Le vent du Nord

Voici un groupe de musique traditionnelle québécoise qui connait un grand succès :plus de 2000 concerts dans le monde entier en un peu plus de 20 ans. Ils chantent aujourd’hui a Paimpol, au festival des chants de marins. Caramba, nous les avons raté !

Nous sommes allés enquêter et avons trouvé quelques chansons à notre goût. En chemin, nous avons recroisé la route de Bernard Simard, rencontré à Paimpol il y a une paye, et membre du groupe à ses débuts, hélas décédé en 2020. Est-ce sa voix dans « chers amis buvons »?

chers amis buvons ! (2003 : Maudite Moisson! )

Chers amis buvons, ne perdons jamais la raison
J’ai du bon vin dans ma bouteille
Prends ton verre et moi le mien
Ebréissons nos chagrins
J’ai de l’argent à dépenser, que mon grand-père m’avait laissé
Des écus et des pistoles et des demi-quarts d’écus
C’est pour y faire la tramponne à la table du vieux roi Bacchus

(les paroles complètes sont )

Dans la même veine, voici
Le bon buveur Le reel du quatrième (in  Les amants du Saint-Laurent, 2005)

amis buvons caressons la bouteille pour passer notre temps
Un bon buveur c’est l’ami de la bouteille
Le soir et le matin il me dit à l’oreille
j’aime la bouteille moi

Vigneron, paru dans Tromper le temps (2012) raconte l’histoire d’un employé qui surprend son maitre en train de galvauder son vin.

Vigneron

Ah c’était un jeune garçon vigneron et il travaillait dans la maison
V’l’a qu’il aperçoit son maître en faisant semblant de rien 
Il faisait du galvaudage met de l’eau dans son vin 

Et là mon maître que faites-vous pourquoi donc ce vin baptisez vous 
Ce vin n’est pas assez rustique ne le baptisez donc pas 
Car moi qui travaille la vigne je ne l’tolère pas 

Eh vigneron mon petit ami fais donc ton paquet tu vas partir
Mais je le veux bien mon maître vous êtes maître chez vous 
Comptez moi mon dû tout de suite j’m’éloignerai de vous 

Je te donnerai mes blancs chevaux et mes serviteurs et mes habits 
Et si tu t’en vas demain dans ton village natal 
J’n’aurai rien vu rien entendu elle n’en saura rien 

Mais la maîtresse elle lui répondit toi le vigneron tu restes ici 
Tu la travailleras la vigne tu la travailleras fort bien 
T’auras toujours la bouteille le soir le matin

« L’Auberge », paru en 2022 dans l’album anniversaire 20 printemps est  » une ode a cappella pour célébrer l’amitié et le partage, une religion dont l’autel du temple possède un comptoir et des fûts! « 

L’autre jour dans une auberge avec plusieurs de mes amis
J’ai passé la nuit à boire, ma maîtresse auprès de moi

Moi, j’aime à boire, je m’en fais gloire
Je veux dépenser mon bien
J’suis toujours d’humeur égale
Je prends le temps comme il vient

Tous les jours ma mère me gronde, elle me traite de libertin
Elle m’dit que j’suis dans le monde pour lui causer du chagrin

Laissez-passer les robes noires, laissez les cantiques passer
On leur dira qu’on est après boire, tout l’argent d’leurs héritiers

L’autre jour dans une auberge, avec plusieurs de mes amis
Ce sont des gens comme nous autres, qui s’enivrent à la boisson

Le bedeau, ce grand ivrogne, boira-t-il tout comme nous?
Boira-t-il dans l’autre monde, comme il a bu parmi nous ?

Dans le même album, Si vous voulez

Si vous voulez que je chante, versez-moi un verre de vin
Qu’il soit doux et qu’il m’enchante, pourvu que l’amour nous rassemble

Ah ah ah! Ne me donnez pas, si vous voulez que je chante
Ah ah ah! Ne me donnez pas, jamais de l’eau entre les repas

Allez donc tous à la table, chercher du vin nouveau
Pour remplir tombleurs et verres, les bouteilles et puis les pots

La veillée est terminée, il faut penser à s’en aller
Il est grand temps que je parte, avant que je meure sur quatre pattes

Le matin quand je m’éveille, je me sens tout friponné
D’avoir vidé, verres et bouteilles, de ce bon vin qui nous réveille

Je voudrais que les rivières, les fontaines et les ruisseaux
Viendraient rincer, les choppes, les verres, les bouteilles et puis les pots

On termine avec Verse Verse, paru en 2018 dans l’album

J’avais fait le choix d’une jolie maîtresse 
Mais par un trahi, je m’en suis retiré 

Verse verse ah oui verse à plein verre 
Verse verse, mon verre y é pas plein 

Ami buvons ne craignons rien mon frère 
Nous savons bien que le vin nous soutient 

Toi, tu es riche tu payeras les dépenses 
Pas’ moi chu pauvre pis j’ai rien d’quoi payer 

Nous avons parcouru les quatre coins de la terre 
De bons buveurs n’ont jamais peur de rien

A la fête du vin de VRŠAC (Serbie)

Cette petite ville, chef-lieu d’un district viticole au nord est de la Serbie, dans le Banat serbe (occidental), organise chaque année une fête des vins début juillet. L’occasion de goûter les vins locaux, d’écouter des chansons du cru, et de faire de belles rencontres.

L’histoire de la ville est ancienne, et mouvementée, elle a plus d’un atout touristique.
Le vin y est attesté depuis 1494.

On peut voir ce triptyque de Vršac , oeuvre de Paja Jovanović (1859-1957), au musée municipal.

Voici aussi un tableau que l’on peut voir au domaine Helvecja, bâti par un suisse en 1880.

L’hotel Serbja arbore fièrement l’affiche du festival

et les bouteilles de vin local.

Sur l’allée piétonne où se tient le festival, on croise Vinko Lozic, un personnage  créé par Jovan Sterija Popovic dans son calendrier satirique , allégorie du citoyen bon vivant, protecteur des vendanges et mascotte de la ville.

sculpture de Zivko Grozdanic

En voici une incarnation publicitaire

On y fait bien d’autres rencontres et l’on peut déguster toute sortes de crus.

Pas de fête sans musique, les orchestres se succèdent sur la scène.

Voici quelques chansons typiques : » Kad čujem tambure, ja skočim na bure » (Quand j’entends des tambourins, je saute sur le tonneau) ; « Donesi vina, krcmarice Marko Nesic » (Apporte moi du vin, aubergiste »; et « Tamburica » (tambourin)

Kad čujem tambure 
ja skočim na bure, 
popijem litru dve, 
i pevam do zore. 

REF : Hej, haj vinca, ca 
vinca rumena, ha, ha 

Iz Vršca stiže glas 
u vinu leži spas, 
ko vino ne pije, 
taj nek se ubije. 

 Gospodin profesor 
izašo na prozor, 
i spazi bratiju 
gde pije rakiju. 

Quand j’entends des tambourins,
je saute sur le tonneau,
je bois deux litres
et je chante jusqu’à l’aube.

Hé, hé, vinca, ça, vinca rouge, ha, ha,
Hé, hé, vinca, ça, vinca rouge.

Une voix vient de Vršac,
dans le vin se trouve le salut,
qui ne boit pas de vin,
qu’il se tue.

Monsieur le professeur,
est sorti par la fenêtre
eta vu le frère,
où il boit du raki.

Donesi vina, krcmarice,
rumenog kao tvoje lice.
Daj da pijem, tugu da razbijem.
Srce me bole, jadi ga more.

Rumeno lice, dve ruzice,
a oci carne zeravice.
Oko tvoje srce mi izgore.
Muce mene muke paklene.

Oj, Boze, Boze,sto je stvori,
da mlade momke muci i mori.
Celo selo za njom se zanelo,
i svi piju da jad razbiju.

Apporte-moi du vin, aubergiste,
rouge comme ton visage.
Laisse-moi boire, pour apaiser mon chagrin.
Mon cœur souffre, il est tourmenté par la mer.

Un visage rouge, deux roses,
et des yeux comme des braises noires.
Mon cœur brûle à ta vue.
Je suis tourmenté par les tourments de l’enfer.

Oh, mon Dieu, mon Dieu, pourquoi l’as tu créée,
pour tourmenterles jeunes gens  ?
Tout le village est épris d’elle,
et chacun boit pour apaiser son chagrin.

Kad zasviram sa jaranima
ne dolazim kuci danima
od vina i pjesme poludim
cesto kraj druge se budim
i mnoge prespavam dane
zbog vina, ljubavi, kafane

Ref.
Sve zbog moje tamburice
vole me ljepotice
bila smedja ili plava
svaka mi je ljubav prava
kad se igra i pjeva
najbolje mi stoji garava

Idem kuci zora svanula
tambura mi kod nje ostala
ona nece da je vrati
zeli da joj opet svratim
doci cu sunce moje
najsladje su usne tvoje

Quand je joue de la tamburica
Je ne rentre pas à la maison
Le vin et les chansons me rendent fou
Je me réveille souvent chez les autres
Et je passe beaucoup de nuits dehors
À cause du vin, de l’amour, des cafés

Ref.
Tout ça à cause de ma tamburica
les belles me veulent
qu’elle soit brune ou blonde
chaque amour est vrai pour moi
quand on joue et chante
c’est là que je suis le mieux

Je rentre à la maison, l’aube est levée
ma tamburica est restée chez elle
elle ne veut pas me la rendre
elle veut que je lui rende la pareille
jusqu’à ce que le soleil se lève
tes lèvres sont les plus douces

Le soir, l’ami Nikola nous a emmenés chez lui, sur le coteau qui domine la ville. On boit en parlant poésie et en mangeant des spécialités serbes.

Nikola le serbe, et Janesz le slovène, amis par le vin

Nikola est le grand maitre de la confrérie bachique Saint Théodore, qui célébrait ses 20 ans. Dans son caveau il tient sous clé des bouteilles pour ses petites filles, lorsqu’elles auront l’âge; et quelques oeuvres à déguster avec les yeux…

Merci Nikola pour ton accueil !

Et adieu aussi à la Jelen…

Allez encore une chanson ! Vino i Gitare (Chanson d’Arsen Dedić et Gabi Novak ‧ 1970)

Vin et guitares Laisse-les remplir à nouveau ma nuit Ce vieux vin et ces guitares Des amis viendront ce soir
Vino i gitare Nek’ opet ispune mi noć To vino staro i gitare Večeras će prijatelji doć’

Laisse le temps s’arrêter Quand tout le monde se rassemble ici La vie d’un autre côté Nous resterons debout ce soir
Vrijeme neka stane Kad ovdje okupe se svi Životu s neke druge strane Večeras stajat’ ćemo mi

Laissons partir la jeunesse aussi La vie doit aller quelque part’ Des blessures même visibles tout passera
I mladost neka ide Život mora nekud poć’ Pa i rane što se vide Sve će proć’

Vin et guitares Je veux être chez moi ce soir Quand de vieux amis viennent Qu’ils ne trouvent pas de douleur dans mon cœur
Vino i gitare Želim noćas ja u domu svom Kad stari prijatelji dođu Nek’ ne nađu bol u srcu mom

La-la-la-la-la-la-la La-la-la-la-la-la-la
La-la-la-la-la-la-la La-la-la-la-la-la-la

Le coeur et la main

C’est le titre d’un opéra-comique de Charles Lecocq qui date de 1882. Il recèle un boléro fameux : «un soir Perez le capitaine… », un air de l’héroïne, la princesse Micaëla.

Nous avons eu la chance de l’entendre (parmi d’autres merveilles) il y a quelques jours aux Offenbachiades du Briançonnais, chanté par Isabelle Philippe, soprano colorature, bien connue des lecteurs du Bon Clos (voir le mariage aux lanternes, et doux jus de pomme par exemple). Elle était accompagnée au piano par Yoshiko Moriai.

« L’intrigue tourne autour d’un mariage royal arrangé et de la détermination de l’époux réticent à le renverser. Il découvre finalement que son épouse royale est en fait la femme dont il est tombé amoureux sans connaître sa véritable identité.»

Poussé par la curiosité, nous avons découvert que « Le coeur et la main » recelait aussi des couplets à boire, qu’on  peut retrouver sur la partition (pp 42-)

Car bien vite apparait une troupe de soldats. Ils ont soif !

Au soldat après la parade,
Sous les chauds rayons du soleil,
Il faut bien qu’on verse rasade
D’un vin généreux et vermeil.
Mais si c’est la main d’une femme
Qui lui remplit son gobelet
Le soldat a la joie à l’âme
Car il a tout ce qui lui plaît.

Le soldat est d’humeur vaillante,
Le danger ne lui fait pas peur ;
Mais lorsque la soif le tourmente
Il perd moitié de sa valeur.
Le soldat adore les femmes
Et pour admirer deux beaux yeux
II irait au travers des flammes,
L’amour le vin voila ses dieux.

Ah ! Pepita verse rasade
A ta santé !
Et nous trinquons camarades
A la beauté.
Allons, verse nous rasade : A ta santé ! Buvons, trinquons camarades : A la beauté !
Allons verse, verse,verse,verse, verse nous rasade… (ad lib.)

On retrouve les soldats plus tard, un des leurs (Baldomero, un brigadier) est nommé lieutenant.

« Il a l’épaulette, il est lieutenant. » 

Encore une occasion de boire ! 

Le fond de la besace

Voici une chanson que l’on n’ entend plus guère, et qui eut son heure de gloire aux 18ème et 19ème siècle, si l’on en croit Charles Nisard, auteur en 1867 de l’ essai historique « DES CHANSONS POPULAIRES chez les anciens et chez les français ».

Cette chanson moque des moines qui font bombance en oubliant leurs compagnons. Nous verrons comment ceux-ci voudront se venger et ce qu’il en advint.
Nous sommes bien là dans une tradition rabelaisienne, que l’auteur décrit ainsi : « Il n’ a rien de plus agile, de plus spirituel et de plus malin que le Fond de la besace. On dirait que le souffle de Voltaire a passé la-dessus ».
Et plus loin il confesse : « Je l’avoue humblement, il n’y a guère de chansons que nous n’ayons plus chantées que celle-ci, mes camarades de collège et moi, aux heures de promenades et de récréations… »

les 3 frères Etienne, Eugène et François

Un jour le bon frère Etienne
Avec le joyeux Eugène,
Tous deux la besace pleine,
Suivis du frère François,
Entrant tous à la Galère*,
Y firent si bonne chère
Aux dépens du monastère,
Qu’ils s’enivrèrent tous trois.

Ces trois grands coquins de frères,
Perfides dépositaires
Du dîner de leurs confrères,
S’en donnent jusqu’au menton :
Puis, ronds comme des futailles,
Escortés de cent canailles,
Du corps battant les murailles,
Regagnèrent la maison.

Le portier, qui les voit ivres,
Leur demande où sont les vivres.
« Bon ! dit l’autre, avec ses livres,
Nous prend-il pour des savants ?
Je me passe bien de lire,
Mais pour chanter, boire et rire,
Et tricher la tirelire,
Bon! à cela je m’entends.»

Au réfectoire on s’assemble,
Vieux dont le râtelier tremble
Et les jeunes tous ensemble
Ont un égal appétit.
Mais, ô fortune ennemie !
Et bien fou qui s’y confie,
C’est ainsi que dans la vie,
Ce qu’on croit tenir nous fuit.

Arrive frère Pancrace,
Faisant piteuse grimace
De ne rien voir à sa place,
Pour boire ni pour manger.
A son voisin il s’informe,
S’il serait venu de Rome,
Quelque bref portant réforme
Sur l’usage du dîner.

« Bon ! répond son camarade,
N’ayez peur qu’on s’y hasarde,
Sinon, je prends la cocarde
Et je me ferai Prussien.
Qu’on me parle d’abstinence
Quand j’ai bien rempli ma panse,
J’y consens ; mais sans pitance,
Je suis fort mauvais chrétien.

Resterons-nous donc tranquilles
Comme de vieux imbéciles ?
Répliqua père Pamphile
Oh ! pour le moins vengeons-nous ;
Prenons tous une sandale,
Et sans la crainte du scandale,
Allons battre la cymbale
Sur les fesses de ces loups. »

Chacun ayant pris son arme,
Fut partout porter l’alarme ;
Mais au milieu du vacarme,
Frère Etienne fit un p…
Mais un p… de telle taille,
Que jamais jour de bataille,
Canon chargé de mitraille,
Ne fit un pareil effet.

Ainsi finit la mêlée ;
Car la troupe épouvantée,
S’enfuyant sur la montée,
Pensa se rompre le cou ;
Tandis que le frère Etienne,
Riant à perte d’haleine,
Et, frappant sur sa bedaine,
Amorçait un second coup.

* un cabaret situé rue Saint-Thomas-du-Louvre (disparue vers 1850)

Les paroles sont de je ne sais qui (anonyme). S’appuyant sur la phrase « et je me ferais prussien », Nisard date la chanson de l’époque de la guerre de sept ans (1756-1763).

L’air est celui des Trembleurs de Lully (Isis, 1677), consigné dans la Clé du Caveau (731),  dont s’inspirera Purcell pour son fameux Cold Song dans King Arthur (1691), et que reprendront des dizaines d’oeuvres comme on peut le voir sur le site Theaville.

 

Des chansons bachiques, dont Nisard va chercher les origines jusqu’aux scolies des Grecs (Alcée, Anacréon, Simonide), son ouvrage en écrit l’histoire, jusqu’à la glorieuse époque du Caveau fondé en 1729 ou 35, c’est selon, dont il cite les plus populaires à son époque :

« Plus on est de fous, plus on rit », et « l’Eloge de l’eau », avec le refrain :
C’est l’eau qui nous fait boire Du vin (ter);
l’une et l’autre d’Armand Gouffé;
le Cabaret: « A boire je passe ma vie »,., par J.-J. Lucet; le Mouvement perpetuel,« Loin d’ici, sœurs du Permesse, » etc., et le refrain fameux « Remplis ton verre vide, Vide ton verre plein, » etc.; Vive le vin! la Barque à Caron; les Glouglous; plus récemment, une demi-douzaine de chansons de Désaugiers, comme le Panpan bachique :
Lorsque le champagne. Fait en s’échappant Pan pan, Ce doux bruit me gagne L’âme et le tympan
le Délire bachique:
Quand on est mort, c’est pour longtemps. Dit un vieil adage Fort sage
le Carillon bachique :
Et tic, et tic et tic, et toc et tic, et tic et toc, De ce bachique tintin Vive le  son argentin
enfin le « Nec plus ultra de Grégoire »

J’ai Grégoire pour nom de guerre. 
J’eus en naissant horreur de l’eau
Jour et nuit, armé d’un grand verre
Lorsque j’ai sablé mon tonneau,
Tout fier de ma victoire
Encore ivre de gloire,
Reboire,
Voilà,
Voilà
Le Nec plus ultra
Des plaisirs de Grégoire

Ensuite, « dès que Béranger commença de faire un peu de bruit… Lui seul ou à peu près chanta pendant trente ans, et l’on ne chanta que ce qui venait de lui. »

Mais nous avons vu qu’on n’en avait pas fini avec la chanson bachique…

le matelot errant

Voici une chanson de Michel Tonnerre, ce barde breton, héros de la chanson de marins, parti il y 13 ans. Nous l’avions vu à Paimpol un an plus tôt.

Le matelot errant pleure la tête dans ses mains, quel drame a-t-il vécu ? Il part à la dérive, errant comme un bateau ivre… mais :

Dans la lumière il y’a mon verr’
Et dans mon verr’ il y’a mon vin
Toujours celui que je préfèr’
Boir’ en compagnie des gens biens.

Ecoutons le par le groupe Retour de Saint-Nazaire

Les couplets

Dans le vieux port de Copenhague
Je pars sur un vieux bâtiment
Comme le vent pouss’ au grand largue
Je suis le matelot errant.
Volant là-haut dans le gréement
Je ne peux qu’espérer demain
Je tourn’ et vir’ au cabestan
Et pleur’ la tête dans les mains.

Alors je pars à la dérive
Visitant tous les continents
J’erre comme le bateau ivre
Qui sombrerait en s’enivrant
Et le vin devient dans ma quête
Bleu comme l’eau bleue des lagons
Rouge comm’ le sang d’une aigrette
Coulant à flots sur son plastron

‘ayez crainte que je ne meur’
Et n’en ayez point de remords
Satan n’a point sonné mon heur’
Affûté sa faux dame mort
Voilà que les lumièr’s s’éteignent
A demain seigneur aubergiste
Entends ces deux enfants qui geignent
Mon dieu que le vin me rend triste.

Wassail

C’est ce qu’on dit encore aujourd’hui en Angleterre pour porter un toast à l’époque de Noël. Nous avons déjà rencontré cette expression d’origine nordique qui veut dire à votre santé.

Elle a donné son nom à un breuvage que l’on boit en Angleterre à Noël et jusqu’à la nuit des rois (la 12ème nuit voire au delà), à base de cidre chaud, ou de bière, d’hydromel, d’épices, les recettes varient.

En 1913 Camille Chemin, professeur au lycée de Caen, écrivait dans un article consacré au poète Robert Herrick (1591-1674) : «   A Christmas …on boit le wassail, liqueur antique « faite d’ale, de noix muscade, de gingembre, de sucre, où l’on ajoutait des rôties de pain ou de pommes sauvages ».

L’histoire du vocable est contée par Gabe Cook, un expert en cidrologie.

ci-dessus présentant une bouteille de cidre à la reine Elizabeth

Il la fait remonter au 8ème siècle, au temps des vikings conquérants qui disaient vas heil en vieux norrois, expression qui devint wes hael en vieil anglais, formule utilisée dès lors comme formule de boisson, à quoi les anglo-saxons répondaient drinc hail ! A partir du 9ème siècle, waes hail  devient le nom du breuvage accompagnant le plus souvent ces libations.

On en saura plus en lisant l’article » Les nombreuses significations du wassail » sur The ciderologist.

La coutume du wassailing se répandit en Angleterre. Lors de la nuit des rois, les manants allaient de porte en porte, chantant et offrant à boire en échange de dons.

wassailing, une illustration de Jack et le haricot magique (the beanstalk)

Ces chants différaient d’une région à l’autre, en voici quelques uns.

wassail du Kent: wassail, drincail, to you a hearty wassail !

wassail de Gower (pays de Galles): Fal the dal, drink and be merry it’s a jolly wassail !

wassail de l’Essex : come listen to our call !

Gloucestershire Wassail

Wassail, wassail all over the town!
Our toast it is white and our ale it is brown;
Our bowl it is made of the white maple tree;
With the wassailing-bowl we’ll drink to thee!

une autre version dans un verger.

Et en effet, plus étonnant, le waissaling des arbres fruitiers (Orchard-visiting Wassail) est une coutume toujours vivante où les pratiquants vont de verger en verger boire à la santé des arbres fruitiers pour qu’ils produisent des fruits en quantité.
Ce court poème de Robert Herrick évoque cette tradition

Wassail the trees, that they may bear
You many a plum, and many a pear:
For more or less fruits they will bring,
As you do give them wassailing
.

Les pommiers à cidre faisaient l’objet d’un culte particulier :

Apple tree, apple tree, we all come to wassail thee,
Bear this year and next year to bloom and to blow,
Hat fulls, cap fulls, three cornered sack fills,
Hip, Hip, Hip, hurrah,
Holler biys, holler hurrah.

On trouvera de nombreuses paroles et chants dans ce toolkit

Un petit résumé en anglais ?

Boire ou se battre en duel…

il faut choisir. C’est ce que nous démontre Cavalleria rusticana, opéra bref (70 mn) de Pietro Mascagni (1890) qui fait partie du « répertoire ». Avec son copain de planches  Pagliacci, il jouit d’une grande popularité et est souvent représenté.

Mais nous n’attendrons pas la prochaine occasion de le voir pour nous intéresser au Brindisi que nous signale l’ami François : « Viva il vino spumeggiante », moment d’allégresse avant le drame final.

L’histoire est simple : partagé entre son amour pour sa fiancée Lola retrouvée mariée à son retour de l’armée, et celui que lui porte Santuzza, qu’il rejette après l’avoir aimée, et qui le dénonce au mari trompé Alfio, Turrido se voit contraint au duel avec celui-ci.

Cela finira mal pour Turrido, car il s’est enivré de « vino spumeggiante » !

Intanto amici, qua,
Beviamone un bicchiere!

Viva il vino spumeggiante
Nel bicchiere scintillante,
Come il riso dell’amante
Mite infonde il giubilo!
Viva il vino ch’è sincero
Che ci allieta ogni pensiero,
E che annega l’umor nero,
Nell’ebbrezza tenera.

Le voici chanté par Roberto Alagna à Orange en 2009

et par Luciano Pavarotti

On tirera de cette histoire la morale que l’on voudra : respecter les commandements 7 et 10, boire avec modération, se garder de  l’ivresse publique…

Pour Turridu, la messe est dite.

Belle lurette

Voici une oeuvre posthume de Jacques Offenbach, un opéra-comique dont l’orchestration a été terminée par Léo Delibes (dixit J.C. Yon dans sa biographie du maitre). Belle Lurette fut créée en 1880, 3 semaines après sa mort. Ils se sont mis à trois pour écrire le livret : Ernest BlumÉdouard Blau et Raoul Toché

Belle Lurette est une blanchisseuse fort courtisée qui épousera un duc !

Quelques scènes intéresseront le lecteur du bon clos.

A la fin du 1er acte Belle Lurette invite ses amis à faire la fête :

 oui le palais d’un grand seigneur
de vous fêter aura l’honneur
je veux ce soir que de bon coeur
chacun de vous boive au bonheur
de Belle Lurette

Screenshot

Au début du 2ème acte, c’est le choeur des amis du duc qui invite aussi à la fête :

Chantons au nom de l’amitié, Chantons et buvons à pleins verres…
Buvons mes chers amis au nom de l’amitié, Buvons Buvons Buvons Buvons

Screenshot

Et à l’acte 3 c’est Marceline, la patronne de la blanchisserie qui se remémore un souper bien arrosé!

Et tu remplis deux verres jusqu’au bord
Et le Champagne on a dû le finir.

Carine Séchaye a chanté cet air

Felicity aussi

Et voici la partition

El vino nos une (le vin nous unit)

C’est une chanson argentine qui fait florès dans ce pays producteur de vins. Ecrite par Martha Cazaubon en 2017, elle est reprise par de nombreux groupes et choeurs et a été chantée notamment lors du concert donné à l’occasion du  » Día del Vino Argentino Bebida Nacional 2023″.

En voici une version « casera » (chantée à la maison)

et une de concert

Brindo por las mujeres que derrochan simpatia
Brindo por Ios que vuelven con las luces de otro dia
Brindo porque recuerdo tu cuerpo, péro olvidé tu cara
Brindo por lo que tuve porque ya no tengo nada [2 volte]

Brindo por el momento en que tu y yo nos conocimos
Y por los corazones que se han roto en el camino
Brindo porel recuerdo y también por el olvido
Brindo porque esta noche un amigo paga el vino [2 volte]

Porque la vida es dura, por el fin de la amargura
Brindo porque me olvido los motivos porque brindo
Brindo por lo que sea que caiga hoy en el vaso
Brindo por la victoria, por el empate y por el fracaso [2 volte]

Brindo por las canciones que va tocando la orquesta
Caiga quién caiga brindo por el alma de la fiesta
No es un momento triste ya que brindo con amigos
Brindo, por el futuro, por la mùsica y el vino [2 volte]

Brindo por està mesa y por la buena compania
Brindo por los domingos y por tantas alegrìas
Brindo por los acordes que han reunido estos amigos
Siempre que estemos juntos que en la mesa haya buen vino

Je bois à toutes les femmes prodigues de sympathie
Je bois à ceux qui reviennent avec les lumières d’un autre jour,
Parce que je me souviens de ton corps, mais pas de ton visage
Je bois à tout ce que j’ai eu, maintenant que je n’ai plus rien.

Je bois à ce moment où toi et moi nous sommes connus
Et aux coeurs qui se sont brisés en chemin
Je bois au souvenir et aussi à l’oubli
Je bois parce que ce soir c’est un ami qui paie le vin.

Parce que la vie est dure, pour en finir avec l’amertume
Je bois parce que j’ai oublié pourquoi je bois,
Je bois à ce qu’il y a aujourd’hui dans mon verre
Je bois à la victoire, au match nul, à la défaite.

Je bois aux chansons que l’orchestre nous joue,
A l’âme de la fête, peu importe qui tombe,
L’heure n’est pas à la tristesse quand on trinque avec des amis
Je bois au futur, à la musique et au vin.

Je bois à cette tablée, à la bonne compagnie
Je bois aux dimanches et à toutes les joies
A la bonne entente qui réunit les amis
Et au bon vin toujours présent quand nous sommes réunis.

On pourra voir un long extrait du concert (1h30) sur youtube

Le bon clos en a extrait pour vous quelques pépites :

A 6’28 », un poème d’Aledo Luis Meloni, mis en musique par Delfor Sombra : las coplas de Don Aledo

Comment ne pas aimer le vin, comment ne pas tant le louer, si le vin réveille le chant, et le chant éclaire le chemin ?

El sol madura las uvas, Las uvas se vuelven vino
Y el vino se vuelve sangre, Si tienen sed los cuchillos.
Como no querer al vino, Como no alabarlo tanto,
Si el vino despierta el canto, Y el canto alumbra el camino.

A 18’30, c’est La Refranera, chanson de Félix Dardo Palorma,

C’est une chanson enjouée :
Je bois pour noyer mes peines, mais mes peines savent nager... l’amitié c’est le vin nouveau, être ami c’est comme le vin vieux, pour en bien sentir le goût, il faut attendre un peu

Tengo un vino de tres hojas, otro de orujo y melezca
que hacen dar vueltas las cujas, ensubiendo a la cabeza

Buen vino hace buena sangre, me dijo una viñadora
Yo tomo pa’hogar las penas, mis penas son nadadoras

Refrain
y Canta mi rafranera, coplera, de tu rimero al empeño
esa musa pueblera y viñera, de troveros. viñateros
la cancion de los juglares, de los cuyanos viñares

Que eso que llaman agua, descolorida y sin gusto
dicen que es para las guaguas, y las mujeres con susto

Amistad es vino nuevo, ser amigo es vino viejo
para sentirles el gusto, hay que esperar algún tiempo

A 40′ 15″, on peut y entendre plusieurs chansons chantées naguère par Mercedes Sosa, comme « La arenosa »

C’est une chanson d’amour à la terre de Cafayate, village viticole d’altitude (1700 m !) au sol sablonneux situé au nord de l’Argentine.

Arenosa, arenosita, Ma terre cafayate, celui qui boit de ton vin trouve le sommeil et oublie sa peine

Arenosa, arenosita, Mi tierra cafayateña, El que bebe de tu vino, Gana sueño y pierde pena
El agua del calchaquí, Padre de toda la siembra, Cuando uno se va y no vuelve, Canta llorando y no sueña,
Arena, arenita, Arena, tapa mi huella, Para que en las vendimias,Mi vida, yo vuelva a verla
Luna de los medanales, Lunita cafayateña, Luna de arena morena,En carnavales de ausencia
Deja que beba en tu vino, La savia cafayateña,Y que me pierda en la cueca, Cantando antes que me muera,
Arena, arenita, Arena, tapa mi huella, Para que en las vendimias, Mi vida, yo vuelva a verla

Ecoutons-la, chantée par Mercedes, la Negra Sosa !

A 45′, c’est La zamba del riego (danse de l’irrigation) d’Armando Tejada Gomez e Oscar Matus,aussi chantée par la Mercedes.

C’est une chanson d’amour au peuple vendangeur, au vin qui fait chanter, et à l’eau bienfaisante

Por el Guaymallén, el duende del agua va
Llevando una flor de greda y de sol
Que despertará en el riego
La voz vegetal del huarpe que está
Dormido en su paz mineral
Se va tu caudal por el Valle Labrador
Y al amanecer sale a padecer
La pena del surco ajeno
Verano y rigor, va de sol a sol
La sombra del vendimiador
Morada zamba del riego, el agua te cantará
Cuando ande en la voz del vino cantor
La vendimia de mi pueblo
Y suba un rumor de acequia y canción
Por el rumbo agrario del sol
Canal fundador, tonada del totoral
La luna rural te ha visto regar
El sueño de mis abuelos
Y luego entonar con el regador
El vino sufrido del peón
Solar regador, algún día bajarás
Trayendo en tu voz, de menta y cedrón
Tonadas del vino nuevo
Y entonces te irás conmigo a cantar
Cogollos de amor y de paz
Morada zamba del riego, el agua te cantará
Cuando ande en la voz del vino cantor
La vendimia de mi pueblo
Y suba un rumor de acequia y canción
Por el rumbo agrario del sol

A 49’33 voici la bruja salguero qui chante l’entrainant Volver en vino , une chanson d’ Horacio Guarany Elle exprime le désir (exprimé dans ces colonnes par d’autres, comme Alan Seeger) de voir après la mort son corps se mêler à la terre et au vin qu’elle produit …

Avec le vin, c’est la vie qui vient, Je viens à ta vigne, terre chérie…

Si el vino viene, viene la vida (2),
Vengo a tu viña, tierra querida(2)

Quiero morirme cantando, Bajo tu parra madura,
Y que me entierren al alba, Rega’o de vino mi tumba
Quisiera dejar mis huesos, Bajo cielo mendocino,
Que mi sangre y mis cenizas, Vuelvan camino del vino
¡Qué triste ha de ser morirse y no volver nunca más!,
Pero es tan linda la vida, Pero es tan churo el camino
Que si me muero algún día entiérrenme en Mendoza
En San Juan, allá en la Rioja
O en Cafayate la hermosa, que en vino habré de volver
Y cuando lloren las viñas para que rían los hombres
He de volver en las copas
Y habré de mojar las bocas de mis viejos compañeros
O tal vez de la que quiero y no me pudo querer
Y en una noche de farra cuando lleven la guitarra
Si ven al vino llorar, déjenlo llorar su pena
Déjenlo llorar su pena
Que en la lágrima morena como nunca he de cantar
La vida es un vino amargo
Dulce en jarra compartida
Que los que nadan pa’ dentro
Se ahogan solito’ en la vida

Si el vino viene, viene la vida (2)
Vengo a tu viña, tierra querida(2)

Voici une version très intime par Julio et Ruben Tapia Altamirano

A 63’16, nous terminerons ce « recorrido » avec Entre San Juan y Mendoza, une chanson de Los Chalchaleros.

On pourrait traduire par « entre Gaillac et Rabastens » ! c’est une chanson de « borracho » qui se comprend à demi-mots…

¿A ve’?
Yo no sé, Yo no sé lo que me pasa
Para se’, Para ser tan desgraciao
Y tomao, Y tomao má’ de tres litros
Y apena’, Y apena’ sí estoy chispeao

¿A ven?
Yo no sé, Yo no sé lo que me pasa
Que no pue-, Que no puedo caminar
Pensarán, Pensarán que estoy borracho
Y ha de se-, Y ha de ser debilidad

Eche otro litro ‘e vino
Don Ceferino por caridad
Quiero curarme to’
Y de ese modo olvidar
Vivan las buenas mosas
Viva mi esposa y San Juan

Et remercions notre amie Martha A. qui nous a mis sur la piste du Vino nos une ! Besitos mi amor !