Qui sait s’il y eut jadis une hostellerie de Clamart, ou si ce n’est qu’une invention ?
Nous l’avons trouvée mentionnée dans un ballet d’Antoine Boesset et René Bordier, donné en février 1626 pour le grand bal de la douairière de Billebahault,
(Le ballet de cour apparait à la fin du 16ème siècle à la cour de France ; dansé par les membres de la famille royale, les courtisans et quelques danseurs professionnels, il est constitué d’une suite d’entrées au cours desquelles les interprètes sont mis en valeur tour à tour).
ou encore « Maistre Galimathias pour le grand bal de la douairière de Billebahaut et de son Fanfan de Sotte-ville »
C’est une curieuse féerie qui met en scène les peuples du monde et leurs monarques : Atabalipa Roy de Cusco, Mahommet, le Grand Turc, les Baillis de Gruenland et de Frizeland, le Cacique et les Afriquains, le Grand Cam etc. tous joués par des seigneurs de la Cour.
Vient un groupe de Grenadins
Ballet des Grenadinslesquels estans bannis d’Espagne, comme Mahommetans, viennent courir la France comme vagabonds : S’ils ont esté chassez de leur pays, ils viennent chasser vos ennuis par la suitte de leur gentillesse ; leurs mulets de bagage parroissent chargez d’estuits & de drapeaux.
Apres le corps de leur Ballet arrive, qui consiste en vieilles porteuses d’enfans sur l’espaule,
en joueurs de Guiterres,
si merveilleux en leur art, que l’assemblée les admire, en danseurs de sarabandes,
dont la souplesse du corps, & la vistesse des pieds estonne les regardans ; & en bons chanteurs, qui enchantent les oreilles des assistans par la douceur des accens de leurs voix.
Mais ceste bande lasse de danser, mérite bien que l’hostellerie de Clamart leur soit ouverte, qu’ils y soient receuz, qu’on les repaisse, qu’ils se reposent, & le tout à crédit ; attendant le passe-port de leurs Majestez pour aller ailleurs : Aussi sont-ils benignement rencontrez par l’hoste & l’hostesse de Clamart,
Entrée de l’hoste et de l’hostesse de Clamartqui dansent en leur compagnie, les tenans pour compagnons avant que les cognoistre : mais gare la griffe, & que les Guiterres ne se changent en Harpes. chanson des grenadins
Pour flatter un peu les tristesses
Que nous donne un mauvais destin,
Nous beuvons & soir & matin
A la santé de nos maistresses.
Dedans Clamart tout nous oblige
A prendre du contentement;
Et dans ce beau lieu seulement
La mort du credit nous afflige.
Apres avoir vuidé nos verres,
Nous disons de bonnes chansons,
Pour charmer l’hoste & ses garçons
Avec nos voix, & nos guiterres.
Mais par musique, ny parolles
Ces gens là ne se gaignent plus;
Et n’ayment point le son des luths,
S’il n’est joinct au son des pistolles.
C’est en vain qu’à trousser bagage
Chácun de nous est diligent;
Sans des nippes, ou de l’argent,
Il faut demeurer là pour gage.
C’est alors qu’intervient « l’Hoste de la Ville de Clamar » :
Les divines Beautez viennent loger chez moy
Pour boire le Nectar, & manger l’Ambroisie,
Logez y donc Phillis, & ie iure ma foy,
Que ie ne veux de vous rien que la courtoisie.
suit cette chanson d’un Grenadin
On apprend sur operabaroque que cinq airs en sont conservés.
Une analyse du ballet a été publiée en 1829 dans la Revue de Paris, on en trouvera la substance là |