Dans les Alpilles

Le massif des Alpilles culmine à près de 500 mètres au Nord des Bouches du Rhône, entre Tarascon et Orgon. On y cultive la vigne et  fait un vin plaisant, comme le vin de pays des Alpilles, dans une dizaine de communes.

Voici une sculpture vue à Sénas, à la sortie de l’A7.

senasMais la légende du pays, ce n’est pas le vin, c’est l‘élixir du père Gaucher que l’on faisait jadis  à l’abbaye Saint-Michel du Frigolet, à la Montagnette (on le fait aujourd’hui non loin à la distillerie de Chateaurenard).

elixirL’histoire en fut contée par Alphonse Daudet, dans une Lettre de son Moulin. Relisons la  ! (on peut commander la liqueur  en ligne)

L’histoire  commence ainsi :

L’ÉLIXIR DU RÉVÉREND PÈRE GAUCHER.

— Buvez ceci, mon voisin ; vous m’en direz des nouvelles.

Et, goutte à goutte, avec le soin minutieux d’un lapidaire comptant des perles, le curé de Graveson me versa deux doigts d’une liqueur verte, dorée, chaude, étincelante, exquise… J’en eus l’estomac tout ensoleillé.

Pour sortir l’abbaye de ses embarras financiers, l’humble frère lai Gaucher à l’idée, accueillie à bras ouverts par les moines, de fabriquer une liqueur selon la recette de la tante Bégon qui l’éleva. Ce fut un triomphe dans tout le pays et l’abbaye prospéra à nouveau. Mais il y avait un hic, si l’on peut dire. Car le père Gaucher, cette liqueur il devait la goûter. Et on l’entendait entonner dans sa distillerie ou en pleine messe les chansons d’après boire de la tante Bégon, comme :

Dans Paris, il y a un Père blanc,
Patatin, patatan, tarabin, taraban…

ou encore

Ce sont trois petites commères, qui parlent de faire un banquet…

et

Bergerette de maître André s’en va-t-au bois seulette…

Désespéré, craignant d’être damné, il voulu cesser son office, mais les bons pères l’en dissuadèrent :

« nous réciterons à votre intention l’oraison de saint Augustin, à laquelle l’indulgence plénière est attachée… Avec cela, quoi qu’il arrive, vous êtes à couvert… C’est l’absolution pendant le pêché.« 

Et, sans en demander davantage, le Père Gaucher retourna à ses alambics, aussi léger qu’une alouette.

Effectivement, à partir de ce moment-là, tous les soirs, à la fin des complies, l’officiant ne manquait jamais de dire :

— Prions pour notre pauvre Père Gaucher, qui sacrifie son âme aux intérêts de la communauté… Oremus Domine…

Et pendant que sur toutes ces capuches blanches, prosternées dans l’ombre des nefs, l’oraison courait en frémissant comme une petite bise sur la neige, là-bas, tout au bout du couvent, derrière le vitrage enflammé de la distillerie, on entendait le père Gaucher qui chantait à tue-tête :


Dans Paris il y a un Père blanc,
Patatin, patatan, taraban, tarabin ;
Dans Paris il y a un Père blanc
Qui fait danser des moinettes,
Trin, trin, trin, dans un jardin ;
Qui fait danser des…

 

… Ici le bon curé s’arrêta plein d’épouvante :

— Miséricorde ! si mes paroissiens m’entendaient !

NB : on n’a pas trouvé trace de la chanson des pères blancs ni de la bergerette de maître André. Par contre celle des trois commères renvoit à des chansons anciennes comme les las tres coumayretos (ci-dessous en VF) trouvée sur le site Culture et mémoire de bernard cauhapé que l’on remercie ici, et où l’on trouvera aussi la version béarnaise !

Il y avait trois petites commères
Qui voulaient faire un banquet
Ladira-dirette, ladira
Qui voulaient faire un banquet,
Tire la cheville, buvons..

Elles vont de porte en porte,
Demander le prix du vin.

A quatre sous Bernard le donne,
Mathieu le donne pour trois.

Se mettent à table à celui de quatre,
Il est meilleur que celui de trois.

L’une va remplir la gourde,
Qui tenait quatre petites chopes.

L’autre apporte une tranche,
La moitié de son cochon.

La troisième a belle miche,
Plus épaisse que la main.

Elles boivent et reboivent,
Et se saoulent toutes trois.

Elles chantent elles dansent,
Non sans faire quelque vent.

Les maris viennent les chercher,
Et hop là, à coup de fouet.

L’une tombe sous la table,
L’autre choit le long du mur.

Celle qui semblait moins saoule,
En travers s’étend dans le feu.

Dieu merci ! Clame alors son homme,
Belle bûche nous avons au feu.

Voilà qui réveille le souvenir de Watriquet de Couving et son dit des trois dames de Paris…

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