Que vaut une bouteille de vin de Clamart ?

Voila bien une question que l’on entend souvent.

Mais non, nos bouteilles de vins de confréries franciliennes ne sont pas à vendre, il s’agit d’un produit culturel produit en petite quantité et non commercialisable (à l’exception notable du vin de Suresnes qui fait cavalier seul en Ile-de-France).

Bien sûr on peut en offrir exceptionnellement en échange d’une « donation ». Mais que vaut vraiment une bouteille de vin de Clamart ?

Plusieurs paramètres entrent ici en ligne de compte : la valeur gustative, la rareté, la réputation, l’état  de l’acheteur…

Ainsi lors de ventes aux enchères on a pu voir s’envoler des bouteilles jusqu’à plusieurs dizaines d’euro.

Un document récemment découvert, et porté à notre connaissance par l‘association des Amis de Clamart, que les lecteurs du bon clos connaissent bien, peut éclairer notre lanterne.

Il s’agit d’un acte d’attestation, datant du 12 août 1675.

ACTE D’ATTESTATION DU 12 AOUST 1675
Pour justifier du prix des vins     par henry Berthelot et Vinssant Leriche
Ce jour dhuy douziesme Jour daoust mil six cent soixante et quinze sont comparus par devant moy  Martin Puthomme nottaire au Chatellet de Paris et garde du petit scel, greffier et tabellion en la prévosté de Clamard, soubsigné :  henry Berthellot marchand boucher demeurant à Clamard et Jean Couré l’aisné vigneron demeurant audit lieu.
Tous deux fermiers des dismes bleds et vins de la paroisse de Clamard, en l’année mil six cent soixante et douze, et Vincent Le Riche cy devant greffier au baillage de Meudon y demeurant.
Lesquels ont attesté et affirmé en leur conscience que les vins du cru de Clamard et Meudon ont valu de depuis dix sept livres le moindre, jusque a vingt quatre le meilleur pour en avoir lesdits Berthellot et Couré ; celuy qu’ils ont  recueilli, tant de leur avis que de toutes dismes, la somme de vingt deux livres le muid.
Ont afirmé veritable par devant moy tabellion soubsigné quy ay délivré le présent certifficat au Sieur dallaise du moistié, pour luy servir et valloir ce que de raison.
Approuvé Martin Puthomme en presence de Jean Puthomme et de messire Leonard Lionet, tesmoings qui ont signé et ledit gouré a déclaré ne scavoir escrire ny signer, de ce, interpellé pour satisfaire a la nouvelle ordonnance , et demeure ledit Jean Puthomme audit Clamard et ledit Lionet a Paris rue d’Orléans paroisse St Eustache.

Nous lisons bien : de 17 à 24 livres le muid (un muid correspondait à 268,220 litres (huit pieds cubes) à Paris au 17ème siècle). Soit 0,063  à 0,09 livre le litre.

Deux questions peuvent se poser : Comment se situait ce vin par rapport à ses contemporains ? Et combien vaudrait-il en euro d’aujourd’hui ?

Sur le site http://www.history.ubc.ca obligeamment recommandé par l’amie historienne Sabine, on peut trouver des données comparatives, par exemple :

– en 1601, le prix du litre de vin à Paris était de … 0,063 livre de Paris par litre.

(source : Georges D’Avenel, Histoire économique de la propriété, des salaires, des denrées et de tous les prix en général depuis l’an 1200 jusqu’en l’an 1800 par le vicomte G. d’Avenel, 7 vols. (Paris, 1894-1926; reprint, New York, 1968-69), 4: 181-241.)

Si l’on se réfère à l’étalon argent, la livre tournoi avait perdu environ 1/3 de sa valeur entre 1601 et 1675 (voir le tableau de référence sur www.histoirepassion.eu). Ce chiffre peut donc être réévalué à 0,095 livre 1675.

Il y a par ailleurs de nombreuses incertitudes car le prix du vin fluctuait en fonction des récoltes…

– En 1675 en Avignon,le prix du litre était de 0,036 livre (il en valait 0,038 en 1601)

(source : René Baehrel, Une croissance: La basse provence rurale de la fin du XVIe siècle à 1789, 2 vols (Paris, 1961; reedition, 1988), 1: 560 )

– En revanche, certains grands crus du Bordelais se négociaient à des prix nettement plus élevés : ainsi le tonneau de margaux ou de latour (225 litres) pouvait valoir 2400 livres en 1784 (soit 1500 livres de 1675 compte tenu de l’inflation, il n’en reste pas moins, nous sommes dans un rapport de un à cent, n’est-ce pas comme aujourd’hui ?)

(source : La France d’Ancien Régime: Textes et documents, 1484-1789)

Mais que valait une livre eu euro d’aujourd’hui ?

Vaste problème. Le site histoire.passion.eu propose plusieurs méthodes pour l’estimer : par rapport à l’étalon argent  ; par rapport au prix d’un produit « courant » (comme une douzaine d’oeufs, ou une berline) ; par rapport au revenu horaire d’un ouvrier… Nous ne tomberos pas dans ce marécage. Si l’on s’en tient à l’étalon argent : une « livre tournoi » valait 2,1 à 2,37 euro . Soit un prix au litre de vin de Clamart de 0,14 à 0,2 euro.

Ce prix est à rapprocher de celui du vin en vrac actuel, tel que présenté par Franceagrimer pour novembre 2012 : 73 euro l’hecto, soit 0,73 le litre de vin IGP rouge ou rosé (0,84 pour le blanc, 0,60 pour le vin sans IG)

On l’aura compris, en ces temps reculés, à l’aune d’aujourd’hui, le vin de Clamart et de Meudon ne valait pas tripette… Ce devait être un vin honnête, courant, comme les gros bataillons des 30 millions d’hectolitres que produisaient  2 à 3 millions de vignerons au 18ème siècle

(cf. l’article de Lucien Fèbvre sur l’ouvrage de Camille-Ernest Labrousse paru dans Annales, Economies, Sociétés, Civilasations, 1947, vol.2, pp 281-287)

Et nous ne sommes guère plus avancés pour répondre à la question-titre !

 

 

 

 

 

 

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