Ce débat-là eut lieu il y a 500 ans au bas mot. C’est un certain Guillot qui l’a « rapporté » . Au 19ème siècele, Anatole de Montaiglon l’a mis en recueil parmi d’autres poésies françoises « morales, facétieuses, historiques » des XVème et XVIème siècles. On peut le lire en ligne là.
C’est un débat classique. Le laboureur reproche à la vigne la dureté des travaux et les aléas de la production. La vigne lui reproche son impiété et son inconstance. Et à la fin c’est la vigne qui gagne !
C’est le laboureur qui commence les hostilités :
« Viens ça, vieille torte, boiteuse…
Ton vin ne vaut pas la servoise…
Car il est de si mauvais goust…
Que c’est pur vers-jus de ton moust…
Tous les ans provigner te fault
Nettoyer et mettre echalatz
Tailler et lier et bas et hault
Tant que souventes fois suis las….
Sur quoi la vigne riposte :
Laboureur tu te plains à tort…
Se je porte du vin friant
Tu en bois autant qu’on t’en livre…
Quand tu en as trop beu tu jures…
Se Dieu te punit c’est rayson…
Se chargée suis de bon raisin
Bien meurs, doux et délicieux
Tu en feras plusieurs bons vins
Plaisans, frians et savoureux
Et c’est elle qui aura le dernier mot :
Prendre fault le temps comme il vient
Sans en faire autre mention
Se quelqu’adversité survient
louons Dieu de bonne affection…
Dans le même recueil on trouve cette curieuse recette pour guérir les ivrognes :
Se pour trop boire le lendemain
Vous tremble teste bras ou main
Avoir vous fault sans contredit
Du poil du chien qui vous mordit
On y trouve aussi le Serment fort joyeux de saint Raisin, qui reprend à sa façon la prescription de Caton :
Hoc bibe quot possis, Si vivere sanus tu vis
(Bois ce que tu peux, si tu veux vivre en bonne santé ; toute l’ambigüité est dans ce « peux » , qui peut vouloir dire ce « ce que tu peux supporter » -sans doute le sens qu’y met Caton, mais « bois tant que tu peux à planté » c’est à dire à satiété, « plenty » dirait-on en anglais, pour l’auteur de ce serment fort joyeux). Et il précise :
On ne fera ja grande chere / Qui n’aura de vin grant rivière…
Premierement beuvez matin / contre colle, contre frimatz
Boire au matin fait clère voix
Et de mettre à contribution Nostre Seigneur (Buvez du vin tous du meilleur/ ainsi que fit Nostre Seigneur), Saint-Martin (à laquelle feste on boict vin) et la doulce Vierge honneste (qu’elle vueille encore prier/ que vin nous veuille envoyer/ a grande largesse d’habondance/ par tout le royzume de France)
Dans un autre volume l’églogue sur le retour de Bacchus, de Calvi de La Fontaine, nous conte une dramatique histoire. Nous la rapporterons quelque jour.