Voici encore une de ces oeuvres d’un jour du prolifique Offenbach, vite écrites, à peine jouées, déjà oubliées.

Curieusement, le seul article de wikipedia sur Luc et Lucette est en tchèque !
Luc et Lucette est une opérette pastorale, nous dit son biographe Jean-Claude Yon, jouée un soir de mai 1854 salle Herz, au cours de laquelle le maître, au violoncelle, avait régalé l’assistance des ses fantaisies et d’une « Hexentanz » (Danse des sorcières,« d’une bizarrerie indescriptible : on dirait une musique de colibri, jouée avec un cure-dent » selon le journaliste Jules Lovy). On aurait bien aimé voir ça !
L’infatigable Jean-Christophe Keck, qui explore depuis des années les archives du maître détenues par certains de ses descendants, a réussi à mettre la main sur cette oeuvre. Le livret est en ligne et nous y avons trouvé cet échange entre les deux protagonistes (un jeune homme et une jeune fille qui se retrouvent dans une même chambre et vont tomber amoureux… ils s’apprêtent à partager un repas).
(Ci-dessous les interprètes, Auguste-Alphonse Meillet et son épouse Marie-Stéphanie)


Ensemble.
A table ! quel brillant festin
Et quelle joyeuse bombance !
A table ! le verre à la main,
Tous deux nous ferons connaissance !
Lucette (lui offrant du vin).
Buvez soudain
Un peu de vin.
Luc (retirant son verre).
Non, pas de vin,
De l’eau tout plein !
Lucette.
Pourtant le vin
Ҫa vous ranime.
Luc.
Jamais de vin !
C’est ma maxime.
Ensemble.
Le vin, le vin Le vin, le vin
Nous met en train ! Met trop en train
Buvez du vin ! Jamais de vin !
Luc.
Au vin, j’en conviens, je préfère,
Qu’il soit vieux ou qu’il soit nouveau
Un verre de belle eau bien claire
Ҫa ne porte pas au cerveau.
Ensemble. Luc. Lucette.
Oui, j’aime l’eau ! Il aime l’eau !
Lucette.
De ce goût-là, moi, je m’étonne.
Chez nous soit jeunes ou vieillards,
Je ne le connais à personne
Ah ! si vraiment, à nos canards !
Ensemble. Luc. Lucette.
A vos canards ! A nos canards !
Lucette.
Allons, c’est moi qui vous en prie …
A ce nectar goûtez un peu.
Luc.
Non, non ! (à part) son regard m’incendie
De l’eau pour éteindre le feu !
Ensemble. Luc. Lucette.
Au feu ! au feu ! Goûtez un peu.
—
Ensemble. Luc. Lucette.
Le vin, le vin Le vin, le vin
Met trop en train Vous met en train,
A bas le vin ! Vive le vin.
Quel air pour chanter cela ? Il se trouve peut-être dans cet extrait de l ‘ouverture ?
C’est un peu frustrant. Accordons nous une petite consolation en écoutant Pierre Perret et son cul à lucette dont le titre un peu vulgaire ne doit pas occulter la grande sensibilité.
Le même document mis en ligne par le même Jean-Christophe Keck recèle une autre pépite bien cachée au sein d’une saynète jouée en 1855 aux Bouffes Parisiens, le Rêve d’une nuit d’été. Deux Englishmen, Master John et Captain Frog, en goguette a Paris courtisent Rosita… Ils vont boire du champagne…
Chanson.
Rosita.
Vin charmant dans ce cristal
Vin sans pareil !
John.
Sans égal
Grog.
Oh ! yes encor mioux que sans égal
Rosita.
Son mérite est bien goûté
C’est la gaité !
John.
La gaité !
Grog.
Biouvons la gaité !
Rosita.
Vin joyeux ! on choisit
Même parmi les meilleurs crus d’Espagne
Vin joyeux on choisit
Pour raviver le plaisir
Un semblable élixir !
John.
Oh ! Très bien ! c’est le vin !
Rosita.
C’est le vin des amours
Grog.
O ! Très bien ! very good ! le bon vin
Very good ! Very good ! etc.
Rosita.
Sans le champagne
Qui battrait gaiment la Campagne
Sans le champagne
Qui donc pourrait rire toujours !
Ensemble. Rosita, John et Grog.
Sans le champagne ! Very good ! very good !
John.
Haow ! que c’était jôli !
Grog.
Oh ! mademoiselle Miousette encor une petite paragraphe !
Rosita.
Jus divin que l’homme fait
Seul vrai nectar !
John.
Très parfait !
Grog.
Oh ! yes encor plous que très parfait !
Rosita.
Brûle, éteins notre raison
Comme un poison.
John.
Ioun poison !
Grog.
Biouvons le poison !
Rosita.
Philtre aimé des amours
Porte nous au pays de cocagne
Philtre aimé des amours
Abrégerais-tu nos jours
Je te boirai toujours.
John.
Oh ! Très bien ! c’est le vin !
Rosita.
C’est le vin des amours !
Grog.
Oh ! Très bien ! very good ! le bon vin
Very good ! very good ! etc.
Rosita.
Sans le champagne
Qui battrait gaiment la campagne
Sans le champagne
Qui donc pourrait rire toujours
Ensemble. Rosita, John et Grog.
Sans le champagne Very good, very good
Et l’air ? A trouver dans l’ouverture !