Robert Doisneau fait partie de ces compagnons de route qui documentent nos souvenirs et nous rendent présentes les saisons enfuies. Une exposition assez complète de son oeuvre photographique se tient ces temps-ci au musée Maillol (jusqu’au 19/10 !).
Nous en avons rapporté quelques images qui devraient plaire aux lecteurs du Bon Clos : scènes de bistrot, buveurs… il y a quelques surprises. Merci, Doisneau, merci.
Comme cette photo de Sabine Azéma, portant un gilet joliment orné de grappes blanches (1985)
ou celle-ci d’Isabelle Huppert, se faisant servir un canon au bar, dans un café du Faubourg Saint Martin, en 1985 encore.
On découvre Antoine Blondin à Bercy, en 1987.
Remontons le temps, voici Jacques Prévert, au jardin public,
Plus loin encore, une joueuse d’accordéon, dans un bouillon de la rue Tiquetonne, en 1953
et ce « consommateur aux jambes croisées », saisi en 1951
Finissons avec le bien connu Coco, à la Belle Etoile, rue Xavier Privas (1952),
et, le reconnaitra-t-on ?
Orson Welles, en 1949 « aux chasseurs » (176 faubourg Saint Denis, aujourd’hui un resto indien).
« Comme un vol criard d’oiseaux en émoi, Tous mes souvenirs s’abattent sur moi«
Voici encore une opérette (en fait un opéra-bouffe) de Charles Lecocq (livret de Vanloo et Leterrier) qui recèle une chanson à boire intéressante, parce qu’elle nous parle d’une vieille coutume : le coup de l’étrier.
Elle fut créé à Paris en 1875 et connut un certain succès avec de nombreuses reprises, mais n’est plus guère jouée depuis un siècle.
. On trouvera sur le site Théâtre musical une description détaillée. En deux mots, une histoire de mari trompé, qui voudrait bien se venger de l’amant, à présent en instance de mariage, mais finit par pardonner…
Nous sommes au 16ème siècle en Italie. Des voyageurs sont attablés dans une relais de poste (c’était au temps des diligences), ils mangent et boivent, mais il faut faire vite car la voiture va partir..
mangeons vite, buvons vite la voiture va partir
Mais il est un usage auquel il faut se conformer avant de se mettre en voyage : c’est le coup de l’étrier, ce dernier verre que l’on boit avant de partir
il est un usage auquel il faut se conformer, dit l’hôtelière, avant de vous mettre en voyage.
le vin est vieux, encore un verre, encore un verre, le dernier… à la santé de l’hôtelière, buvons le coup de l’étrier, buvons, buvons…
nos aïeux avaient le raisin le plus doré de l’Italie cela fit un nectar divin que tout le monde nous envie…
En voici un enregistrement datant de 1963, par l’orchestre lyrique de la RTF sous la direction de Georges Derveaux, mise en scène d’Henri Spade. L’air est chanté au début du 1er acte (2’52) , la distribution est au générique.
Revenons au « coup de l’étrier ». L’expression remonterait au moins au temps de Louis XIII avec l’anecdote du maréchal de Bassompierre en 1625, rapportée par Alexandre Dumas après son voyage en Suisse en 1832 (En Suisse, chapitre 19) où il avait été surpris par une auberge à l’enseigne d’une botte :
Henri IV avait envoyé, en 1602, Bassompierre à Berne en qualité d’ambassadeur près des treize cantons pour renouveler avec eux l’alliance déjà jurée en 1582 entre Henri III et la fédération. Bassompierre, par la franchise de son caractère et la loyauté de ses relations, réussit à aplanir les difficultés de cette négociation, et à faire des Suisses des alliés et des amis fidèles de la France. Au moment de son départ, et comme il venait de monter à cheval à la porte de l’auberge, il vit s’avancer de son côté les treize députés des treize cantons, tenant chacun un énorme widercome à la main, et venant lui offrir le coup de l’étrier. Arrivés près de lui, ils l’entourèrent, levèrent ensemble les treize coupes, qui contenaient chacune la valeur d’une bouteille, et, portant unanimement un toast à la France, ils avalèrent la liqueur d’un seul trait. Bassompierre, étourdi d’une telle politesse, ne vit qu’un moyen de la leur rendre. Il appela son domestique, lui fit mettre pied à terre, lui ordonna de tirer sa botte, la prit par l’éperon, fit vider treize bouteilles de vin dans ce vase improvisé ; puis, la levant à son tour pour rendre le toast qu’il venait de recevoir : « Aux treize cantons ! » dit-il ; et il avala les treize bouteilles.
Une anecdote analogue est racontée en 1707 par Anne-Marguerite Du Noyer dans ses lettres historiques et galantes -pp 445 et suivantes- à propos du marquis de Léri, rentrant en France d’une ambassade à Cologne ; dans la même lettre est aussi rapporté le mariage fin soûl, avec .. sa maitresse, de ce grand buveur , « à l’insu de son plein gré » dirait-on aujourd’hui.
L’expression a fait florès. En voici quelques manifestations.
Le chansonnier berrichon Jean Rameau (1852-1931) a écrit plus de 300 chansons et s’est fait connaitre en en faisant de cartes postales. Ici, le coup de l’étrier.
Ma foué dame in ben p’tit coup d’vin Qui soit du Berry ou d’Touraine Dounn’va,sa m’guérira d’ma peine/Pourvu qu’on verre y soit tout plein
Encore dans le Berry, une illustration de la même époque
Dans les années 1920, un apéritif voit le jour près de Toulouse, dans les vignes du chateau de la Durante, à Auzeville Tolosane.
le chateau de la Durante
Poésies (Claude Pierre), pièces de théâtre (Marcel Dubé), photos, tableaux, sculptures (Picault, Gueyton) : le choix est large.
le coup de l’étrier photo Jules Girardet
le coup de l’étrier (Emile Picault 1833-1922)le coup de l’étrier (georges guettons)
Nous conclurons avec ce savoureux dessin d’anticipation de 1910 (Jean-Marc Côté, dessinateur présumé ; Villemard, lithographe).
Voir aussi l’article d’André Deyrieux sur le blog les 5 du vin : Quel verre pour le coup de l’étrier?
Ce mardi 17 juin, la Commune libre de Montmartre recevait dans le local de la commanderie du clos de Montmartre, « une ancienne fontaine à eau devenu « temple bachique » , curieuse bâtisse octogonale, de style néo-renaissance datant de 1835, entourée d’un jardin agrémenté de ceps de vignes.
Nous étions une bonne quarantaine, rassemblés autour de la présidente, Colette PRÉMESNIL, et du maire, Jean-Loup BOUVIER,
Au centre en veste rouge Colette, et Jean-Loup au micro
tout juste élu après le décès l’an passé de la regrettée Marielle-Frédérique Turpaud, maire depuis 1998. Mais l’heure n’était plus aux lamentations, bien plutôt aux libations, de beaujolais blanc et de pinot noir d’Auvergne , soutenues par un buffet de haute tenue charcutière.
Aux fourneaux Fred préparait son aligot
et faisait mijoter ses saucisses de Toulouse,
délaissant pour un soir son restaurant de la rue des acacias (le petit acacia 3, 47 rue des acacias (du côté de la place des ternes).
Que fêtait-on au juste ? L’été peut-être ? ou bien l’exposition de photos « bistrots et cafés de France », de Pierrick Bourgault et Pierre Josse sur les grilles au pied du Sacré Coeur ? En voici une :
Il semble de toute façon que chez ces gens là, dont la devise est : Pour ce qui est contre et Contre ce qui est Pour, on n’ait pas besoin de de raison pour faire la fête.
A la Halle des Blancs Manteaux, le coutumier Expo4art réunissait 90 artistes. 4 ont attiré notre attention.
Sig (Sigrid HUET) se plait à représenter les jeunes femmes d’origine africaine de la Réunion, communément (et positivement) appelées les Cafrines. En voici deux qui prennent du bon temps, un verre à la main.
Un peu plus loin c’est Carole Géniès, qui peint féminins, masculins, et esquisses.
Son motto : Capturer l’essence féminine, sublimer l’émotion, peindre l’âme. L’art comme un hommage à la femme. On en verra plus sur instagram.
Elle donne envie d’en savoir plus : la soirée a été chaude, les verres n’ont pas été vidés, que s’est-il passé ?
Et pour tous ceux et celles qui ont imaginé le pianocktail de l’Ecume des Jours, en voici une réalisation miniature en diorama. L’auteur ? Alain Pras, qui fut fabricant de maquettes industrielles et se plait maintenant à « mettre en volume une petite histoire teintée d’humour, un clin d’œil à l’art, un hommage aux artistes… »
Merci à tous pour ce bon moment !
Dans un tout autre registre, voici des stèles funéraires mégalithiques appelés balbal qui viennent du Kazakhstan. Le personnage masculin porte une coupe libatoire. Elles datent du 6ème siècle.
On pouvait les voir, exceptionnellement prêtés par les plus grands musées kazakhs, au musée Guimet (expo Kazakhstan, Trésors de la Grande Steppe).
Comme chaque année, nous sommes allés faire un tour au Carrousel du Louvre pour cette nouvelle édition de « l’art contemporain accessible » (entendons : à moins de 5000 euro). De taille plus réduite que les années précédentes, il y avait quand même quelques images à grappiller pour les amateurs du bon clos.
Tout d’abord, cette « Cène des Médecins », une huile du peintre chinois Cai Pingpei, installé à la Grande Chaumière depuis plus de 20 ans, la Cène des Médecins, sur un thème suggéré par la pandémie.
Cai Pingpei est aussi restaurateur. Son restaurant, le Mandarin Dunois, au 77 de cette rue du 13ème arrondissement de Paris, mérite sûrement une visite !
Voici aussi une scène onirique avec un verre, de l’artiste turque Gülay Hakgönül. Un homme (dans le verre), une femme (au pied du verre), une lune, un arbre, une mer, une île ? Cette symbolique reste à décrypter…
Et voici pour finir une jolie photo d’un verre de vin avec pour fond un glacier. Tchin !