Ballade et oraison

Villon est bien connu pour sa ballade des dames du temps jadis, chantée par Brassens, et pour celle des pendus (Frères humains qui après nous vivez…), qui nous parlent encore six siècles plus tard.

Cette ballade-ci est moins connue, mais devrait intéresser les lecteurs du bon clos.

Elle commence ainsi :

Père Noé, qui plantastes la vigne,

Vous aussi Loth qui beustes au rochier

… Archetriclin, qui bien sceutes cest art,

Tous trois vous pry qu’o vous vueillez perchier

L’ame du bon feu maistre Jehan Cotart.

(On l’aura compris, ce Jehan Cotart est un bon buveur. Villon convoque Noé, qui premier planta la vigne (mais qui s’enivra devant ses fils), Loth que ses filles enivrèrent, afin d’être fécondées par lui, et Architriclin = l’organisateur des festins = le nom que le moyen-âge a donné à l’époux des noces de cana (cf commentaire du testament par rychner et henry), afin qu’ils interviennent pour qu’on laisse entrer son ame au Paradis…

Jadis extraict il fut de votre ligne,

Luy qui beuvoit du meilleur et plus chier ;

…On ne luy sceut pot des mains arrachier ;

De bien boire oncques ne fut fetart.

Comme homme beu qui chancelle et trépigne

L’ay veu souvent, quant il s’alloit couchier,

Et une fois il se feist une bigne,

Bien m’en souvient, a l’estal d’un bouchier;

Bref on n’eust sceu en ce monde serchier

Meilleur pyon pour boire tost et tart.

Faictes entrer, quand vous orrez huchier

L’ame du bon feu maistre Jehan Cotart.


Prince il n’eust sceu jusqu’à terre crachier;

Tousjours crioit : « haro! la gorge m’art »

Et si ne sceust onq sa seuf estanchier,

L’ame du bon feu maistre Jehan Cotart.

Voir le texte intégral ici ou .

Brassens s’en inspira pour une chanson, jamais enregistrée par lui, que Maxime Le Forestier tira de l’oubli. C’est la Légion d’Honneur. La voici :

Voir la notule explicative publiée par analysebrassens, qui cite le Drageoir aux Epices de J.K.Huysmans (intégralement publié par libroveritas ):

Ô pauvre Villon, personne ne bouge!
Claque des dents, meurtris tes mains, guermente-toi, pleure d’angoisseux gémissements, tes amis ne t’écoutent pas; ils sont à la taverne, sous les tresteaux, ivres d’hypocras, crevés de mangeailles, inertes, débraillés, fétides, couchés les uns sur les autres, Frémin l’Etourdi sur le bon Jehan Cotard qui se rigole encore et remue les badigoinces, Michault Cul d’Oue sur ce gros lippu de Beaulde. Tes maîtresses se moquent bien de toi!

J-K Huysmans : À Maître François Villon, in Le Drageoir à Épices (fin du XIXème siècle).

Sacré Jean Cotard ! Six siècles plus tard, On parle encore de ce fêtard !

Mais qui était-il ?

Dans son  « grand testament », Villon le déclare « Mon procureur en Court d’Eglise ».

Le site « A l’enseigne des petits bonheurs » avance que « Ce Jehan Cothard est probablement le personnage qui est connu sous le nom de Jehan Cothard dans des registres de la Confrérie parisienne de Saint-Jacques-de-Compostelle »

« Jehan Cothard est inscrit comme doyen de la confrérie Saint Jacques en 1462 et 1463 (cf. Annie Saunier ; La Confrérie et les confrères de Saint Jacques de Paris, entre 1460 et 1523, d’après leur comptabilité ; Saint Jacques et la France ; actes du colloque international de la fondation Singer-Polignanc, sous la direction d’Adeline Rucquoi ; Cerf histoire) »

 

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