Voici encore une opérette (en fait un opéra-bouffe) de Charles Lecocq (livret de Vanloo et Leterrier) qui recèle une chanson à boire intéressante, parce qu’elle nous parle d’une vieille coutume : le coup de l’étrier.

Elle fut créé à Paris en 1875 et connut un certain succès avec de nombreuses reprises, mais n’est plus guère jouée depuis un siècle.
. On trouvera sur le site Théâtre musical une description détaillée. En deux mots, une histoire de mari trompé, qui voudrait bien se venger de l’amant, à présent en instance de mariage, mais finit par pardonner…
Nous sommes au 16ème siècle en Italie. Des voyageurs sont attablés dans une relais de poste (c’était au temps des diligences), ils mangent et boivent, mais il faut faire vite car la voiture va partir..
mangeons vite, buvons vite la voiture va partir
Mais il est un usage auquel il faut se conformer avant de se mettre en voyage : c’est le coup de l’étrier, ce dernier verre que l’on boit avant de partir
il est un usage auquel il faut se conformer, dit l’hôtelière, avant de vous mettre en voyage.
le vin est vieux, encore un verre, encore un verre, le dernier…
à la santé de l’hôtelière, buvons le coup de l’étrier, buvons, buvons…
nos aïeux avaient le raisin le plus doré de l’Italie
cela fit un nectar divin que tout le monde nous envie…
En voici un enregistrement datant de 1963, par l’orchestre lyrique de la RTF sous la direction de Georges Derveaux, mise en scène d’Henri Spade. L’air est chanté au début du 1er acte (2’52) , la distribution est au générique.
Revenons au « coup de l’étrier ». L’expression remonterait au moins au temps de Louis XIII avec l’anecdote du maréchal de Bassompierre en 1625, rapportée par Alexandre Dumas après son voyage en Suisse en 1832 (En Suisse, chapitre 19) où il avait été surpris par une auberge à l’enseigne d’une botte :
Henri IV avait envoyé, en 1602, Bassompierre à Berne en qualité d’ambassadeur près des treize cantons pour renouveler avec eux l’alliance déjà jurée en 1582 entre Henri III et la fédération. Bassompierre, par la franchise de son caractère et la loyauté de ses relations, réussit à aplanir les difficultés de cette négociation, et à faire des Suisses des alliés et des amis fidèles de la France. Au moment de son départ, et comme il venait de monter à cheval à la porte de l’auberge, il vit s’avancer de son côté les treize députés des treize cantons, tenant chacun un énorme widercome à la main, et venant lui offrir le coup de l’étrier. Arrivés près de lui, ils l’entourèrent, levèrent ensemble les treize coupes, qui contenaient chacune la valeur d’une bouteille, et, portant unanimement un toast à la France, ils avalèrent la liqueur d’un seul trait. Bassompierre, étourdi d’une telle politesse, ne vit qu’un moyen de la leur rendre. Il appela son domestique, lui fit mettre pied à terre, lui ordonna de tirer sa botte, la prit par l’éperon, fit vider treize bouteilles de vin dans ce vase improvisé ; puis, la levant à son tour pour rendre le toast qu’il venait de recevoir : « Aux treize cantons ! » dit-il ; et il avala les treize bouteilles.
Une anecdote analogue est racontée en 1707 par Anne-Marguerite Du Noyer dans ses lettres historiques et galantes -pp 445 et suivantes- à propos du marquis de Léri, rentrant en France d’une ambassade à Cologne ; dans la même lettre est aussi rapporté le mariage fin soûl, avec .. sa maitresse, de ce grand buveur , « à l’insu de son plein gré » dirait-on aujourd’hui.
L’expression a fait florès. En voici quelques manifestations.
Le chansonnier berrichon Jean Rameau (1852-1931) a écrit plus de 300 chansons et s’est fait connaitre en en faisant de cartes postales. Ici, le coup de l’étrier.

Dounn’va,sa m’guérira d’ma peine/Pourvu qu’on verre y soit tout plein
Encore dans le Berry, une illustration de la même époque

Dans les années 1920, un apéritif voit le jour près de Toulouse, dans les vignes du chateau de la Durante, à Auzeville Tolosane.



Poésies (Claude Pierre), pièces de théâtre (Marcel Dubé), photos, tableaux, sculptures (Picault, Gueyton) : le choix est large.



Nous conclurons avec ce savoureux dessin d’anticipation de 1910 (Jean-Marc Côté, dessinateur présumé ; Villemard, lithographe).

Voir aussi l’article d’André Deyrieux sur le blog les 5 du vin : Quel verre pour le coup de l’étrier?




















































































































































































