Virée belge

C’est par les Ardennes que nous commencerons cette petite virée ; le hasard des itinéraires nous fait passer par Treignes, un village qui compte 4 musées pour 650 habitants… Sur la place de Treignes, village jumelé à Quincié en Beaujolais, une curieuse sculpture y évoque Toine, obèse ardennais… un héros local imaginé par Arthur Masson.

(Œuvres de l’artiste belge Claude Rahir, les trois statues de bronze évoquent les héros principaux de la Toinade : Toine Culot, Hilde son épouse, et le cousin T. Déome.)

C’est un bon début : avec nos amis belges, l’humour et le bonne humeur ne sont jamais loin.

Descendant la Meuse, la route nous mène à Dinant, où l’on fait des couques, biscuits très durs faits de farine et de miel, que l’on décline sous toutes les formes comme ici cette belle grappe.

Un peu plus loin Namur, capitale régionale, est une jolie ville accueillante où le dessinateur, caricaturiste, peintre, illustrateur, graveur Félicien Rops (1833-1898), l’enfant du pays, jouit d’un musée qui lui est consacré. Il y avait de quoi faire pour les lecteurs du Bon Clos.

le gandin ivre, gravure d’Albert Bertrand d’après un dessin de Rops
Bouge à matelots, pastel pierre noire et sanguine 1875
La chanson de Chérubin (in cent légers croquis, dessin sur papier, vers 1880)
Le 4ème verre de cognac (gravure, 1880)

Le regard de cette buveuse d’absinthe est saisissant

Que sert à boire cette cantinière du pilotage ?

La Cantinière du pilotage, 1876,
huile sur toile, 32 x 21 cm.

Voici aussi une illustration de illustration de la légende d’Ulenspiegel de Ch. de Coster

Bon buveur vidant les pots rien qu’en les regardant

En 1853, âgé donc de 20 ans, Rops collabora, sous le nom de Duverger, au journal estudiantin « Le Crocodile ».

On peut y lire en premiere page la marche crocodilienne signée (attribuée à ?) Victor Hugo, dont on retiendra le motto

« Mon verre est tout rempli de liqueur parfumée,
Et ma pipe vomit des torrents de fumée »

et ce couplet :
Quand dix mille buveurs viennent au son du cor,
Il leur répond ; il boit, et son souffle farouche
Aspire à plein gosier les verres qu’il embouche.
On roule sous la table ; lui seul sent son essor
Qui croît. Pour rafraîchir sa figure écarlate,
Il pousse Chlodomir qui se lasse, et le flatte
Pour qu’il lui serve à boire encor !

Si ce n’est pas du Hugo, ça lui ressemble !

Avec le peintre surréaliste Paul Delvaux, passionné par les trains et les nus, exposé à Liège à la Boverie, on a été moins chanceux. Voici son banquet des philosophes, décor pour la maison du président de la Sabena  Gilbert Périer.

On se rattrapera au Musée des Beaux-Arts d’Anvers, où l’on tombera sur Silène endormi (vu il y a un bail), sculpture de François Duquesnoy (voir cette note sur quelques oeuvres inédites d’icelui).

Le sommeil de Silene de François Duquesnoy

On va croiser les 4 saisons (l’automne) d’Abel Grimmer (1607) : taille, vendange, foulage et transport des fûts.

et puis aussi ce joueur de cartes

joueurs de cartes (détail) de Theodor Rombouts (1597-1637) 

La mort est féroce et rapide, de Joos Craesbeeck (1649), présente ce rare squelette bachique

Curieuse, cette inscription en bas à droite du tableau

Remercions Daniel Cunin, écrivain et traducteur littéraire néerlandophone que les lecteurs du Bon Clos ont déjà rencontré, qui nous a fait parvenir cette traduction littérale :
La mort est cruelle et rapide
Gardez-vous des péchés, ainsi vous agissez bien.
Ne calomniez personne de sorte que Dieu ne vous rende pas la pareille.
Et ne prenez à personne ce qui lui appartient afin de garder ce qui est à vous.

Cette « Vénus frigida« , que vient réchauffer Bacchus, semble bien transie

Venus frigida, Rubens (1614)

On retrouve Bacchus convive au mariage de Thétis et Pelée, de Frans Floris (1550)

Voici une »scène de bordel » vue par Joachim Beuckelaer (1563)

Joachim Beuckelaer, scène de bordel (1563), détail

et, dans le même genre, une scène de taverne qui aurait pu porter le même titre, de Jan van Amstel (1200-1550 ca.)

où l’on ne fait pas qu’y boire

Plus proche de nous, nous voici au bar de la vieille auberge, la maison des pilotes (De Braekeleer, 1877)

Et l’on termine cette visite du Musée des Beaux-Arts d’Anvers, comme on l’avait commencé, avec le sommeil d’un buveur à l’auberge rouge (1894) de Charles Mertens.

Ne quittons pas le Musée, sans un regard sur la vinothèque qui peut contenir près d’un millier de bouteilles.

Ces porte-bouteilles pourraient servir

Et combien de chopes dans cette taverne de Bruxelles ?

le Mainz

Trinquons y avec le Chat de Geluck, un familier du Bon Clos

Concluons cette tournée en allant humer l’air marin d’Ostende. Son Mu.Zee présente un aperçu des arts visuels belges de 1860 à nos jours.

Alice Frey (1895-1981) a peint ce Bal du Rat Mort en 1964.

(Le bal du rat mort, du nom d’un ancien cabaret de Pigalle, est un bal masqué et costumé organisé annuellement à des fins philanthropiques à Ostende depuis 1898.)

Annonce du premier Bal du Rat mort (1898)

Allez, un dernier verre (en bas à droite) avec Paul Joostens (1889-1960) et son caleidoscope (1935), une vision breughelienne moderne…

surréalisme

« Plus personne n’ignore qu’il n’y a pas de peinture surréaliste », écrivit en 1925 Pierre Naville, alors codirecteur de la revue La Révolution surréaliste. Le lendemain il en était exclu par André Breton. Ah mais !

On pourra s’en faire une idée en visitant l’exposition « Surréalisme » au Centre Pompidou (jusqu’au 13 janvier 2025).
De Magritte nous connaissons les bouteilles vues à Bruxelles. Qu’allions nous découvrir ? On se contentera de ce verre à pied.


Max Ernst est un des plus prolifiques. Il a réalisé un nombre impressionnant de collages à partir d’illustrations d’époque, comme ce « wagon engourdi« , où le temps semble s’être arrêté, qui nous rappelle le temps béni des wagons-restaurants

et cette immaculée conception manquée ou trône un improbable balthazar

Cette bagarre à coup de bouteilles nous rappelle qu’une bouteille peut être une arme ; et que fait la police ?

Ce cadavre exquis est une oeuvre collective d’ ‘André Breton, Marcel Duhamel, Max Morise et Yves Tanguy (collage sur papier, 1928)

Voici enfin l’été de la Saint-Michel, une peinture de Pierre Roy, « ( le plus grand méconnu du surréalisme « d’après Aragon), qui prend plaisir au jeu du trompe l’oeil et l’esprit.

Extrait de l’analyse de la conservatrice Angela Lampe : « elle fonctionne sur le choc poétique provoqué par le rapprochement incongru d’objets quotidiens, dont le rapport d’échelle est souvent inversé. La rencontre, dans l’embrasure d’un faux cadre de bois et devant un grand paysage de plaine, d’un verre de vin monumental et d’un château miniature est l’un de ses motifs de prédilection« 

Le chateau serait celui de Villebon en Eure-et-Loire, selon André Deyrieux (voir son article : Le vin, passager clandestin du surréalisme (2/2))

Rendons justice à ce peintre, voici quelques images trouvées ça et là sur le Net.

Ces bouteilles coiffées de bonnets bretons semblent en conciliabule

(c) DACS/ADAGP; Supplied by The Public Catalogue Foundation
Autoportrait de Pierre Roy (1880-1950)

Touche à tout, Pierre Roy a collecté des comptines d’enfants qu’il a illustrées. L’ouvrage « cent comptines » a été édité en 1926. En voici une qui nous plait bien : mesdames, versez-nous du vin, tout plein ! (Ca se chante sur l’air d‘au clair de la lune)

Voici notre homme un verre à la main (Merci au Surrealist Digest pour cette photo), bienvenue au Bon Clos, Pierre Roy !

En noir et blanc et en couleurs

Deux expositions où l’on se presse en ce moment au Petit Palais, sur l’art de la gravure (Trésors en noir et blanc) et le Paris de la modernité.

Dürer, Callot, Rembrandt, et bien d’autres. Impressionnante galerie de gravures, où l’on distingue cette estampe de Francisco de Goya, Los Duendecitos, qui représente trois « petits lutins » buveurs de vin, caricatures de moines goulus.

Elle fait partie de la série des caprichos, 80 gravures moquant la société espagnole de la fin du 18ème siècle, dont est extraite aussi celle-ci (Nadie nos ha visto= personne ne nous a vus) où l’on voit des moines se gobergeant verre en main :

Cette photo en noir blanc du danseur étoile des Ballets russes Nijinski portant une grappe de raisin fera la transition avec le Paris de la modernité.

Ce « banquet de Braque » de Maria Vassilieff aurait pu faire aussi la transition. Il commémore le banquet offert en l’honneur de Braque et Matisse, rentrant du front, blessés, en 1917.

A côté de l’auteure, découpant la dinde, Matisse, Blaise Cendrars qui a perdu un bras, Georges et Marcelle Braque, en face de Picasso(en double exemplaire ?) etc. et Modigliani debout qui vient faire un esclandre à son ex, Beatrice Hastings…

Autre gloire de l’époque, le brésilien Santos Dumont, pionnier de l’aviation, invite à s’envoyer en l’air avec Bénédictine.

S’il fallait monter dans les nues pour boire de la Bénédictine, il y a longtemps que le problème de la locomotion aérienne serait résolu, nous dit-il.

Voici enfin une scène festive de grande taille (près de 3 m sur 4). On y boit, on y joue de la musique et on y danse. C’est la danse du pan-pan au Monico (un ancien cabaret de la place Pigalle) de Gino Severini (vers 1911). Un tourbillon !

Expos parisiennes etc.

Pas grand chose à se mettre sous la dent, mais quand même quelques rencontres intéressantes cet automne.
Commençons par Art Shopping, salon rituel où l’on vient du bout du monde pour exposer et peut-être vendre.

Nous y avons croisé l’uruguayenne Francesca Dito, peintre et sommelière, dont l’art est intimement lié à la vigne et au vin. Sa famille, d’origine italienne, cultive la vigne et produit du vin dans la région de Canelones. Un assemblage de cépages originaires d’Italie, d’Espagne et de France (parmi lesquels le Tannat, aujourd’hui cépage emblématique de l’Uruguay) porte son nom…

visite des vignobles et des régions viticoles I et II (recorriendo regiones de viñas y de vino)

Pour les amateurs, voici d’autres oeuvres intéressantes exposées récemment en Uruguay.

Nous y avons aussi vu cette toile colorée et exubérante de la Norvégienne Anne Margrethe (Bjerkebro).

On ne peut pas rester indifférent devant cette oeuvre emblématique qui exprime la joie de vivre.
Voici Anne Margrethe (on pourra voir d’autres oeuvres sur FB)

+ (ajout tardif) : et puis voici quelques oeuvres d’Irit Rotrubin, photographe israélienne rencontrée au même Carrousel, qui en pince pour les lunettes mais s’intéresse aussi aux vignes et aux coupes !

Au Musée d’Art Moderne, ce sont ces « bouteilles dans l’atelier de Nicolas de Staël » qui ont attiré notre attention

Au Musée d’Orsay, cette vigne d’Auvers/Oise est un des 74 tableaux peints par Vincent Van Gogh du 20 mai au 27 juillet 1890, jour où il se suicide en pleins champs.

A deux pas, Louis Janmot, peintre qu’on pourrait qualifier de moraliste, représente en 1861 l’Orgie (Fusain et rehauts de gouache blanche sur papier) qu’il décrie dans son » Poème de l’âme« .

Joséphine Bindé, dans Beaux Arts Magazine, résume bien l’ambivalence de son art :
« D’un côté, ses scènes pastorales, ses envolées d’anges et ses allégories, certes gracieuses, suintent la morale religieuse et le conservatisme. De l’autre, certains de ses tableaux, hantés par l’incertitude, la mort et le vice, affichent des compositions d’une modernité ahurissante qui annoncent les grands surréalistes du XXe siècle. Tel est le fascinant paradoxe de l’exposition que consacre le musée d’Orsay au méconnu et surprenant Louis Janmot ! »

Voici pour terminer quelques vues prise à l‘hôtel Lutetia fraîchement rénové (2014-2018).

Cette fresque agreste d’Adrien Karbowsky, située au bar Joséphine (Baker) a nécessité plus 17 000 heures de travail à l’atelier de Ricou pour la dégager des couches de peinture sous lesquelles elle était ensevelie.

Voici quelques détails

Et l’on termine avec cette statue de Bacchus vue au parc de Saint-Cloud.

Au Salon art3f

Les parisiens pouvaient se rendre ce week-end à ce Salon itinérant qui est né il y a cinq ans à Mulhouse, en région des 3 frontières (3f !). Nous y avons fait quelques belles rencontres.

Tout d’abord Françoise Leblond, qui travaille à Vence, et s’intéresse aux chats.

canotiersElle fait partie de ces nombreux artistes sollicités par le domaine Puech Haut pour transformer ses barriques en oeuvres d’art, on s’en souvient. La voici avec une réplique en BIB.

francoiseleblond              Voici maintenant William Heneuy, un vrai amateur de verres et de vin, qui travaille à Andernos.

heneuyeffetvirevolteheneuyrougeclairheneuyrougesombreVoici encore des oeuvres de Stéphane Gisclard, qui affectionne l’ambiance des bars (présentées par la galerie Rustinoff-Guyot).

gisclardbuveusegisclardmatelotaubargisclardbuveusesaubargisclardmatelotetbuveusesaubarVirginie Mézan de Malartic habite Clamart. Elle aime à nous plonger dans un univers énigmatique.

virginiebuveurentailleur virginietablevide virginietchinNous avons déjà rencontré Fauve (alias Martine Dechavanne). Elle continue dans la même veine.

fauve3femmes

fauvecoupleXavier Marabout adore pastiche, parodie et autres détournements. Il travaille à Auray, dans le Morbihan.

maraboutchampagneIl faut voir ses fusions Hergé-Hopper !

Avant de partir, considérons avec nostalgie quelques vieilles bouteilles de la catalane Natalia Villanueva.

villanuevabotellas

 

Revoila Munch…

Il était l’an dernier de passage à la Pinacothèque, le voici au Musée d’Art Moderne du Centre Pompidou. Toujours pas de « lendemain de cuite » (the day after) mais un autoportrait aux bouteilles intéressant (il a peint des dizaines d’autoportraits, plus de 40 après 1900, « comme s’il voulait enregistrer l’effet du passage du temps », écrit son ami Stevensen)

autoportrait aux bouteilles (1938)

au bordel - zum sussen Madel (à la douce jeune fille)

Ces hôtes indésirables (vers 1935) viendraient-ils perturber des libations ?

PS pour les amateurs, la Galerie d’Olga présente plus de 200 toiles de Munch, parmi lesquels ce « mariage de bohémiens » (1925).

Ne quittons pas Beaubourg sans explorer le Musée d’Art Moderne qu’il héberge. Voici un curieux ensemble d’Henri Laurens.

bouteille et verre

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Lavinia

On ne présente pas  ce grand caviste de la Madeleine qui dispose notamment d’un espace restauration où les vins consommés sont disponibles au prix magasin. Ce qui ne veut pas dire qu’ils ne sont pas cher. Difficile de trouver une bouteille à moins de dix euro dans ce temple du luxe oenologique.

Soit dit en passant, Lavinia est le nom d’une Latine qui donna un fils à Enée (Silvius). Phonétiquement c’est la vigne en portugais (vinha), en italien (vigna)  en espagnol (viña). D’ailleurs Lavinia nous vient d’Espagne.

Chaque année leur catalogue commande une couverture à un artiste ; nous retrouvons quelques auteurs connus : Ben, Di Rosa, Boisrond onrt réalisé des oeuvres pour Puech Haut . Le bon clos a rassemblé ces couvertures pour ses lecteurs (elles sont visibles dans le magasin et dans le catalogue de l’année).

Les voici, en remontant le temps :

gordillo

 

Gordillo 2010

ben

Ben Vautier 2009 (déjà connu au bon clos)

adami

Valerio Adami (2008)

boisrond

François Boisrond (2007)

dirosa

hervé di rosa (2006)

erro

Erro 2005

arroyo

Eduardo Arroyo 2004

telemaque

Hervé Télémaque 2003

maza

Fernando Maza 2002

blasco

Elena Blasco 2001

ramos

Willy Ramos 2000

Picassos retrouvés

Toute la ville en parle : 271 oeuvres de Picasso ont refait surface mystérieusement, leur détenteur, ancien électricien du maître, est soupçonné de vol et recel pendant près de quarante années.

En voici deux qui nous concernent, d’autres peuvent être vues dans l’édition abonnés du Monde

Voici le commentaire du « journal de référence » pour cette « nature morte verre »

Nature morte, de 1913 ou 1914, ce papier collé exceptionnel réunit un paquet de tabac, un verre et une bouteille. Le tabac s’identifie grâce à la marque Le Nil et un fragment d’étiquette fiscale. Le verre à pied se voit par ses courbes et son ombre – un papier vert sombre. La bouteille est signalée par le mot vin, sa forme cylindrique et le dessin simplifié de son goulot, visible sur le fragment de toile à touches brunes et grises qui occupe la partie supérieure de l’ovale, un format fréquent chez Picasso dans cette période du cubisme.

naturemorte

nature morte au verre

naturemorteVIN

nature morte pipe et bouteille