On savait les Gaulois amateurs de vin, dès avant mais surtout après la conquête romaine. Ne leur doit-on pas l’invention du tonneau (initalement pour la cervoise certes)?
Diodore de Sicile les décrivait ainsi :
» Aimant le vin jusqu’à l’excès, les Gaulois engloutissent pur celui que leur apportent les marchands; ils boivent avec une passion furieuse et se mettent hors d’eux-mêmes en s’enivrant jusqu’au sommeil ou à l’égarement. Aussi beaucoup de marchands italiens, poussés par leur cupidité habituelle, considèrent-ils comme un trésor le goût des Gaulois pour le vin. Ils l’apportent en bateau par les fleuves navigables ou en chariot par voie de terre et en touchent un prix incroyable: pour une amphore de vin, ils reçoivent un esclave, échangeant la boisson contre l’échanson. »
Mais qu’en est-il de ce fameux « chant des gaulois » (Gwin ar C’halloued), tiré du Barzaz-breiz, cette anthologie de chants populaires traditionnels bretons recueillis au 19ème siècle par le vicomte Théodore Hersart de la Villemarqué ?
Voila un chant bien martial qui retrace comment les anciens bretons concevaient la vendange… armée. Ne cultivant pas le vin sur leurs terres, il leur suffisait d’aller se servir chez leurs francs voisins, ainsi que le rapporte Grégoire de Tours.
« Aussitôt que revenait l’automne, ils (les Bretons) partaient, suivis de chariots et munis d’instruments de guerre et d’agriculture, pour la vendange armée.
Les raisins étaient encore sur pied, ils les cueillaient eux-mêmes.
Le vin était-il fait, ils l’emportaient.
S’ils étaient trop pressés ou surpris par les Francs, ils le buvaient sur place, puis emmenant captifs les vendangeurs, ils regagnaient joyeusement leurs bois et leurs marais ».
Les paroles françaises sont assez explicites…
Gwell eo gwin gwenn bar Na mouar ! Gwell eo gwin gwenn bar. |
Mieux vaut vin blanc de raisin que de mûre ! Mieux vaut vin blanc de raisin. |
Diskan Tan ! tan ! dir ! oh ! dir ! tan ! tan ! dir ha tan ! Tann ! tann ! tir ! ha tonn ! tonn ! tir ha tir ha tann ! |
Refrain Feu ! feu ! acier ! ô acier ! feu ! feu ! acier et feu ! Chêne ! chêne ! terre ! ô flots ! flots ! terre et chêne ! |
Gwell eo gwin nevez Oh ! na mez; Gwell eo gwin nevez. |
Mieux vaut vin nouveau que bière; mieux vaut vin nouveau. |
Gwell eo gwin a lufr Oh ! na kufr; Gwell eo gwin a lufr. |
Mieux vaut vin brillant qu’hydromel; mieux vaut vin brillant |
Gwell eo gwin ar Gall Nag aval; Gwell eo gwin ar Gall |
Mieux vaut vin de Gaulois que de pommes; mieux vaut vin de Gaulois |
Gall, d’id, kef ha deil D’id pez-teil ! Gall, d’id, kef ha deil |
Gaulois, ceps et feuille à toi, ô fumier ! Gaulois, ceps et feuille à toi ! |
Gwin gwenn, d’id, Breton A galon ! Gwin gwenn, d’id, Breton. |
Vin blanc, à toi, Breton de coeur ! Vin blanc, à toi, Breton ! |
Gwin ha goad a red Enn gefred; Gwin ha goad a red. |
Vin et sang coulent mêlés; vin et sang coulent. |
Gwin gwenn ha goad ruz Ha goad druz; Gwin gwenn ha goad ruz. |
Vin blanc et sang rouge, et sang gras; vin blanc et sang rouge. |
Goad ruz ha gwin gwenn Eunn aouen ! Goad ruz ha gwin gwenn. |
Sang rouge et vin blanc, une rivière ! Sang rouge et vin blanc. |
Goad ar C’hallaoued Eo a red; Goad ar C’hallaoued. |
C’est le sang des Gaulois qui coule; c’est le sang des Gaulois. |
Goad ha gwin eviz Er gwall vriz; Goad ha gwin eviz. |
J’ai bu sang et vin dans la rude mêlée; j’ai bu sang et vin. |
Gwin ha goad a vev Neb a ev; Gwin ha goad a vev. |
Vin et sang nourrissent qui en boit; vin et sang nourrissent. |
Autres temps autres moeurs, dira-t-on (O tempora O mores…). Il n’empêche… Pas très gentil pour les gaulois tout ça !
Le groupe breton Tri Yann en a fait un chant de lutte (victorieuse !) lors de la mobilisation contre l’installation d’une centrale nucléaire à Plogoff, dans les années 80 : Kan ar Kann. Revoyons les en video.
en voici les paroles (une traduction se trouve là )
Gwall war Veg ar Raz
Ha brud braz
Tan ! tan ! dir ! oh ! dir !
Tan ! tan ! dir ! ha tan !
tann !tann !
Tir ha tonn ! tonn ! tann !
Tir ha tir ha tann !
Bretoned touzet
a zo bet
Dalc’h penn te Breton
a galon
Gwell eo stourm nevez
o na mezh
Gwardou gwer ha dir
gwer ha dir
Stourm evit frankiz,
de frankiz
Fuc’h hag avel – dro war Plogo
Fuc’h hag avel – dro
Moged hag aezhen
deoc’h kouerien
Goad ar Vretoned eo a red
Goad ar Vretoned
Dastum er Penn-ger
E Kemper
Dastum er Penn-ker
Torr o fenn o zor
Torr o zor
Kant mil’zo enemgavet
Kant mil kounnaret
Kant mil oll war Veg ar Van
Kan ha klemm ha kann
Kan trec’h ha korroll
d’id heol
Kan goanag ha kann
Kan ha kann
Kaneveden gen
War o fenn
S’il vous plaît, veuillez indiquer le livre exact où Grégoire de Tours aurait parlé de ces vendanges armées. J’ai cherché dans chacun de ses ouvrages et je n’ai pas trouvé… Un extrapolation de la Villemarqué peut-être ? les erreurs sont si courantes chez les érudits du XIXe (mauvaises transcriptions des textes, recherches portant un but autre que la vérité historique etc)
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Cette mention apparait dans l’Histoire des Francs, aux livre 5 accessible sur le site remacle.org/bloodwolf/historiens/gregoire/francs5.htm :
La quatrième année de Childebert, qui était la dix-huitième des rois Gontran et Chilpéric [en 579]…
Les Bretons infestèrent cruellement les environs de Nantes et de Rennes ; ils enlevèrent une immense quantité de butin, ravagèrent les champs, dépouillèrent les vignes de leurs fruits et emmenèrent beaucoup de captifs. L’évêque Félix leur ayant fait parler par des envoyés, ils promirent de s’amender, mais ne voulurent accomplir aucune de leurs promesses.
De la même façon au livre 9 on peut lire (en 588):
Les Bretons pillèrent cruellement cette année les territoires de Nantes et de Rennes, vendangèrent les vignes, dévastèrent les champs cultivés, et emmenèrent captifs les habitants des villages, ne gardant aucune des promesses qu’ils avaient faites, et non seulement ne gardant pas leurs promesses, mais enlevant ce qui appartenait à nos rois.
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