Qui se souvient des arts incohérents ? Menés par Jules Lévy, un groupe d’artistes et d’humoristes pavoisa sous cette bannière dans les années 1880. Parmi eux Alphonse Allais (auteur du mémorable Récolte de la tomate sur les bords de la Mer Rouge par des cardinaux apoplectiques) , Caran d’Ache, Jules Chéret, Toulouse-Lautrec (sous le pseudonyme de Tolav Segroeg) pour ne citer que les plus connus, anciens des Hydropathes, descendants des Fumistes et adeptes du Chat Noir. On les découvrira là.
(On n’est pas loin de Dada et des Surréalistes, « qui ont employé à des fins de désacralisation et de provocation un arsenal dont nombre de ressources leur sont communes. Le rire, arme privilégié, a pourtant changé de couleur au tournant du siècle. Les incohérents rient contre l’art avec le public, Dada rit contre l’art et contre le public… », a-t-on pu dire)
On organisa des expositions, des bals, des sorties. Ainsi
extrait du courrier français, 12 mars 1885
Il n’en fallait pas plus pour titiller notre curiosité. Où était donc ce « restaurant Ancelin » où en mai 1884, un groupe d’artistes « incohérents » en promenade à Clamart notre bonne ville,vint dîner ?
Les Incohérents à Clamart en 1884, photo publiée dans la Gazette des Beaux-Arts par Philippe-Robert Jones en 1958.
Jules Lévy porte un cor de chasse autour du cou.
L’enquête fut menée rondement et l’on découvrit, dans la base généalogique de M.Pierre Vesseron, l’existence de Louis-Marie Ancelin, restaurateur (également marchand de vin) né en 1851, résidant 28 rue de Sèvres à Clamart (aujourd’hui rue Paul-Vaillant Couturier). un siècle et demi plus tard, il y a toujours un restaurant au 28 !
Mieux. Ce Louis-Marie était l’arrière-arrière petit-fils du Claude Ancelin (que nous avons déjà rencontré) trouvé mort dans sa vigne de Clamart où il désirait être enterré, un matin de 1797, et vitupéré pour son irréligion par l’autorité ecclésiastique.
Le monde est petit !
NB. les arts Incohérents sont à la mode, d’aucuns y voyant les précurseurs d’un controversé « art contemporain » ; on pourra lire l’étude de Daniel Grojnowski : une avant-garde sans avancée, parue dans les Actes de la recherche en sciences sociales Année 1981 Volume 40 Numéro 1 pp. 73-8