Boire à la capucine…

c’est boire pauvrement,
Boire à la Célestine
C’est boire largement,
Boire à la Jacobine,
C’est chopine à chopine,
Mais boire en cordelier,
C’est vuider le cellier !

Cette chansonnette ancienne moque gentiment les façons des moines et religieux, grands buveurs au Treillis Vert de la rue Saint-Hyacinthe. Que est son sens, son histoire et sur quel air la chantait-on ?

Nous l’avons découverte dans Héloïse ouille !, déchirante histoire contée par Jean Teulé dont l’action se passe au 12ème siècle, ce qui semble assez anachronique, l’ordre des capucins ayant été créé au 16ème siècle.

Elles est citée par Charles Monselet, dans Gastronomie, récits de table (1874), et par le prince Pierre Dolgoroukow, dans ses Mémoires, à propos de Lestocq, un personnage étonnant rencontré à la cour de Russie… Elle figure dans la revue MELUSINE, recueil de mythologie, littérature populaire, traditions et usages, publié dans les années 1880 par H.Gaidoz et E.Rolland (tome 3 p 430), avec une variante pour le deuxième quatrain (boire à la Célestine/ c’est pinte sur chopine/ en carme et cordelier/c’est vider le cellier), impliquant les Carmes, que l’usage a oublié ; et une attestation en 1701 dans un cahier de collégien à Lyon.

Sylvie Reboul la qualifie de menuet dans son article « de la plume au verre« , paru dans Territoires du vin en décembre 2021, avec une mention de publication (« Les menuets chantants sur tous les tons », recueillis par Christophe Ballard, imprimeur du Roy, Tome 2, Paris, 1725.)où nous ne l’avons pas retrouvée.

L’air « boire à la capucine » est cité pour la recette des « fricandeaux en ragoût » dans « le Festin Joyeux ou la Cuisine en Musique« , de J. Le Bas, paru en 1739, qui invitait les dames de la Cour à cuisiner en chantant.

Et, bingo! l’air « boire à la capucine » se trouve en fin de volume :

La chanson daterait donc du 17 ème siècle ou de la fin du 16ème, comme sans doute la ronde enfantine « dansons la capucine » (que Jean Baptiste Clément connut enfant, avant d’en faire une chanson révolutionnaire).

Revenons aux capucins. Ces franciscains à capuche vivaient dans la pauvreté et ne buvaient donc guère. Ce n’était apparemment pas le cas des Célestins (bénédictins) et des Jacobins (dominicains).

franciscain cordelier

Quant aux Cordeliers, autres franciscains, c’est peu dire qu’ils avaient mauvaise réputation. On s’en convaincra en lisant quelques nouvelles de l’Heptaméron de Marguerite de Navarre (vers 1545), comme la Juste punition d’un Cordelier pour l’étrange pénitence qu’il avait voulu faire faire à une jeune Demoiselle, ou encore Comment une batelière de Coulon, près de Niort, trouva moyen d’échapper aux entreprises de deux Cordeliers. (Et quant aux Carmes, n’en parlons pas – ne disait-on pas : bander comme un carme ?)

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