l’histoire » de Roger Dion, et soutenait des organisations comme les « médecins amis du vin de France » (cf https://www.cairn.info/revue-actes-de-la-recherche-en-sciences-sociales-2005-1-page-52.htm)

C’était une toute autre époque ! Il fallait mener le combat contre l’alcoolisme, et en même temps soutenir la production viticole.

Le site pau.fr rapporte une réception tenue à Pau en 1933 par le Comité de propagande : en voici le conséquent menu proclamant les devises du vin, qui dissipe la tristesse, réjouit le coeur…

A bon vin, point d’enseigne ! Après bon vin, meilleur cheval !

Voici quelques autres productions du comité de propagande.

Etroitement associé au Comité National des Appellations d’Origine (CNAO, qui deviendra plus tard l’INAO), il conduit un nombre impressionnant de manifestations, notamment en 1937, année de l’Exposition Universelle.

Ainsi peut-on lire dans la synthèse de Florian Humbert sur l’histoire de l’INAO :

Rallye Bacchus le 16 juin, réception du Congrès international du Pen-Club (regroupant des écrivains du monde entier) le 20 juin, réception de l’Association des Maires de France le 8 juillet, 3ème Congrès mondial de la publicité du 5 au 10 juillet, réception des congressistes « Santé Publique » le 9 juillet, dîner des Médecins amis des Vins de France le 22 juillet, réception des Inspecteurs et contrôleurs principaux de la viticulture le 21 juillet, des Cavaliers de Camargue le 23 août, du Congrès de l’Union interparlementaire le 3 septembre, de divers groupes folkloriques de France, des médecins Franco-Tchécoslovaques le 13 octobre, participation à la Fête des vendanges provençales le même jour, réception de l’Association de la Presse de l’Est le 19 octobre, des Conseillers du Commerce extérieur le 25 octobre, de l’Ordre du Tastevin le lendemain, ou encore du Président de la République Albert Lebrun le 29 octobre511. Le CNAO est par ailleurs à l’initiative de dégustations gratuites organisées à la Fontaine du vin. Le 29 novembre, il participe à la Soirée de gala du concours du Grand Prix de la Chanson Bacchique de 1937 *. Il organise enfin une série de concours de dégustations réservés à diverses professions : le 26 octobre, sous la direction du Directeur du Moniteur vinicole, des journalistes sont invités à goûter 10 vins et à déterminer leur origine ; le 3 novembre, avec l’aide du journal L’Auto, les sportifs sont à l’honneur ; le lendemain un concours est organisé entre les sommeliers des restaurants de Paris ; le 6 novembre, les artistes de théâtre et de cinéma doivent reconnaître 6 vins.

On pourra trouver la relation de ces événements dans le Bulletin International du Vin de juin 1938 pp 41-44

Qu’en est-il aujourd’hui de ce comité ? On relève qu’en 1967 (JO du 30 juin 1967, n° 151 p 6591), le ministère de l’Agriculture nommait encore pour 2 ans, M.Lalle vice président du CVPFV.

Le vin fut proscrit des écoles primaires en 1956, puis des lycées en 1981. En 1990, ce sera la loi Evin, interdisant toute publicité pour les vins et alcools. Gageons que le comité de propagande en faveur du vin disparut alors de l’organigramme.

Au Symposium des vignes d’Ile de France à Auvers/oise avec Cocorico

Il s’est finalement tenu, ce Symposium tant attendu. Nulle nième vague ne l’a contrarié, et quelques vingt-cinq confréries et associations franciliennes s’y sont retrouvées, dans ce joli village d’Auvers/Oise, pour partager des connaissances, parader, admirer des oeuvres artistiques mais aussi trinquer, faire bonne chère et la fête.

Si l’on se replace en novembre 2020, date où le comité d’organisation s’est pour la première fois réuni, il fallait avoir un sacré optimisme pour investir dans ce projet.  Saluons donc Michel Devot, président de Cocorico, la municipalité d’Auvers/Oise et le Pressoir Auversois, association invitante, pour s’être lancés dans l’aventure.

Une fois montrée patte blanche (on aura compris qu’il s’agissait du passe sanitaire) la journée commença par des conférences sur des thèmes viticulturel, oenologique, historique, artistique et gastronomique.

Denis Boireau, un scientifique bien connu des amis du bon clos, fit le point sur les cépages résistants aux maladies de la vigne comme l’oïdum et le mildiou, fruits de recherches ancienne et récente,

et incita vivement les cultivateurs de vignes patrimoniales  à s’y intéresser. (Nous avons déjà visité son « arboretum » d’Epinay/Orge.)

Gabriel Lepousez, neurobiologiste, chercheur à l’institut Pasteur et concepteur d’une formation à l’Ecole du Nez de Jean Lenoir, fit sensation en décrivant précisément les fondements anatomiques et physiologiques de l’olfaction : 400 capteurs, situés dans l’épithélium olfactif, permettant d’identifier des milliers (potentiellement des milliards) de molécules, sont reliés aux neurones de la zone nasale du cerveau.

Encore faut-il avoir les bons gènes pour que ces associations soient activées. D’un individu à l’autre, on observe des seuils de sensibilité extrêmement variés, dans un rapport de 1 à 1000 voir plus. Le plus beau nez du monde ne peut donner que ce qu’il a ! L’entrainement n’y remédiera pas, mais il permettra (ce qui n’est pas rien) de mettre des mots sur ce qui est ressenti. Il décrivit également le phénomène de rétro olfaction, qui opère lors de l’ingurgitation et échappe donc aux dégustateurs qui recrachent le vin. Et il fit valoir que les neurones de la zone nasale du cerveau ont la faculté de se régénérer.

Michel Miersman, de la Confrérie du Clos Saint-Vincent de Noisy-le -Grand, est venu faire part de la démarche qui lui a permis d’écrire un livre sur 1300 ans d’histoire de la vigne et des vignerons de Noisy-le-Grand,

sans quasiment sortir de son bureau, tant il y a d’informations et de documents (comme le « terrier ») disponibles en ligne.

Robin Bourcerie, jeune musicien et musicologue auteur d’une thèse sur les airs à boire du 17ème siècle en exprima la substantifique moëlle en les situant dans le contexte des moeurs de l’époque : 

types de vins, circuits d’approvisionnement et lieux de consommation, en mettant l’accent sur l’explosion créatrice (des milliers d’airs publiés dont 2425 analysés dans sa thèse) et l’importance du cabaret.

Enfin Thierry Bitschené, de la confrérie du Brie de Meaux, a présenté son fromage d’élection au moyen d’un petit film,

et invité les participants à s’en faire une idée plus précise lors du déjeuner qui s’ensuivit.

Après le buffet campagnard, qui valait bien celui du temps béni des Galeries Barbès,

l’heure est venue de se mettre en tenue pour défiler dans les rues d’Auvers,

ci-dessus Jean-Claude Pantellini, président du pressoir Auversois, entre à gauche Isabelle Mézières, maire d’Auvers/Oise, et à droite Martine Rovira, maire adjointe

et, au son des corps de chasse du Rallye Vau-Vent

et des cabrettes, accordéons et vielles de la Bourrée Montagnarde,

rallier l’église,  immortalisée jadis par Vincent Van Gogh,

où une bénédiction attendait les quelques vingt-cinq confréries présentes.

C’est un autre Vincent qui tenait fièrement la bannière de Clamart.

De l’église, en longeant les vignes où sont Saint-Vincent et Bacchus,

, on partit vers la mairie où les véhicules du Vexin Classic paradaient à l’arrêt. On y retrouva la conseillère régionale Babette de Rozières, déléguée à la gastronomie, heureuse de retrouver les confréries.

Quelques heureux trouvèrent là une alerte guide pour explorer en privé les ruelles du village,

On aura reconnue Edith Monti, artiste peintre anversoise dont les lecteurs du bon clos ont déjà fait la connaissance et que nous remercions pour son accueil

découvrir le musée et les vignes Daubigny et pousser jusqu’à l’atelier du maître en  passant au pied de l’escalier de Van Gogh.

Le reste de la troupe put découvrir la médiathèque où le dessinateur humoriste Michel Roman

et les enfants des écoles exposaient leurs oeuvres artistiques et poétiques.

Enfin vint l’heure du diner servi par le traiteur Bernard Dieu et animé par Frank Dorès, Léna et leurs danseuses. 

Après les salamalecs et remerciements de tous ordres,

On reconnaitra au centre Pierre Douglas, avec sa gauche Isabelle Mézières, maire d’Auvers, puis J.C.Pantellini, président de Pressoir Auversois, et Michel Devot, président de Cocorico ; et à sa droite, Michel Mella, Jean-Pierre Gimbert, Marc Lesk, J.P.Faury et Martine Rovira, maire-adjointe

vint l’heure de la proclamation des résultats du concours des vins d’ile de France et de la remise des diplômes par l’accorte Edith Monti.

Le jury était présidé par Philippe Faure-Brac, meilleur sommelier du monde… 1992 et président de l’Union Française des Sommeliers, assisté de Laetitia Trouillet Martin, de l’institut oenologique de Paris. Avec  4 autres dégustateurs chevronnés, ils avaient eu à juger 51 vins des années 2019 et 2020, principalement des blancs, présentés par 23 confréries et associations, et ont décerné 3 médailles d’or, 7 d’argent et 8 de bronze et quelques prix d’encouragement.

Comme les résultats étaient annoncés en commençant  par les diplômes de moindre importance, l’on pouvait lire sur les visages des premiers nominés la déception d’être appelés si tôt, et sur ceux de ceux qui ne l’étaient pas encore l’espoir, de plus en plus ténu  au fur et à mesure des appels, de l’être pour une plus haute récompense… Dura lex sed lex!

les lauréats du concours des vins

Ce n’est pas si facile de faire un bon vin, le Bon Clos adresse ses félicitations aux médaillés, et ses encouragements à tous les participants !

On pourra voir les résultats complets sur le site de Cocorico.

Villae : villas romaines en Gaule du Sud

C’est l’exposition présentée ces temps-ci à l’abbaye de la Celle, près de Brignoles dans le Var.

Cette abbaye, construite à l’époque romane, est bâtie sur le site d’une villa romaine du 2ème siècle productrice de vin, dont on a retrouvé le pressoir et le fouloir dans la cuisine de l’abbaye. Elle ressemblait peut-être à celle-ci ?

maquette d’une villa romaine à Cavalaire

L’exposition retrace cette exploitation systématique des campagnes durant l’époque romaine.

Avec leur fond plat, les amphores « Gauloise 4 » emplies de vin gaulois sont exportées dans tout l’empire romain et même au delà.

col d’amphore au bouchon de liège, port antique de toulon, 1er-2ème siècle

Mais il y avait toutes sortes d’amphores

de gauche à droite : dressel2-4 de narbonnaise, G2, G5, G4

Cette cruche poissée, (à l’intérieur enduit de poix), était présente sur toutes les tables des buveurs romains

Voici d’autres récipients, en céramique, ou en verre soufflé (modiolus, Toulon, 1er siècle)

Cette coupe sigillée représente Bacchus ivre

Voici aussi une intéressante pipette à vin, et une patère en alliage cuivreux (1er siècle), utilisée comme une louche pour le service et les libations

Cette serpette en fer torsadé devait servir dans les vignes

serpette à manche torsadé (la Crau)

On voit aussi quelques beaux objets décoratifs comme cette colonne à décor de rinceaux de vigne peuplés d’oiseaux (marbre blanc, 1er siècle, près de vienne)

et cette mosaïque représentant une scène de vendanges

Mais le clou de l’expo est la mosaïque du Vème siècle « les trois Grâces et Bacchus chez Ikarios », découverte à Vinon sur Verdon dans le domaine de Pèbre, et maintenant domiciliée à Manosque.

Elle évoque la légende d’Ikarios, cultivateur ayant offert l’hospitalité à Bacchus, qui en retour l’initia à la vigne et au vin. A gauche Bacchus, reconnaissable à sa thyrse, est auprès d’Ikarios qui tient des grappes de raisin. Au centre, les trois Grâces, qui personnifient le don, la dette et la reconnaissance.. A droite, Ikarios indique à un serviteur le bouc qui se goinfre de raisins et doit être sacrifié.

On peut y lire les deux vers du poète Martial :

« toi qui fronce le sourcil et ne lis pas ces lignes de bonne grâce, puisses tu, horrible envieux, envier tout le monde et n’être envié par personne ».

Au château royal de Cazeneuve

Quelle émotion de mettre les pieds dans ce château du bon Roy Henri, III de Navarre et futur IV de France, qu’il dut se résoudre à vendre en 1583,

d’explorer son cellier,

d’y découvrir ces verreries et carafes anciennes,

et autres vieilles bouteilles

et d’y tomber nez à nez avec ce Bacchus de pierre et son tonnelet.

Cette série de bouteilles va du quart à la Margot (27 litres)

Dans les appartements, noter cette armoire à la treille finement sculptée.

Cazeneuve est à Préchac au bord des gorges du Ciron en Gironde, à 1 heure de Bordeaux, en bordure du parc régional des landes de Gascogne.

A noter une bonne adresse pour déjeuner sous les érables locaux à feuilles de frêne : chez Pitras.

Boire avec les dieux

Que voici une belle exposition sur le vin dans l’Antiquité, proposée par la Cité du Vin !

Nous y avions suivi il y a quelques semaines une conférence en ligne du professeur François Lissarague sur « le banquet des grecs« , où l’on apprenait que les symposiums (boire ensemble) commençaient généralement par des libations aux dieux.

Cette exposition nous donne à voir les représentations de ces dieux, essentiellement Dionysos et son avatar romain Bacchus, sur des amphores, rhytons et autres jarres, mais aussi sur des reliefs, des sculptures et des objets décoratifs.

On est accueilli par ces mots d’Euripide :

Dionysos, fils de Sémélé, prince divin des Bienheureux, maître des gais banquets tout fleuris de couronnes, dont l’apanage est de conduire les choeurs au son des flûtes, de rire, et d’endormir nos soucis, quand le jus du raisin brille au festin sacré…

Le voyage commence en Egypte avec cette stèle calcaire(-VII à -IVème siècle) représentant des femmes vendangeant et foulant le raisin

à mettre en regard avec cette autre scène de vendange et foulage du raisin en musique par des satyres (Italie du sud, IVème siècle avant J.C.)

Le voyage se poursuit en Perse (au Louristan) avec cette situle (seau à vin) ornée d’une scène où deux époux font le geste de trinquer (vers -1000) devant un serviteur portant la jarre.

voir le déroulé di-dessous

Mais l’essentiel se passe en Grèce. Ce rhyton et cette jarre trouvés à Santorin datent de -1600…

Ce rhyton à tête de mulet, percé, permettait de boire à la régalade (IVème siècle av. J.C., Attique)

Le vin est un don de Dionysos aux hommes. Sur ce situle dit « Rothschild »(du nom du donateur d’une importante collection) venant d’ Italie du Sud (vers -350) et conservé à Genève, on voit le dieu entouré d’Aphrodite, Eros et Eirenè (la Paix), en offrir au roi de Thrace Maron convaincu par Peithô (la Persuasion).

Il faut donc remercier les dieux ce qu’on fait à chaque libation en versant quelques gouttes de vin sur le sol, avant de le boire mélangé à de l’eau.

Dionysos, dieu errant, offrait la vigne et le vin à ceux qui l’accueillaient, comme sur cette amphore trouvée en Attique (-550 -530) où on le voit apportant du vin à des jeunes hommes porteurs de présents.

Voici aussi un vase (pelikè) représentant Dionysos sur un char (Attique, vers -380)

Sur ce pied de table en marbre, Dionysos est représenté la main sur la tête en signe d’extase.

Ce cratère à volutes représente Héraclès et Dionysos (Italie du Sud, -350). Tous deux ont acquis l’immortalité en récompense de leur oeuvre civilisatrice.

Ce psykter (vase à rafraichir le vin) représente les deux compères (Héraclès est reconnaissable à sa peau de lion) avant un concours de boisson…

Voici encore Dionysos sur une « nestoris » (Italie du sud, vers -350) avec Eros (le vin passait pour être aphrodisiaque) : Dionysos est étendu sur un lit, face à un satyre, tandis qu’au dessus Eros tient dans ses mains un cerceau (filtre d’amour ?).

Le dieu caprin Pan se joint volontiers à Dionysos-Bacchus. Celui-ci en bronze vient de Suisse (à g. 150-200 ap.J.C.). Voici aussi Silène, vieux satyre, précepteur de Dionysos, pressant contre lui une outre à vin (Grèce, marbre, 1er siècle).

Voici maintenant deux masques représentant Dionysos sous deux formes très différentes : jeune homme pressant le raisin dans ses mains( Botrys -la grappe, à gauche) et vieillard barbu à cornes de taureau (Tauros). Asie Mineure, IIème-Ier siècle avant JC)

Cette applique de lit en bronze représente un autre Dionysos Tauros (Alexandrie IIème siècle av.JC)

Le thème de la mort est là évidemment, avec cette hydrie funéraire en bronze dorée (Grèce, fin du 4ème siècle avant JC) qui représente Dionysos et son amant Ampélos, « dont la mort prématurée causée par un taureau laissa le dieu inconsolable », et qui se serait métamorphosé en vigne.

Plus monumental encore est ce cratère découvert à Vix dans la tombe d’une princesse celte (fin du VIème siècle av. J.C.), qui témoigne des échanges existant alors entre Bourgogne et Italie. C’est le plus grand vase que l’Antiquité nous ait légué, il pouvait contenir 1100 litres.

Ci-dessous deux vases provenant d’un sanctuaire des Cabires, à Thèbes représentant ces divinités proches de Dionysos donnant du vin au cours d’un banquet à un serpent et à un cygne, deux animaux « symboliquement en lien avec la mort ». (Vème siècle av. JC). Le vin et le banquet seraient donc ici associés à l’idée de vie sublimée après la mort.

Cette mosaïque ornait la salle de banquet d’une riche villa, semblant inviter à jouir de la vie… : carpe diem

Un proverbe latin ne dit-il pas :

Les bains, les vins, Vénus nous ruinent la santé. Mais la vie, c’est les bains, les vins, Vénus…

Et pour finir, voici la stèle d’un cabaretier de Bordeaux tenant la cruche d’une main et le gobelet de l’autre semblant inviter le passant à boire.(II-IIIème siècle)

Bien d’autres oeuvres valent le déplacement, notamment des modernes, on a jusqu’au 30 août 2021 pour les voir Avant qu’elles ne joignent les collections du Louvre, du Musée Archéologique d’Athènes, de la Fondation Gandur et autres musées genevois et collections privées dont elles proviennent. Avis aux amateurs !

Chez les Chevaliers de Méduse

Ce samedi 2 juillet se tenait à l’Oenothèque de Bandol le chapitre de juillet de l’Ordre Illustre des Chevaliers de Méduse.

Au cours de ce chapitre a été inauguré une exposition sur l’histoire des confréries bachiques dont on pourra lire une relation sur le site de la FICB.

Cette confrérie, dont l’histoire remonte aux temps anciens (elle fut fondée vers 1690), fut dissoute comme les autres à la Révolution. Elle renaquit en 1951, et depuis lors s’emploie à promouvoir les vins de Provence: Bandol, Cassis, Palette, Côtes de Provence, Côteaux varois en Provence, Bellet…

C’est une société « bachique, badine et facétieuse » ; mais aussi « solidaire, chantante et littéraire »…  

Par convention locale, on n’y boit pas, on y lampe ; dans un verre ? non dans, une lampe ; du vin ? et non, de l’huile… Les membres sont des frères et soeurs et le tutoiement est de rigueur.

En effet, lamper, c’est éclairer son esprit ; l’huile versée dans la lampe fait rayonner la flamme sacrée, symbole de l’esprit, de la connaissance et du coeur.

Le Grand-Maître Jean-Pierre Boyer a ce jour-là intronisé trois impétrants, parrainés par le Grand Argentier Georges Romeo : M. Marc Bayle, conseiller municipal de Bandol, ancien préfet, féru d’histoire ; Mme Mary Kirk, franco-américaine, sommelière, organisatrice de voyages orientés vins en Champagne et Ile de France ; et Alan Bryden, le Président de la FICB.

C’est en lampant une huile rosée du domaine de Ray-Jane (Bandol 2020) apportée par le frère Alain Constant que les trois nouveaux Chevaliers ont scellé leur entrée dans l’Ordre Illustre. Le cérémonial suit la règle ordonnée par le Grand Cellérier :

Lampe en main

Lampe allumée

Portons la à hauteur de nos yeux

Et après avoir invoqué notre mère Méduse

Lampons !

et finit avec la formule latine Oleo et Lampade Medusa Gaudet, à laquelle on répond :

Laetificat ! Petrificando !

Alleluia ! Alleluia !

L’expo nous apprend que l’Ordre Illustre a été créé à Marseille par le Sieur Hurault, marquis de Vibraye, (il devrait s’agir d’Henri-Emmanuel 1638-1708 ?),

au sein d’un cercle d’officiers de la Marine Royale. Pourquoi Méduse ? le vin, tout comme Méduse, a la capacité de rendre ses trop fervents admirateurs aussi immobiles que la pierre…

Cette « Société de buveurs » a été ensuite développée par Jean-Louis Girardin de Vauvré, Intendant du port de Toulon de 1680 à 1716 qui l’implanta un peu partout en France, notamment dans les ports.

Jean-Louis Girardin de Vauvré

Il passe pour avoir rédigé les agréables divertissemens de la table, ou les règlemens de l’illustre société des frères et soeurs de l’ordre de Méduse,

en collaboration avec des hommes de lettres (parmi lesquels il faut citer Jacques Vergier, poète reconnu par les grands de son temps, un temps chancelier de l’Ordre).

On peut y découvrir les curieux statuts et rituels de cette Société dont le principal objectif était de permettre à ses membres, dont de nombreux officiers de marine, qui devaient être « catholiques, de bonnes moeurs, point médisants, blasphémateurs ni ivrognes », de « profiter des douceurs de la vie au cours d’abondants festins bien arrosés, au sein d’une compagnie joyeuse, cultivée et agréable« , mais qui avait aussi pour but de porter assistance à ses membres, notamment pour payer les rançons de ceux « tombés en captivité aux mains des infidèles ».

On y trouvera aussi maintes chansons, épigrammes et épîtres composés par les « frères et soeurs » :

Heureux mortels que votre sort est beau !

Sans redouter les maux que cause l’Eau,

Lampez bonne huile au gré de votre envie

Et vous goûtez la véritable vie.

Voici quelques vers bien plaisants de Jacques Vergier (1699):

Cher voisin, que j’aime à voir ta face !
De Vénus, les beautés elle efface :
On voit sur ton nez la carte d’un ivrogne
Je parcours dans ta riante trogne
Tous les cantons de Champagne et Bourgogne

Buvons pour célébrer ta gloire.
Ah ! Quelqu’un peut-il te voir
Sans en concevoir
Un pressant désir de boire ?

Au château d’Ecouen

Dans cette petite ville située au nord de Paris, sur une butte, se dresse ce château qui date de la Renaissance et qui héberge le Musée National de la Renaissance. Il fut construit dans les années 1540-50 par le connétable Anne de Montmorency, esthète, mécène et grand collectionneur.

On y trouve une collection respectable de tapisseries. Celle intitulée « le dîner du général« , en laine et soie, mesure plus de 4m sur 8m et date du milieu du 16ème siècle. Elle provient de l’atelier du bruxellois Jehan Baudouyn, d’après des dessins de Giulio Romano. Elle représente une belle tablée servie en plein air.

Il est plaisant d’y voir les serveurs remplissant les verres

et les convives les levant…

ou réclamant qu’on les remplît…

A propos de verres, le musée en présente toute une collection.

ces flûtes sont des flandres et des pays-bas

En voici d’autres, accompagnées de verres tout aussi splendides

des hanaps et des grands verres…

représentant des animaux fabuleux…

Cette coupe aux armes d’Anne de Bretagne vient de Venise et date du tout début du 16ème siècle.

Il y a aussi des coupes et chopes métalliques ouvragées…

et quelques belles flasques.

Voici une superbe assiette en verre peint à froid en provenance de Venise, qui représente la naissance de Bacchus.

Et pour terminer cette assiette d’une série des mois de l’année :

le mois de septembre…( émail sur cuivre, Jean II Pénicaud, Limoges, milieu 16ème siècle).