Vous avez dit 75cl ?

Pourquoi les bouteilles de vin ont-elles une capacité de 75 centilitres ? Voila une question qui « fait le buzz », comme on dit, et auxquelles les réponses les plus folles sont apportées.

C’est à cause de la capacité respiratoire des souffleurs de verre,  dit-l’un.

C’est dans un but prophylactique, en référence au psaume 75 de David, dit l’autre.

Ne dit-il pas (verset 9) :

Il y a dans la main de l’Éternel une coupe,
Où fermente un vin plein de mélange,
Et il en verse:
Tous les méchants de la terre sucent, boivent jusqu’à la lie..

C’est parce que la France est un pays centralisé, a-t-on entendu dire aussi. Paris a imposé son numéro départemental, 75, Lyon défendant son pot (69 cl ?) et Bordeaux sa fillette (33).

Allons donc, la réponse est bien plus simple. Mais d’abord, pourquoi ce buzz ?

Le bon clos est allé enquêter, voici ses constatations.
Le 16 mars 2005, lors de la présentation au Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux de leur étude sur l’histoire de la bouteille bordelaise, deux retraités de Saint-Gobain, MM. Dominique Dabas et André Orsini, se sont trouvés confrontés à une question imprévue : pourquoi 75 cl ?

 Trois ans plus tard, le 14 décembre 2008, ils publiaient dans la revue Verre de l »Institut du Verre une réponse circonstanciée que l’on ne peut qu’inciter nos lecteurs à consulter sur le site de l’Amicale des Retraités du Groupe Saint-Gobain. En résumé : à partir du 17ème siècle, la capacité des bouteilles de verre a longtemps varié, d’une part parce qu’une fabrication uniforme n’était pas possible techniquement, d’autre part en raison des multiples coutumes et spécificités régionales.

En Bordelais, l’export vers les pays anglo-saxons a privilégié la contenance du « quart populaire » anglais, soit un peu plus de 75 cl. Mais les capacités sont différentes ailleurs.
Une réglementation nationale commence à se mettre en place au 19e siècle avec la loi de 1866 qui indique, pour la champenoise et la bourguignonne, le chiffre ras bord de 80 cl, et pour la bordelaise de 75 cl.
Ce n’est qu’au 20ème siècle en particulier avec le décret de 1963 que la contenance de 75 cl en liquide (hors bouchon) s’est imposée presque partout pour toutes les bouteilles…

On trouvera sur le site du Musée de la Sommellerie Française une très intéressante chronologie  de l’histoire de la bouteille.
Et pour les passionnés, nous recommandons l’étude d’Olive R. Jones,

les bouteilles à vin et à bière cylindriques anglaises 1735-1850

accessible sur le site de la Society for Historical Archaelogy.

C’est un travail très sérieux. Par l’examen de 211 bouteilles anciennes cachetées et datées, et de 127 bouteilles entières non datées, l’auteur a mis au point une formule permettant d’estimer la capacité d’une bouteille, et trois formules permettant d’estimer la date approximative de fabrication des bouteilles, tessons de col et tessons de cul. Les pages 115 et suivantes traitent de la capacité. La clé de notre problème s’y trouve:

« Le gallon à vin de la reine Anne, légalisé en en 1706 et dont la capacité est de 231 pouces cubes (soit 3,7854 l), est apparemment destinée à mesurer le vin, le cidre, les spiritueux etc. [… ]
De nombreuses pintes sont reconnues officiellement, mais « Une pinte jouit d’une grande popularité,  non seulement en Angleterre mais aussi en Europe. Cette pinte, qui contient 757 cl, est encore utilisée de nos jours dans sa version moderne de 750 ml. »
La désignation « reputed quart » a été retracée jusqu’en 1824 pour qualifier cette pinte.

Et comme avec les anglais rien n’est simple,

« cinq bouteilles réputées mesurer une pinte doivent être considérées comme équivalentes à un gallon ». (et en effet, 5*0,757=3,785).

En 1824 un nouveau gallon, le gallon impérial, pesant exactement dix livres, est défini. Sa capacité est de 277,42 pouce cube, soit de 4,5461 l. Maintenant ce ne sont plus cinq mais six« reputed quart » qui font un gallon impérial (6*0,757=4,542)

 

 

 

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