la coupe du roi de thulé

Nous avons déjà croisé la route du roi de Thulé et de sa coupe, lors d’un concert au Musée de Cluny il y a une paire d’ans. Nous l’empruntons à nouveau, étant tombés par hasard sur une Légende du Nord en 10 chants, intitulée Le Roi de Thulé (musique de Jean Fragerolle, Poème de Desveaux Vérité) qui doit dater de 1908,

thulé1et dont le neuvième chant nous intéresse fort.

(le site ombres-et-silhouettes. nous informe que cette oeuvre pouvait être représentée sous forme de théâtre d’ombres)

thulé2Thulé est une île légendaire située quelque part en Islande ou aux alentours de la Norvège, dont on dit qu’elle fut découverte par Pytheas vers -330. Elle inspira Goethe, qui en 1774 écrivit Der König in Thule (le Roi de Thulé), qu’il incorporera dans Faust, et qui fut traduit par Nerval (voir en fin d’article)

L’histoire tient en peu de mots : sentant la mort venir, le Roi de Thulé jeta au flot la coupe d’or qu’il tenait de son amante disparue, et jamais ne devait plus boire.

Voici la partition du chant 9 de Fragerolle.

thulé3 thulé4

Ce poème inspira de nombreux musiciens et compositeurs comme Schubert, Berlioz, Liszt, Schuman, Gounod…

Voici une très belle version par Karl Friedrich Zelter, sur un air populaire (volkslied) dont nous ne connaissons pas l’auteur, illustrée d’images du film de Fritz Lang les Niebelungen.

Et voici la composition de Schubert (1816), chantée par Hermann Prey

Et voici l’air de Marguerite (la Callas) dans Faust de Gounod

et la version de Robert Schumann, par le choeur 43

et celle de Berlioz (la damnation de Faust, autrefois un roi de Thulé…) par Yvonne Minton

et celle de Liszt, par Vörös Szilvia

qui encore ?

On trouvera les traductions de Nerval ici et

Le poète Jules Laforgue en commit une version très personnelle et assez iconoclaste.Nous lui préférons la tendre expression de louise ackermann

Au vieux roi de Thulé sa maîtresse fidèle
Avait fait en mourant don d’une coupe d’or,
Unique souvenir qu’elle lui laissait d’elle,
Cher et dernier trésor.
Dans ce vase, présent d’une main adorée,
Le pauvre amant dès lors but à chaque festin.
La liqueur en passant par la coupe sacrée
Prenait un goût divin.
Et quand il y portait une lèvre attendrie,
Débordant de son cœur et voilant son regard,
Une larme humectait la paupière flétrie
Du noble et doux vieillard.
Il donna tous ses biens, sentant sa fin prochaine,
Hormis toi, gage aimé de ses amours éteints ;
Mais il n’attendit point que la Mort inhumaine
T’arrachât de ses mains.
Comme pour emporter une dernière ivresse.
Il te vida d’un trait, étouffant ses sanglots,
Puis, de son bras tremblant surmontant la faiblesse»
Te lança dans les flots.
D’un regard déjà trouble il te vit sous les ondes
T’enfoncer lentement pour ne plus remonter :
C’était tout le passé que dans les eaux profondes
Il venait de jeter.
Et son cœur, abîmé dans ses regrets suprêmes,
Subit sans la sentir l’atteinte du trépas.
En sa douleur ses yeux qui s’étaient clos d’eux-mêmes
Ne se rouvrirent pas.
Coupe des souvenirs, qu’une liqueur brûlante
Sous notre lèvre avide emplissait jusqu’au bord,
Qu’en nos derniers banquets d’une main défaillante
Nous soulevons encor,
Vase qui conservais la saveur immortelle
De tout ce qui nous fit rêver, souffrir, aimer.
L’œil qui t’a vu plonger sous la vague éternelle
N’a plus qu’à se fermer.
Louise Ackermann, Contes et poésies (1863)

 

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