Procession de bouteilles

Il est un petit village de Provence où le 1er juin de chaque année on honore Saint-Marcellin en faisant bénir une bouteille dans la chapelle qui lui est vouée. Le vin qu’elle contient sera réputé un élixir de santé pour qui en boira.

vigne à Boulbon

Le saint est en effet réputé  » bon pèr l’aigo e bon pèr lou vin !  » (bon pour l’eau de la pluie comme pour le vin). Cette tradition existerait depuis 400 ans au moins !

On se rassemble sur la grand-place entre église et mairie.

La municipalité offre généreusement une bouteille de vin local à qui veut. On peut aussi apporter la sienne !

A l’heure dite la procession, porteuse d’une statue du saint et accompagnée par un orchestre de tambours, fifres et cornemuses, se dirige vers La Chapelle située à quelques centaines de mètres.

Seuls les hommes y entreront, ainsi que le veut la tradition, ce qui ne semble indisposer personne. Encore que… il y en ait qui manquent un peu d’humour et de discernement.

A l’intérieur, le prêtre narre l’épisode des noces de Cana en Provençal que l’on se surprend à comprendre tant on en connait l’histoire.

Auprès de lui, deux ecclésiastiques vénézuéliens : Mgr Jose Manuel Romero Barrios, évêque d’El Tigre, venu accompagner le père Joan qui va être installé à Tarascon où l’espère une communauté latine.

On chante avec enthousiasme le « cantico à Sant-Marcelin » :

1. Bourbounen canten un cantico/ A l’ounour de Sant Marcelin
Bèu martir de la glèiso antico/ E patron de l’ago et dóu vin

Refrain : O bèu Sant, per pieta regards / Sus Bourboun et sus si terren ;
Nosti vigno tèn lei gaiardo / De tout tèms te festejaren.

… (7 couplets)

On chante aussi « Prouvencau et catouli », l’incontournable « Coup Santo« , et sur le même air :

« A Sant Marcelin » où l’on demande au bon saint :

Beniras nosti boutiho / Tu que siès tant pouderous
Sauvaras nosti famiho / Em’aqueu vin generous

Après les chants et la bénédiction, chacun débouche sa bouteille et la porte à ses lèvres.

On rejoint alors le village pour danser et festoyer !

Vive Boulbon !

Voici une video ancienne (1967) trouvée sur le site de l’INA

https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/raf03025366/la-messe-des-bouteilles-a-boulbon

Loth et ses filles

C’est le décès tout récent du peintre Walter Spitzer qui nous conduit sur ce thème biblique, où ivresse rime avec inceste.

Le vieux Loth, neveu d’Abraham, fuyant Sodome vouée à la destruction, ayant perdu sa femme changée en statue de sel pour s’être retournée afin de voir la ville en flammes, est saoulé par ses filles qui, désespérant de trouver des époux, décident d’abuser de lui pour lui donner une descendance. L’une donnera naissance aux Moabites, l’autre aux Ammonites.

Loth et ses filles, par Walter Spitzer

Walter Spitzer, juif polonais déporté à 16 ans, que son talent de dessinateur (il fut protégé par ses camarades dans les camps pour plus tard témoigner) et sa résistance extrême aidèrent à survivre , fit sa vie en France, s’y illustra comme peintre, sculpteur (il est l’auteur du monument commémoratif à la rafle du vel d’hiv) et illustrateur.

Il faut salué par les plus grands. Pour Joseph Kessel, ce fut un coup de foudre :

 » Un monde à la fois réel et fantastique, construit avec rigueur et pourtant léger comme un conte avec ses enluminures d’Orient, ses nàivetés de folklore, la crudité de l’étal, la vagabonde liberté des’ nomades, les grâces d’ûne noce villageoise.  Un monde chaud, léger, éclatant, presque féérique mais tenant solidement à la terre par la densité des champs et des pierres, la tendre sensualité des chairs et un sens étonnant de l’humain … « 

Des générations de peintres ont mis l’ histoire de Loth en images. On trouvera sur le site du musée virtuel du vin les reproductions de dizaines d’oeuvres sur le même thème, comme celle-ci de Marc Chagall (1931)

La version d’Otto Dix (1939) (détail)

Les lecteurs du bon clos reconnaitront le style de Jean-François de Troy (1745) dans le tableau suivant

Remontant le temps, voici la version de Rubens

et celle de Le Guerchin (1651)

On s’arrête là ! On pourra lire toute l’histoire racontée sur un ton décalé et en tableaux sur le site « mieux vaut art que jamais ».

Le banquet des grecs

C’est le titre d’une conférence proposée en ligne par la Cité du Vin, en complément de l’exposition « Boire avec les dieux » à voir à Bordeaux « dès que possible » et en tout cas avant le 29 août 2021 !

C’est François Lissarague, professeur émérite, spécialiste du monde antique et de ses représentations, que nous avons pu écouter et voir présenter objets et images.

Il a d’abord rappelé les termes du sujet : δαίς (dais), le repas, le partage des viandes ; ξενία (xenía), l’hospitalité ; et συμπόσιονsymposion, le « boire ensemble », généralement après le repas, en position allongée.

scène mythologique de symposion, sur un cratère corinthien (-590)

Le mot banquet est bien plus tardif (15ème siècle), il vient de l’italien banchetto, repas pris alors assis sur des bancs. mais c’est par ce mot qu’on traduit classiquement symposion (cf celui de Platon).

Les vases, coupes, etc. qui nous sont parvenus permettent de comprendre comment se déroulaient ces symposion.

On boit le vin additionné d’eau, d’herbes et d’épices dans un cratère. Les buveurs commencent par des libations aux dieux, puis s’allongent sur des lits et sont servis dans des coupes sur des tables à trois pieds.

Cette reconstitution archéologique permet de visualiser la scène, au nombre de pieds des table.

Sur cette Pyxis (boite à trois pieds), sont représentés les trois moments du symposion : la procession menant l’animal à l’autel,

le symposion proprement dit, et des danseurs faisant la fête (le temps du komos).

Cette vitrine rassemble les différents contenants

Les cratères de grande capacité (10-15 litres) servent à mélanger le vin à l’eau et aux ingrédients ; des cruches permettent d’y puiser et servent à remplir les coupes dans lesquelles on boit.

sur cette coupe sont représentés les différents contenants, associés aux instruments de musique
un échanson puisant dans le cratère pour servir la coupe

Des femmes considérées comme « accessoires » pour l’amour, la musique… viennent participer aux festivités

Le jeu du kottabos est populaire au 5ème siècle. Il vise à envoyer des gouttes de vin de la coupe sur un objet.

on se sert de la coupe comme d’une chistera
un joueur habile fera tomber l’oiseau perché sur le trépied
la musique (ci-dessus une lyre et un aulos -flûte double) accompagne les chants (la main sur la tête désigne le chanteur)

Une autre coutume consiste à faire circuler un rameau de chanteur en chanteur reprenant la même chanson

Le vin peut être rafraichi dans des récipients ingénieux à deux compartiments.

En arrière plan, les mythiques satyres sont représentés remplissant les cratères, s’y abreuvant, plongeant dedans, en grande excitation

Cette coupe les présente en pleine activité viti-vinicole.

On terminera en beauté avec cette grande coupe d’une belle couleur rouge corail représentant Bacchus banquetant sur un bateau, où une vigne a poussé autour du mât, après qu’il a défait et transformé en dauphins les pirates venus l’enlever.

Tout ça est passionnant. Vivement l’expo !

Gonzalo de Berceo et la multiplication du vin

Ce poète du 13ème siècle, moine de son état dans la Rioja, est célébré pour son intérêt supposé pour le vin, illustré par le quatrain suivant dans sa Vida de Santo Domingo de Silos », c1236 (España).

C’est l’un des premiers à avoir écrit en « roman paladino », l’espagnol ancien.

Quiero fer una prosa en román paladino
en qual suele el pueblo fablar con so vecino,
ca non so tan letrado por fer otro latino,

bien valdrá, como creo, un vaso de bon vino.

(Je veux écrire en roman paladin, la langue du peuple, car je ne suis pas assez lettré pour le faire en latin, ça me vaudra bien, je pense, un verre de vin !)

Il pratique la cuaderna via, genre poétique constitué de strophes de 4 alexandrins de 14 pieds, mais qui sonnent comme douze compte tenu des finales non accentuées, avec une rime unique dans chaque strophe.
Un village de la Rioja, et un domaine viticole, portent son nom.

Nicolás Asensio Jiménez, de la Fundación Ramón Menéndez Pidal, s’est intéressé à la présence du vin dans ses « vies de saints » (El vino en las vidas de santos de Gonzalo de Berceo). Dans la Vida de San Millán de la Cogolla, est présenté le miracle où San Millan donne à boire à une multitude un vin inépuisable.

244. End a poccos de dias que enfermos que sanos
Cadieron grandes ientes, pueblos muy sobeianos
Por veer al sancto omne e besarli las manos,
Por qui eran nomnados los montes cogollanos.

245. Fueron desent cuytados, ca façie grant calura,
Bebrien de buen grado vino de vinna madura,
El vasallo de Christo sedie en grant pressura,
E tenie poco vino, una chica mesura.

246. Padre de los mezquinos el varon esforzado
Firme por en las cueytas del Criador amado,
Mandó que se assentasen las ientes por el prado
Que lis diessen del vino que li avie sobrado.

247. Posaronse las gentes, adussieron el vino,
Cabrielo refez mientre en un chico varquino,
Mandó el omne bueno al so architriclino
Que non desamparase nin rico nin mezquino.

248.Bendiso él los vasos con la sue sancta mano,
Ministrólis el vino el so buen escançiano,
Non ovo grant ni chico nin enfermo nin sano
Que non tenie el vino delante sobeiano
.

…….

(Il faisait très chaud, les gens étaient venus de toute part voir le saint homme, qui ne disposait que d’une petite mesure de vin, mais il bénit les verres de sa sainte main et il n’y eut grand ni petit ni malade ni sain qui n’obtint du vin)

…….
252Esta vertud tan noble, esta gracia tan maña,
qe con tan poco vino fartó tan grand compaña,
issió de la montisia, sonó por la campaña,
dizién qe nunqua nasco tal omne en España.

Il est piquant de voir plus loin le bon moine Berceo se livrer à une opération de désinformation visant à réclamer plus de dons pour son monastère, prétendant que le comte Ferran Gonzalvez et toute sa suite avaient juré de donné en chaque saison trois « pipiones » (?)

461. El cuend Ferran Gonzalvez con todos sos varones
Con bispos e abbades, alcaldes e sayones
Pusieron e iuraron de dar todas sazones
A Sant Millan cada casa de dar tres pipiones.


466. Unas tierras dan vino, en otras dan dineros,
En aguna çevera, en alguntas carneros,
Fierro traen de Alaba e cunnos de azeros,
Quesos dan en ofrendas por todos los camberos.

Berceo argumente pendant une dizaine de strophes, pour constater finalement que si l’engagement était tenu les moines auraient du pain et du vin et ne seraient pas de tristes mendiants.

479. Si estos votos fuessen leal-mente enviados,
Estos santos preçiosos serien nuestros pagados,
Avriemos pan e vino, temporales temprados,
Non seriemos commo somos de tristiçia menguados.

On peut trouver le texte complet ici
La vie de San Millan (473-574) a été rapportée par San Braulio de Zaragoza (vers 640) ,

on trouvera le résumé en espagnol

Depuis les noces de Cana, la multiplication du vin est un thème récurrent dans la miracologie chrétienne : Le Père Angel Peña cite le cas de Sainte Thérèse de Jésus et celui du curé d’Ars…

les noces de Cana

Transformer l’eau en vin, peut-on rêver plus beau miracle ! C’est ce que fit dit-on Jésus, son premier « signe » alors que « son heure » n’était même pas encore arrivée. Et en très bon vin encore, si l’on en croit l’unique narrateur Jean l’évangéliste, car les gens de la noce se seraient étonnés que l’on servît le meilleur vin à la fin plutôt qu’au début du repas comme on fait généralement.

enluminure extraite des grandes heures de Jean de Berry (1409)

Visualisons un peu la scène. « Ils n’ont pas de vin »(*), observe la mère de Jésus.
« Femme, que me veux tu ? Mon heure n’est pas encore venue« , réplique-t-Il.
Elle n’en a cure, comme presciente qu’Il ne peut laisser la noce dans l’embarras.
« Faites tout ce qu’il vous dira« , dit-elle à ceux qui servaient.
En effet, Il obtempère : « remplissez d’eau les jarres« , (il y en avait six) et « maintenant puisez, et portez-en au maître du repas« .
Et celui-ci goûta l’eau changée en vin….

(*)(comme dit le poète, être assoiffé d’eau c’est triste, mais faut bien dire que l’être de vin c’est encore vingt fois pire !)

Se non e vero, e bene trovato ! Une telle action d’éclat ne pouvait qu’inspirer artistes et mystiques. Aussi les représentations en sont-elles nombreuses. La plus fameuse en est bien sûr celle de Veronese (1563), qui pavoise au Louvre depuis le traité de Campo Formio.De cette grande composition, ce sont les détails qui sont intéressants. Plus de 130 personnages ! Au petit jeu de les identifier, nombreux croient reconnaitre les peintres fameux (Véronèse à la viole, Titien…) parmi les musiciens au premier plan, ou encore le sulfureux l’Arétin, auteur des sonnets luxurieux, parlant vin avec le même Véronèse debout de profil sur la droite. Va savoir !

Voici des représentations plus anciennes.

Extrait du plafond de l’église saint martin de Zillis (grisons, suisse) 12ème siècleCette peinture murale retrouvée en l’église Sainte Sophie de Trabzon (Trébizonde) doit dater du 13ème siècleVoici la version  du florentin Giotto, en 1306, à la chapelle des Scrovegni à PadoueDe Duccio di Buoninsegna, éminent peintre siennois, ce cadre en bois fait partie d’un grand retable conservé à Sienne, la Maesta (1308)Voici maintenant le brugeois Gérard David (vers 1460)

Ce petit tableau proviendrait de l’atelier de l’anversois Martin de Cleve (16ème siècle)Cette version de Maarten de Vos (un autre anversois) serait à la cathédrale d’Anvers (1597)Avec le bolognais Giuseppe Maria Crespi (vers 1686) les coupes sont vides et la tension est insoutenable. Mais que fait Jésus ?Bien plus tardives,  voici les versions des peintres Julius Schnorr von Carelsfeld (allemand, 1820)et Carl Bloch (danois, 1870) Concluons avec cette oeuvre résolument moderne de Philippe LasselinEt que ceux qui  n’en ont pas vu assez se le disent. Il y a en a toute une flopée sur Pinterest!

pressoir mystique

Regardez bien cette image. C’est un vitrail suisse du 16ème siècle qui représente un pressoir mystique, que l’ami Jean-Louis a découvert au musée des Beaux Arts de Dijon.

En haut Dieu le Père tourne le pressoir ; plus bas le Christ porte la croix ; de tous côtés pape et princes de l’Eglise s’adonnent aux travaux de vigneron.

Wikipedia nous apprend que ce thème est récurrent et qu’il s’agit d’une allégorie où « le Christ est assimilé à une grappe de raisin écrasée sous le pressoir durant sa Passion, son sang étant le jus de la grappe ». Il y en a d multiples représentations, comme celle-ci, particulièrement belle qui orne la Bible moralisée de Philippe le Hardi

 

Pourim

Il est rare qu’une fête religieuse préconise de s’enivrer, c’est le cas pourtant de Pourim que les juifs célèbrent ces jours-ci.

Pourim commémore le sauvetage par Esther, épouse du roi perse Assuérus, de son cousin Mordochée et des juifs de l’empire perse promis à extermination par le vizir Haman. Elle y parvient en conviant le roi et son vizir à des festins bien arrosés. Haman sera pendu et Mordochée prendra sa place.

Le banquet d’Esther et Assuerus de Jan Victors (Staatliche Museen (Kassel, Germany)

Il est donc recommandé de « se parfumer » (s’enivrer)  jusqu’à ne plus distinguer « maudit soit Haman ! » de « béni soit Mardochée ! », avec évidemment diverses interprétations depuis confondre les valeurs numériques des deux expressions jusqu’à la confusion complète.

le même banquet, vu par aert de gelder (au musée de Picardie à Amiens)

Et voici la version du grand Rembrandt, maître de ces deux peintres néerlandais, conservée au musée Pouchkine de Moscou.

C’est une fête joyeuse, où l’on se déguise, qui se déroule en février-mars et peut être rapprochée du Carnaval des chrétiens. Elle comporte bien sûr bien d ‘autres prescriptions,  mais on nous pardonnera, compte tenu de la ligne éditoriale de ce blog, de ne pas nous y attarder ; le lecteur curieux pourra utilement consulter l’article de wikipedia, par exemple.

Au Moyen-Age une littérature parodique s’est développée (voir à ce sujet l’instructif article d’Esther Bénaïm-Ouaknine (Médiévales, Année 1992 Volume 11 Numéro 22 pp. 163-172) : Pouvoir libérateur du vin et ivresse du texte sur la parodie dans la littérature hébraïque médiévale).

Amassekhet purim, oeuvre de  l’auteur et traducteur provençal Kalonymus ben Kalonymus (Arles 1286- après 1328), en est un exemple particulièrement savoureux.

En voici un extrait (tiré de l’article ci-dessus ; on appréciera l’Hallelouia final (yain veut dire vin en hébreu).

 

la danse des raisins

Scientifique, galante, religieuse… voila plusieurs façons de voir danser les raisins.

Commençons par la scientifique, avec ces raisins secs qui vont et viennent dans un verre d’eau pétillante. Plus lourds que l’eau, ils tombent mais remontent lorsque des bulles de gaz viennent les accrocher.

Poiursuivons avec la danse du raisin (symbole du plaisir des sens et de jouissance)  que mène la meunière du tricorne de Manuel de Falla pour se jouer de l’importun Corregidor

danseduraisin

ci-dessous par la Antonio Marquez Company  en 2013 (c’est à 11mn43s)

Et voici la bénédiction du raisin, pratiquée traditionnellement à l’Assomption, par le groupe arménien NAVASART sur le site de l’ina

 

Dans les Alpilles

Le massif des Alpilles culmine à près de 500 mètres au Nord des Bouches du Rhône, entre Tarascon et Orgon. On y cultive la vigne et  fait un vin plaisant, comme le vin de pays des Alpilles, dans une dizaine de communes.

Voici une sculpture vue à Sénas, à la sortie de l’A7.

senasMais la légende du pays, ce n’est pas le vin, c’est l‘élixir du père Gaucher que l’on faisait jadis  à l’abbaye Saint-Michel du Frigolet, à la Montagnette (on le fait aujourd’hui non loin à la distillerie de Chateaurenard).

elixirL’histoire en fut contée par Alphonse Daudet, dans une Lettre de son Moulin. Relisons la  ! (on peut commander la liqueur  en ligne)

L’histoire  commence ainsi :

L’ÉLIXIR DU RÉVÉREND PÈRE GAUCHER.

— Buvez ceci, mon voisin ; vous m’en direz des nouvelles.

Et, goutte à goutte, avec le soin minutieux d’un lapidaire comptant des perles, le curé de Graveson me versa deux doigts d’une liqueur verte, dorée, chaude, étincelante, exquise… J’en eus l’estomac tout ensoleillé.

Pour sortir l’abbaye de ses embarras financiers, l’humble frère lai Gaucher à l’idée, accueillie à bras ouverts par les moines, de fabriquer une liqueur selon la recette de la tante Bégon qui l’éleva. Ce fut un triomphe dans tout le pays et l’abbaye prospéra à nouveau. Mais il y avait un hic, si l’on peut dire. Car le père Gaucher, cette liqueur il devait la goûter. Et on l’entendait entonner dans sa distillerie ou en pleine messe les chansons d’après boire de la tante Bégon, comme :

Dans Paris, il y a un Père blanc,
Patatin, patatan, tarabin, taraban…

ou encore

Ce sont trois petites commères, qui parlent de faire un banquet…

et

Bergerette de maître André s’en va-t-au bois seulette…

Désespéré, craignant d’être damné, il voulu cesser son office, mais les bons pères l’en dissuadèrent :

« nous réciterons à votre intention l’oraison de saint Augustin, à laquelle l’indulgence plénière est attachée… Avec cela, quoi qu’il arrive, vous êtes à couvert… C’est l’absolution pendant le pêché.« 

Et, sans en demander davantage, le Père Gaucher retourna à ses alambics, aussi léger qu’une alouette.

Effectivement, à partir de ce moment-là, tous les soirs, à la fin des complies, l’officiant ne manquait jamais de dire :

— Prions pour notre pauvre Père Gaucher, qui sacrifie son âme aux intérêts de la communauté… Oremus Domine…

Et pendant que sur toutes ces capuches blanches, prosternées dans l’ombre des nefs, l’oraison courait en frémissant comme une petite bise sur la neige, là-bas, tout au bout du couvent, derrière le vitrage enflammé de la distillerie, on entendait le père Gaucher qui chantait à tue-tête :


Dans Paris il y a un Père blanc,
Patatin, patatan, taraban, tarabin ;
Dans Paris il y a un Père blanc
Qui fait danser des moinettes,
Trin, trin, trin, dans un jardin ;
Qui fait danser des…

 

… Ici le bon curé s’arrêta plein d’épouvante :

— Miséricorde ! si mes paroissiens m’entendaient !

NB : on n’a pas trouvé trace de la chanson des pères blancs ni de la bergerette de maître André. Par contre celle des trois commères renvoit à des chansons anciennes comme les las tres coumayretos (ci-dessous en VF) trouvée sur le site Culture et mémoire de bernard cauhapé que l’on remercie ici, et où l’on trouvera aussi la version béarnaise !

Il y avait trois petites commères
Qui voulaient faire un banquet
Ladira-dirette, ladira
Qui voulaient faire un banquet,
Tire la cheville, buvons..

Elles vont de porte en porte,
Demander le prix du vin.

A quatre sous Bernard le donne,
Mathieu le donne pour trois.

Se mettent à table à celui de quatre,
Il est meilleur que celui de trois.

L’une va remplir la gourde,
Qui tenait quatre petites chopes.

L’autre apporte une tranche,
La moitié de son cochon.

La troisième a belle miche,
Plus épaisse que la main.

Elles boivent et reboivent,
Et se saoulent toutes trois.

Elles chantent elles dansent,
Non sans faire quelque vent.

Les maris viennent les chercher,
Et hop là, à coup de fouet.

L’une tombe sous la table,
L’autre choit le long du mur.

Celle qui semblait moins saoule,
En travers s’étend dans le feu.

Dieu merci ! Clame alors son homme,
Belle bûche nous avons au feu.

Voilà qui réveille le souvenir de Watriquet de Couving et son dit des trois dames de Paris…

Eduardo Arroyo

On peut voir actuellement et jusqu’au 10 janvier une exposition des oeuvres d’Eduardo Arroyo à l’Hôtel des Arts de Toulon.

« Né à Madrid en 1937, peintre, graveur, lithographe, sculpteur et décorateur de théâtre, il est le représentant majeur de la figuration narrative et de la nouvelle figuration espagnole qui se développa en Europe au début des années 1960 »

On peut y admirer cette « gran prostituta de Babilonia« , figure mystérieuse de l’Apocalypse de Jean, souvent représentée. Cette toile qui date de 2003 est destinée à illustrer la Bible (sic) . Assise sur la bête aux sept têtes et dix cornes, cette femme, richement vêtue, tient dans sa main une coupe d’or pleine d’abominations…

lagranprostitutadarroyoEtonnant, non ? (Et surtout ne pas rater ce Don Quichotte au style très contemporain)

donquichottedarroyo