Transformer l’eau en vin, peut-on rêver plus beau miracle ! C’est ce que fit dit-on Jésus, son premier « signe » alors que « son heure » n’était même pas encore arrivée. Et en très bon vin encore, si l’on en croit l’unique narrateur Jean l’évangéliste, car les gens de la noce se seraient étonnés que l’on servît le meilleur vin à la fin plutôt qu’au début du repas comme on fait généralement.
enluminure extraite des grandes heures de Jean de Berry (1409)
Visualisons un peu la scène. « Ils n’ont pas de vin »(*), observe la mère de Jésus.
« Femme, que me veux tu ? Mon heure n’est pas encore venue« , réplique-t-Il.
Elle n’en a cure, comme presciente qu’Il ne peut laisser la noce dans l’embarras.
« Faites tout ce qu’il vous dira« , dit-elle à ceux qui servaient.
En effet, Il obtempère : « remplissez d’eau les jarres« , (il y en avait six) et « maintenant puisez, et portez-en au maître du repas« .
Et celui-ci goûta l’eau changée en vin….
(*)(comme dit le poète, être assoiffé d’eau c’est triste, mais faut bien dire que l’être de vin c’est encore vingt fois pire !)
Se non e vero, e bene trovato ! Une telle action d’éclat ne pouvait qu’inspirer artistes et mystiques. Aussi les représentations en sont-elles nombreuses. La plus fameuse en est bien sûr celle de Veronese (1563), qui pavoise au Louvre depuis le traité de Campo Formio.De cette grande composition, ce sont les détails qui sont intéressants. Plus de 130 personnages ! Au petit jeu de les identifier, nombreux croient reconnaitre les peintres fameux (Véronèse à la viole, Titien…) parmi les musiciens au premier plan, ou encore le sulfureux l’Arétin, auteur des sonnets luxurieux, parlant vin avec le même Véronèse debout de profil sur la droite. Va savoir !
Voici des représentations plus anciennes.
Extrait du plafond de l’église saint martin de Zillis (grisons, suisse) 12ème siècleCette peinture murale retrouvée en l’église Sainte Sophie de Trabzon (Trébizonde) doit dater du 13ème siècle
Voici la version du florentin Giotto, en 1306, à la chapelle des Scrovegni à Padoue
De Duccio di Buoninsegna, éminent peintre siennois, ce cadre en bois fait partie d’un grand retable conservé à Sienne, la Maesta (1308)
Voici maintenant le brugeois Gérard David (vers 1460)
Ce petit tableau proviendrait de l’atelier de l’anversois Martin de Cleve (16ème siècle)
Cette version de Maarten de Vos (un autre anversois) serait à la cathédrale d’Anvers (1597)
Avec le bolognais Giuseppe Maria Crespi (vers 1686) les coupes sont vides et la tension est insoutenable. Mais que fait Jésus ?
Bien plus tardives, voici les versions des peintres Julius Schnorr von Carelsfeld (allemand, 1820)
et Carl Bloch (danois, 1870)
Concluons avec cette oeuvre résolument moderne de Philippe Lasselin
Et que ceux qui n’en ont pas vu assez se le disent. Il y a en a toute une flopée sur Pinterest!